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CALVIN Jean

Théologien, père de l’Église réformée (Pr) (★ 10.7.1509 Noyon, Picardie, † Genève 27,5.1564).

Fils de Gérard Cauvin, procureur du chapitre de la cathédrale de Noyon, et de Jeanne Lefranc. 1528 maître ès arts, 14.2.1532 licencié ès lois, automne 1533 conversion. Strasbourg, août 1540, Idelette de Bure, veuve de Jean Stordeur, un anabaptiste liégeois, réfugié à Strasbourg, que Calvin avait lui-même converti. En 1542 naquit un fils, Jacques, qui ne vécut pas longtemps, et Idelette elle-même mourut le 29.3.1549.

Les principales étapes de sa vie :

À peine âgé de quatorze ans, et déjà pourvu d’un bénéfice ecclésiastique, Calvin se rendit à Paris pour se préparer à la carrière théologique où son père souhaitait le voir entrer. Du collège de la Marche où il ne fit que passer, il ne retint que l’amitié de Mathurin Cordier. A Montaigu, il suivit les leçons du logicien Coronel et du nominaliste John Mair pendant près de cinq ans. De là datent ses premiers contacts avec les Pères de l’Église et les docteurs scolastiques dont il garda un souvenir fort précis. Mais sa curiosité n’y trouvait pas de quoi se satisfaire. Par l’intermédiaire de quelques amis, il entra en contact avec les humanistes en renom qui lui découvrirent un monde nouveau, en lui communiquant leur passion pour les auteurs de l’Antiquité. Pendant cinq ou six ans, il se maintint dans le sillage d’Erasme © et de Budé ; il lut aussi des écrits de Lefèvre, de Luther et de Mélanchthon, mais sans y prendre goût. Le rétablissement des bonnes lettres lui paraissait alors plus urgent que la réforme de l’Église. En 1529, son père l’obligea soudain à abandonner la théologie pour le droit. À la faculté d’Orléans, il se mit à l’école de Pierre de l’Estoile, tout en apprenant le grec. Quelques mois plus tard, il était à Bourges pour entendre l’italien Alciat expliquer les Pandectes dans le plus pur esprit humaniste. Sans relâche, il lisait et travaillait, au point d’y gâter sa santé. Du moins garda-t-il toujours de ses études juridiques ce besoin du terme propre et de la définition précise que l’on retrouve dans tout ce qu’il écrivit. Car le voici à pied d’œuvre et, après un nouveau séjour à Paris, qui le mit en contact avec l’helléniste Danès et l’hébraïsant Vatable, il se sentit enfin de force à publier son premier ouvrage, un commentaire du De Clementia de Sénèque (1532). Il s’y montrait comme un humaniste de bonne venue, érudit à souhait. Il avait l’étoffe d’un Cujas ou d’un Bodin. Sa conversion à la Réforme en décida autrement. Comme tout ce qu’il entreprenait, il se donna de tout son être à l’Évangile retrouvé. Dès lors, tout le reste de sa vie ne fut qu’une lutte passionnée pour introduire cet Evangile en France. Il eut vite fait de comprendre que cette œuvre ne pouvait être menée à bonne fin que du dehors. Obligé de fuir Paris au lendemain de l’affaire des Placards (octobre 1534), il se fixa à Bâle où il savait pouvoir écrire en toute liberté. En mars 1536, il y fit paraître un petit volume de quelque cinq cents pages, sous le titre Christianae religionis institutio. Il conçut son livre d’abord comme un simple exposé des doctrines protestantes et une apologie à l’adresse de leurs détracteurs. D’édition en édition, l’Institutio connut un succès croissant et finit par s’imposer sous la forme définitive qu’elle reçut en 1559-1560; elle compte parmi les trois ou quatre livres les plus répandus au XVIe siècle et parmi ceux dont l’influence fut le plus durable. Au retour d’un ultime voyage à Paris, Calvin voulut regagner Bâle par Genève. Il y trouva Farel qui l’obligea à rester auprès de lui pour l’aider à organiser la nouvelle Église genevoise. Les soucis de l’action concrète s’ajoutèrent dès lors pour Calvin aux travaux intellectuels. Les premières tentatives furent du reste vouées à l’échec. Chassé de Genève, Calvin répondit à l’appel de Bucer © et demeura à Strasbourg trois ans, de 1538 à 1541. Bientôt il reprit, en regimbant, le chemin de Genève, où Magistrat et population le rappellent avec insistance. Dès son retour, il donna sa charte à l’Église genevoise et en fixa la doctrine (1541-1542). Mais les rapports avec le Magistrat restèrent tendus pendant de longues années. En même temps, le réformateur conseilla et organisa les Églises qui, peu à peu, se constituaient dans les diverses provinces de France. On vint à lui d’ailleurs aussi, d’Italie, de Hongrie, d’Écosse et des Pays-Bas. Lorsqu’il mourut, il ne voulait, jusqu’au bout, connaître d’autre gloire que celle de Dieu auquel il n’avait cessé de rapporter l’ensemble de son œuvre.

