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DIETRICH, Jean de

Banquier, maître de forges anobli (? Strasbourg 23.11.1719 † Strasbourg 1.1.1795).

Frère de Jean-Nicolas de Dietrich ©, petit-fils de Jean Dietrich © et fils de Jean Nicolas Dietrich. ? 28.9.1745 à Strasbourg Amélie Anne Dorothée (? Strasbourg 1729 † Paris 10.12.1766), fille unique de Philippe Frédéric Hermanny, banquier et bourgeois de Strasbourg, et de Catherine Salomé Wolff. Jean de Dietrich reçut un enseignement pratique de langues (français et italien principalement) et de commerce. Jean de Dietrich entra en 1735 dans la banque Hermanny chargée par Paris de Montmartel, garde du Trésor royal et banquier de la cour, du paiement des armées pendant la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). Jean de Dietrich œuvra à Paris dans la banque La Rue de 1740 à 1745. Associé aussitôt après son mariage à son beau-père sous la raison « Hermanny et Dietrich », il assura seul les services financiers des armées durant la guerre de Sept Ans (1756-1763) à partir de 1759 et fournit de l’armement (boulets de canons). La gérance de Jaegerthal était encore supportée par son oncle Jean Daniel. Jean de Dietrich finança diverses constructions ; facturie en 1752, martinet et marteau à Jaegerthal en 1757. Ce rôle lui permit d’imposer une nouvelle comptabilité à la régie de Jaegerthal dès 1755. Jean de Dietrich accomplit une importante carrière politique à Strasbourg. Échevin de la tribu des Drapiers en 1745, il la représenta deux ans plus tard au Grand Conseil. Il fut coopté à l’unanimité par les XV en 1756 et élu ammeistre-régent en 1759. Paris de Montmartel sollicita Louis XV d’accorder des lettres de noblesse à Jean de Dietrich et de créer pour lui la charge de secrétaire-interprète de l’ordre du Mérite militaire. L’empereur François 1er lui conféra le titre de baron du Saint-Empire en octobre 1762. Dès février 1762 Choiseul intervint auprès du Magistrat de Strasbourg pour faire accorder au nouveau noble le titre de stettmeistre honoraire ; « Il a donné dans toutes les occasions des preuves de son attachement au service du Roy, aux intérêts de la ville et à ceux de nos habitants ». Jean de de Dietrich quitta les affaires de monnaie et de banque ainsi qu’il s’y était engagé envers les divers membres de la noblesse de Basse-Alsace lorsqu’il fut reçu membre de ce corps en 1762. Le baron devint en peu d’années, selon sa propre expression, « le particulier de la province la plus riche en terres ». Il acquit les seigneuries d’Oberbronn et de Niederbronn des Linange-Dabo entre 1760 et 1764 ; il acheta la seigneurie de Reichshoffen avec ses dépendances à l’empereur François 1er en juin 1761 et en 1771 celle du Ban de la Roche, avec la forge de Rothau, au marquis d’Argenson, ministre de la Guerre. Il reçut en 1763 de Louis XV des lettres de don et d’investiture du fief royal d’Angeot près de Belfort. En avril 1764 il obtint du duc de Deux-Ponts et du prince Frédéric, son frère, un fief relevant du comte de Ribeaupierre et en 1765, du duc de Wurtemberg, l’expectative du fief de Ramstein dépendant du comté de Horbourg (investiture en 1777). L’acquisition de la seigneurie de Niederbronn se heurta néanmoins aux prétentions du comte de Loewenhaupt ; l’affaire ne fut réglée qu’en 1797. Jean de Dietrich estima en 1790 à plus de 50.000 livres le rapport en droits féodaux et en dîmes de l’ensemble de ses terres. Jean de Dietrich fut également le plus grand maître de forges de la province. Jaegerthal, seul établissement des Dietrich jusqu’en 1766, fournit des fers à l’arsenal de Strasbourg, des ancres à la marine, des boulets à l’armée à partir de 1785. Jean de Dietrich racheta aux cisterciens de Sturzelbronn la forge et le fourneau élevés près de l’étang de Grafenweiher qu’il ordonna de démolir après avoir obtenu du roi le droit de les transférer à Reichshoffen où il fit construire deux nouveaux hauts-fourneaux (1766-67). Il élimina ainsi une concurrence et s’assura d’une livraison suffisante de bois. Il installa en 1767 un nouveau complexe à Rauschendwasser entre Jaegerthal et Reichshoffen : le laminoir à tôles de fer construit en Angleterre était le seul à fonctionner en France à la fin de l’Ancien Régime ; pour les feux de chaufferie, la houille était importée de la Sarre. L’usine de Reichshoffen, construite en 1769, transformait les fontes brutes tandis que celle de Rauschendwasser était spécialisée dans les tôles laminées. Ces installations et celles de Jaegerthal avaient une capacité de production de 21 000 quintaux de fer en 1789. L’ensemble des usines de Dietrich – avec celle de Rothau – fournissait alors plus de la moitié du fer forgé, fondu ou laminé de la province. Les ventes atteignirent un vaste marché, peut-être même l’Amérique du Nord. Jean de Dietrich occupa près de 1 500 ouvriers dont 300 mineurs. Il tenta même d’agrandir cet empire en 1768 et en 1777 par l’acquisition des forges de Mouterhouse dans la haute vallée de la Zinsel. Par lettres patentes, Louis XVI accorda en 1778 l’exclusivité d’une marque distinctive : un D majuscule entouré d’un cor de chasse. Jean de Dietrich partagea les idées philosophiques de son siècle et professa le déisme. Il fut gagné par la « fureur de bâtir » de ses contemporains. Ayant acquis la propriété du château d’Angleterre, il la transforma en une belle demeure qu’il revendit en 1771 à Jean Louis Beyerlé ©, directeur de la Monnaie de Strasbourg. Il fit construire par Salins de Montfort le château de Reichshoffen. Jean de Dietrich devint comte du Ban de la Roche en 1783. Il siégea à l’Assemblée provinciale (1787-89) parmi les douze membres de la noblesse. Ses dernières années furent marquées par la Terreur : il fut incarcéré en 1793 comme suspect car père d’un « émigré ». Ses biens placés sous sequestre furent affermées par le Directoire du Bas-Rhin en 1794 ; J.-J. Ulmer se rendit adjudicataire des forges à l’exception de celle de Rothau, exploitée par un autre homme de confiance, pour le compte de Jean de Dietrich. Celui-ci confesse dans son testament : « j’ai acquis ma fortune sans reproche en rendant heureux des milliers de pauvres ».

