(pseudonyme de AARON Lucien),
Homme de lettres, historien, directeur d’Archives, (I) (★ Nancy 11.2.1872 d. Strasbourg 14.4.1929). Fils de Moïse Aaron, négociant (★ Bouxwiller 18.9.1826), et d’Esther Sarah Uhry (★ Ingwiller 2.9.1828). Célibataire. Ses parents qui vécurent une dizaine d’années à Rio de Janeiro autour de 1860, optèrent pour la France et gagnèrent Nancy dès septembre 1871. Ils se sont établis à Paris en 1873. Après de brillantes études secondaires classiques au lycée Condorcet, autour de 1885 ; il échoua à l’oral du concours d’entrée à l’École Normale Supérieure. Il poursuivit alors ses études supérieures en Sorbonne et termina, en 1892, sa licence ès lettres. Ayant renoncé à l’agrégation, il entra par la suite dans l’édition et travailla successivement chez Ollendorf (1896) et Cornely (1904). Dès 1898 son Plaidoyer pour les annexés, inaugura ce qui allait être l’œuvre de toute sa vie, à savoir la défense et l’illustration passionnées des provinces perdues. En même temps, l’affaire Dreyfus l’amena à se lier avec Péguy qui ouvrit les Cahiers de la Quinzaine à sa brochure intitulée Juifs, ainsi qu’en 1905, à son étude sur les pogroms de Russie et de Pologne. Mais c’est en 1908 que les Cahiers de la Quinzaine vont faire sa renommée en publiant en fascicules son premier véritable ouvrage sur l’Alsace, intitulé La Carte au Liseré Vert, symbolisant la déchirante rupture que représentait dans la réalité, la création du Reichsland. Mais dès ce moment Delahache qui s’est, depuis son adolescence, senti profondément attaché à l’Alsace, décida de se consacrer à elle et se convertit à l’histoire pour mieux apprendre à la connaître. En même temps, afin de pouvoir en parler officiellement et mieux faire connaître à ses concitoyens la permanence de la question d’Alsace-Lorraine, il devint un des orateurs attitrés des Universités Populaires naissantes. Dès 1910 il se transforma en historien de l’art en consacrant également un remarquable ouvrage à la cathédrale de Strasbourg alliant notice historique et étude archéologique. Il collabora à la Revue de Paris que lui ouvrit Ernest Lavisse, et au Messager d’Alsace Lorraine, à partir de 1908. Il y publia une série d’articles consacrés à la douloureuse question de l’option pour la France ou du maintien en Alsace devenue allemande, lesquels furent réunis dans un volume intitulé l’Exode, en 1914.
Il fut également, en 1911 et 1912, collaborateur du Figaro, auquel il donna une série de « Figures d’Alsace et de Lorraine » consacrées aux continuateurs de la Protestation, ainsi que du Messager d’Alsace-Lorraine à qui il confia en 1913 une suite d’articles sur Metz. Il fit alors également œuvre de véritable historien grâce à ses deux études sur « un ennemi du Cardinal-Collier » et surtout sur « l’Insurrection de Strasbourg du 30.10.1836 », parue en 1913 dans la Revue Alsacienne illustrée du docteur Bucher.
Il passa la guerre avec le grade de sergent, au contrôle militaire postal de Pontarlier et au bureau de renseignements de Rechesy avec le Dr. Bucher © et Hallays. Les services rendus à ces postes de confiance lui valurent, en août 1918, le grade de capitaine interprète et le 22.11.1918, de participer à l’entrée des troupes françaises dans Strasbourg. Nommé peu auparavant au Service d’Alsace-Lorraine, il fit partie de la première administration française à Strasbourg en tant que second secrétaire général de Basse Alsace. Il consacra alors dans la Revue de Paris du 1.8.1920, une étude sur « Strasbourg 1918-1920 », ainsi qu’un ouvrage sur « les débuts de l’administration française en Alsace et en Lorraine » (1921). Il revint à nouveau sur ce sujet controversé, dans la Revue de Paris du 15.3.1925 et traita alors de la « Réadaptation de l’Alsace », réalité dont il ressentit et analysa lucidement les difficultés et les périls. Dès 1918 la publication d’une Petite Histoire de l’Alsace-Lorraine, préfacée par le président Deschanel, membre de l’Académie française, l’amena à désirer quitter l’administration pour se consacrer définitivement à l’histoire. Peut-être fut-il également découragé par le désordre créé en Alsace par le système de l’administration directe établi dans les provinces recouvrées, par Paris. Quoique n’étant pas