Calvin à Strasbourg, septembre 1538 à septembre 1541 :

Aussitôt arrivé, puis reçu bourgeois dans la corporation des tailleurs le 29.7.1539, il développa dans divers secteurs une activité débordante :

1. Pasteur des réfugiés français : Environ 200 réfugiés de langue française se trouvaient alors à Strasbourg. Calvin « dressa » parmi eux la première Église réformée, avec son pasteur chargé de l’administration régulière de la Parole et des sacrements, et son consistoire, composé de quelques anciens et diacres, responsable de la discipline. Ce modèle, repris avec quelques variantes à Genève, a servi de prototype aux Eglises réformées en général. Pour doter cette « ecclesiola gallicana » d’une liturgie, Calvin s’inspira de l’ordre liturgique strasbourgeois qu’il adapta en français. « Quant aux prières des dimanches, dit-il, je pris la forme de Strasbourg et en empruntai la plus grande partie » (notamment la belle confession des péchés, qui revêt sous sa plume une solennité particulière). La liturgie est complétée par un cantique, publié à Strasbourg, en 1539, sous le titre Aulcuns pseaulmes et cantiques mys en chant. Ce recueil contient treize psaumes versifiés par Marot et six par Calvin lui-même, sur des mélodies strasbourgeoises prévues initialement pour des textes allemands. Il est l’ancêtre du psautier huguenot, dans lequel on retrouve entre autres pour le psaume 68 la mélodie du compositeur alsacien Matthieu Greiter ©. Les premiers cultes auront lieu à Saint-Nicolas dès septembre 1538, puis le Magistrat assigna à la jeune communauté l’église des pénitentes de Sainte-Madeleine et en 1540 l’ancienne église des Dominicains.

2. Professeur de théologie : Depuis janvier 1539, Calvin assura un cours d’exégèse biblique à la Haute-École nouvellement fondée. À raison de trois heures par semaine, il exposait le Nouveau Testament, et plus particulièrement l’épître de saint Paul aux Romains. Ayant pour devise brièveté, simplicité, édification, il s’affirme d’emblée comme un exégète de grande classe. Ce premier cours fut publié à Strasbourg en 1540 sous le titre Commentarii in epistolam Pauli ad Romanos. Pour son activité pastorale et professorale, les scolarques allouèrent à Calvin le modeste traitement de 52 florins par an, et encore cette mesure ne prit-elle effet qu’à partir du 1er mai 1539.

3. Écrivain : En 1539 parut à Strasbourg une nouvelle édition, entièrement remaniée, de son Institutio, sous le titre Institutio christianae religionis. Ce qui n’était qu’un in-8° est devenu un in-folio. L’ouvrage n’apparaissait plus comme un catéchisme supérieur, mais comme un copieux manuel de théologie dogmatique destiné à guider le lecteur dans l’étude des Ecritures, et à lui montrer comment y trouver le Christ dont la communion est pour Calvin le fondement de toute religion. Maint développement d’une édition à l’autre, notamment dans le domaine ecclésiologique, prouve d’ailleurs l’enrichissement dont Calvin avait profité au contact de Bucer, de 18 ans son aîné. Non content de ce labeur, Calvin s’attela aussitôt à une traduction française de l’ouvrage qui parut à Genève en 1541 ; il s’y révèle au jugement des spécialistes comme l’un des créateurs de la prose française moderne. Du séjour strasbourgeois datent encore la Réponse au cardinal Sadolet, Strasbourg, 1540, et le Petit traité de la sainte cène, Genève, 1541. Dans ce dernier écrit, Calvin précise son point de vue sur l’eucharistie, voisin de celui de Bucer et différent des interprétations romaine, luthérienne et zwinglienne, affirmant que le pain et le vin sont nommés corps et sang de Christ, parce qu’ils en sont les signes et qu’ils en sont tellement les signes que la vérité est conjointe avec.