Archives départementales du Bas-Rhin Archives privées des Dietrich – Carton 85 B, manuscrit de Jean III de Dietrich « les événements de ma vie » (texte publié en partie par Saisons d’Alsace, 1986). Carton 5, lettre du 2.8.1790 au comte de Montmorin, secrétaire d’État, sur les rentes des terres (détails) ; Archives du Chapitre de Saint-Thomas Carton 447/120, Programmata funebria ; L. Vignols – P. Leuilliot, « Jean de Dietrich et la traite des nègres », Revue d’Alsace, 1931, p. 83-91 ; G. Richard, « Jean de Dietrich et le commerce d’Amérique (1778-1779) », Revue d’Alsace, 1962, p. 115-121 ; Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972, p. 82 et 118 ; P. Hertner, Stadtwirtschaft zwischen Reich und Frankreich, Wirtschaft und Gesellschaft Strassburgs, 1650-1714, Köln-Wien, 1 973, p. 357-358.

Dans son article sur les Problèmes sociaux et politiques de développement de l’industrie dans le Nord de l’Alsace au XVIIIe siècle, Marcel Thomann précise (p. 21) : « En 1764, voyant la prospérité de son voisin du Jaegerthal, l’abbaye de Sturzelbronn décide, elle aussi, d’établir des forges sur son territoire. Pour ce faire elle obtint du roi de Pologne une vaste « affectation » sur les forêts de Bitche. On édifie les forges quand, au moment de commencer l’exploitation, un arrêt du Conseil d’État interdit à Sturzelbronn de tirer son minerai des mines alsaciennes. De Dietrich a gagné la partie : pas de minerai, pas de forge. Il ne reste à l’abbaye qu’à vendre installations et droits à son très influent voisin ».

Hélène Georger-Vogt et Jean-Pierre Kintz (1985)