favorable à un statut spécial dans le cadre français pour l’ancienne Alsace-Lorraine, il était partisan d’une adaptation prudente et par étapes de l’ancien Reichsland, politique qu’il soutiendra avec ferveur auprès de Millerand. Aussi le 27.1.1919, posa-t-il sa candidature au poste de directeur des Archives et de la Bibliothèque municipales de Strasbourg, laissé vacant par le départ du titulaire allemand, Otto Winckelmann. Confortée par la chaude recommandation du commissaire général Maringer, sa candidature fut acceptée avec empressement par l’administration municipale et le 1.5.1919, il entama sa nouvelle carrière au service de la Ville de Strasbourg. Ses activités aux Archives et à la Bibliothèque, le mirent parfois en conflit avec les milieux autonomistes, mais lui permirent de publier encore de nombreux articles historiques dans les Archives alsaciennes d’histoire de l’art, l’Alsace française et la Vie en Alsace ; et surtout de rédiger en 1923, dans la collection des Villes d’Art célèbres, un Strasbourg riche de matière et de style harmonieux. Son précédent rôle militaire et administratif, sa modestie et sa serviabilité, sa bienveillance et sa modération, unanimement reconnues, le firent rechercher dans toutes les instances officielles et l’amenèrent à participer à plusieurs missions alsaciennes en Tchécoslovaquie, Belgique, Suisse et Rhénanie. Élu membre de la Société industrielle de Mulhouse le 28.5.1919, il fut nommé par arrêté préfectoral du 20.6.1920, membre du Comité départemental du Bas-Rhin pour la recherche et la publication des documents locaux concernant l’histoire économique de la Révolution Française. Élu en été 1919, secrétaire général de la Société des Amis de la cathédrale, il fut également nommé par arrêté de décembre 1920, correspondant du ministère de l’Instruction publique. Membre du Comité alsacien d’Etudes et d’information et secrétaire général de l’Alliance française de Strasbourg, il était également vice-président du Comité du Bas-Rhin de l’Alliance israélite. Il a été fait chevalier de la Légion d’honneur le 12.7.1919. Une plaque commémorative à sa mémoire a été apposée le 30.1.1938 dans la cour des Archives municipales, à l’initiative de la Société des Écrivains d’Alsace et de Lorraine.
Plaidoyer pour les annexes, brochure, 1898 ; Juifs, brochure, 1901 ; « La carte au Liseré vert », Cahiers de la Quinzaine, 1909 ; La cathédrale de Strasbourg, 1910 ; « Figures d’Alsace et de Lorraine », Le Figaro, 1911-1912 ; « Saverne, un petit Versailles Alsacien », le Figaro illustré, 1911 ; Un ennemi du cardinal « Collier » : François-Léopold de Mayerhoffen, maire de Saverne, 1912 ; « L’insurrection de Strasbourg (30 octobre 1836) », Revue Alsacienne illustrée, 1913 ; « L’Exode (Histoire de l’émigration alsacienne et lorraine consécutive à la guerre de 1870-1871) », Cahiers de la Quinzaine, 1914; « Mulhouse », l’Alsace et la Lorraine, 1917 ; Petite histoire de l’Alsace-Lorraine, 1918 ; Jean Dollfus (1800-1887), en collaboration avec Arsène Zeller, 1919 ; « L’Alsace, la Lorraine et les lettres françaises », Notre Alsace, Notre Lorraine, Paris, 1919 ; « Strasbourg 1918-1920 », Revue de Paris du 1er août 1920 ; Les débuts de l’administration française en Alsace et en Lorraine, 1921 ; Strasbourg, Paris, 1923 ; grand nombre d’articles de journaux ou revues écrits entre 1907 et 1928 dans le Censeur, Athéna, Après l’École, les Droits de l’Homme, le Messager d’Alsace-Lorraine de Paris, les Cahiers Alsaciens, la Revue Alsacienne illustrée, l’Alsace française, la vie en Alsace, Archives alsaciennes d’histoire de l’art.
P. Paulin, « Georges Delahache ein Elsässischer Historiker », Mein Elsassland, t. 2, 1922, 1923, p. 53-55 (avec portrait) ; A. Dupuy, « Biographies Alsaciennes : « Georges Delahache », Vie en Alsace, 1924, p. 12-14 ; Journal de l’Est des 15.4.1929 et 17.4.1929 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 15.4.1929 et 17.4.1929 ; Der Elsässer du 16.4.1929 ; La République du 17.4.1929 ; Journal d’Alsace-Lorraine du 17.4.1929 ; L’Alsace du 19.4.1929 ; « À la mémoire de Georges Delahache », L’Alsace française des 19.5.1929 et 21.4.1929 ; Le Temps du 21.4.1929 ; Encyclopédie de l’Alsace, t. 4, 1983, p. 2302-2303.
Georges Fœssel (1986)