4. Conseiller théologique : Dans le sillage des réformateurs strasbourgeois, Calvin assiste aux colloques de Haguenau, de Worms et de Ratisbonne, 1540-1541, destinés à refaire l’unité de l’Eglise.

5. Avocat : Le comte Guillaume de Furstenberg, colonel de lansquenets au service de la France, vint renforcer les troupes du roi de six à dix mille gens de pied allemands lors de la troisième confrontation entre François Ier et Charles-Quint (1536-1538). Il arriva cependant que Furstenberg se brouilla avec le connétable Anne de Montmorency. Ses attaches protestantes y étaient pour quelque chose, ainsi que ses manières arrogantes et ses exigences financières. La raison principale fut cependant que Montmorency cherchait un terrain d’entente avec Charles-Quint pour que la chrétienté fît front contre les menaces des Turcs. Toujours était-il qu’un jour on préféra au comte Guillaume l’un de ses subordonnés comme recruteur de lansquenets, le capitaine Sébastien Vogelsperger ©. Furstenberg, blessé dans son honneur, chercha à se défendre devant le roi et à se justifier devant les États protestants de l’Empire. De passage à Strasbourg, où il avait un hôtel particulier, il confia sa cause à Calvin qui lui rédigea deux factums, imprimés à Strasbourg les 15.9.1539 et 9.2.1540.

Strasbourg a profité du passage de Calvin, mais l’inverse est vrai aussi. Strasbourg rendit à la Réformation un Calvin plus mûr, plus grand qu’elle ne l’avait reçu.

Œuvres de Calvin : loannis Calvini opera quae supersunt omnia, éd. par les théologiens strasbourgeois G. Baum, E. Cunitz et E. Reuss, 59 vol. grand in-4°, Brunswick et Berlin, 1863-1900 ; Joannis Calvini opera selecta, éd. par P. Barth et W. Niesel, 5 vol., Munich,1926-1952 ; Jean Calvin, Institution de la religion chrestienne (texte de 1541), éd. par J. Pannier, 4 vol., 2e éd., Paris, 1961 ; Jean Calvin, Institution de la religion chrestienne (texte de 1560), éd. par J.-D. Benoît, 5 vol., Paris, 1957-1963.

Sur la vie et l’œuvre de Calvin en général : M.-J. Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959n° 748 et II, p. 595 (corriger la date de sa réception comme bourgeois à Strasbourg et celle de son décès) ; W. Nijenhuis, article « Calvin » dans Theologische Realenzykiopädie, Berlin et New-York, tome 7 (1981 ), p. 568-592 ; F. Wendel, Calvin, sources et évolution de sa pensée religieuse, 2e éd., Genève, 1985.

Sur son séjour strasbourgeois : R. Stauffer, « L’apport de Strasbourg à la Réforme française par l’intermédiaire de Calvin », dans l’ouvrage collectif Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle, Strasbourg, 1977, p. 285-295, et la littérature indiquée là ; J. Rott, « Documents strasbourgeois concernant Calvin », Regards contemporains sur Jean Calvin, Actes du Colloque Calvin – Strasbourg 1964, Cahiers de la Revue d’histoire et de philosophie religieuses, n° 39, Paris 1965, p 28-73 ; du même, article « Bucer », Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, tome 1 (1984), p. 403-405, les nos 27, 31, 62, 67, 71 et 92 ; Rod. Peter, « Jean Calvin, avocat du comte Guillaume de Furstenberg », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, Strasbourg, t. 51 (1971), p. 63-78.

Rodolphe Peter (1985)