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Marcel Thomann est à l’origine de la renaissance de la Fédération des Sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace, telle que nous la connaissons depuis 1978.

Dès janvier 1978, il entre au « comité de patronage » de la Revue d’Alsace, en tant que professeur de l’université des Sciences juridiques, comme caution intellectuelle et ambassadeur de la Revue d’Alsace qui doit être relancée. Après l’Assemblée extraordinaire de juin 1978 lors de laquelle sont adoptés les nouveaux statuts de la Fédération, une Assemblée générale ordinaire est réunie, en septembre, à Kientzheim ; Marcel Thomann, bien qu’absent, y est élu membre du comité. J’assistais dans la salle, au nom de la Société d’Histoire du Sundgau, à cette première Assemblée générale, après la « révolution de Wissembourg ». Les douze membres du comité présents se retirèrent pour délibérer et nommèrent Marcel Thomann, à la fonction de président, Raymond Oberlé et François Joseph Fuchs, comme vice-présidents.

Le premier mandat de Marcel Thomann fut décisif pour le renouveau de la Fédération et la consolidation de ses travaux, le comité se réunissait tous les mois, puis toutes les six semaines. Les projets ne manquaient pas : la Revue d’Alsace, pour laquelle il créa une nouvelle maquette à la couverture blanche, connaissait un franc succès (1979), le Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne préparait son numéro zéro consacré à la lettre A (1980), l’Inventaire des bornes par la commission « Inventaire et Sauvegarde » engrangeait déjà 5 000 fiches à la fin du premier mandat, la mise en chantier d’un Dictionnaire des Institutions d’Alsace était évoquée dès 1981.

Marcel Thomann est réélu pour un deuxième mandat fin 1981. Mais une présidence n’est pas synonyme de long fleuve tranquille. Et Marcel Thomann rappelle « qu’il n’entend assumer ses fonctions que s’il est assuré de pouvoir compter sur le minimum de compréhension, de courtoisie, et même de droit à l’erreur indispensable à tout travail collectif ». Il insiste sur « l’impérieuse nécessité de maintenir l’unité et la cohésion du comité malgré les opinions parfois divergentes ».

Début septembre 1984, la Fédération tenait son stand à la Foire européenne de Strasbourg, et avait invité la Société d’histoire du Sundgau. Marcel Thomann nous invita, mon époux et moi-même, pour le repas. Il envisageait de faire entrer de nouveaux membres au comité. Il se souhaitait un juriste et proposa à mon époux, un de ses anciens élèves, de poser sa candidature. Mais mon époux déclina l’offre et proposa à Marcel Thomann de m’accueillir. C’est ainsi que je fus élue au comité le 30 septembre 1984, à Guebwiller au sein d’un comité entièrement masculin mais sans Marcel Thomann qui n’avait pas souhaité se représenter !

Quelques jours plus tard, le comité est réuni à Strasbourg mais personne n’est candidat à la présidence. Le doyen d’âge, Lucien Sittler propose alors de téléphoner à Marcel Thomann pour lui demander de revenir au comité et d’assurer un troisième mandat. Celui-ci accepta, prit sa voiture et vint très vite nous rejoindre à l’Hôtel de Strasbourg, où nous l’attendions. Marcel Thomann n’avait pas été surpris par ce coup de fil : « depuis quelques jours, je me suis rendu compte que la volonté de me consacrer à autre chose [que la Fédération] ne pouvait se réaliser, du fait de la nécessité de trouver un président offrant toutes les garanties pour la poursuite sereine et efficace des activités de la Fédération… », dira-t-il dans son premier discours. La Fédération pouvait poursuivre son travail, soutenue par les collectivités territoriales.

Trois ans plus tard, en avril 1987, toujours pas de candidature déclarée pour la présidence ! Mais Marcel Thomann étant membre du comité est élu d’office par 17 voix et un vote blanc ! Il « souhaite que chacun prenne sa part de travail au sein de la fédération ».

Grâce aux compétences de Jean-Marie Holderbach avec le soutien de Marcel Thomann, la Fédération a passé le cap de l’informatisation, fait l’acquisition de nouveaux matériels en vue de la publication assistée par ordinateur, s’est équipée d’une imprimante laser, de nouveaux logiciels. En mai 1990, Marcel Thomann est élu, à l’unanimité, pour un cinquième mandat ! La Fédération jusqu’à présent hébergée par le CRDP est contrainte de déménager dans un appartement au 15 rue de Bruxelles. Lors des élections de 1993, Marcel Thomann ne se représente plus, et Jean-Claude Hahn accepte de lui succéder. Marcel Thomann est nommé président d’honneur. La Revue d’Alsace lui offrit des « Mélanges » en remerciements de son très long investissement à la tête de la Fédération de 1978 à 1993. Il continuera encore à assister aux réunions du comité fédéral lorsqu’elles se dérouleront à Strasbourg et viendra parfois même jusqu’à Colmar, n’hésitant pas à prendre la parole, à donner des conseils, à affirmer ses idées, et partageant avec beaucoup de plaisir les petits repas qui prolongeaient les rencontres.

Dès les années 1980, Marcel Thomann avait entrepris un travail ambitieux, constituant au fil des ans, une importante documentation sur l’histoire des institutions d’Alsace, composée de fiches individuelles explicatives avec mention de sources à consulter, de notices rédigées et de fiches de synthèses. Mais les moyens financiers et quelques «incompatibilités d’humeur » n’avaient pas permis sa mise en œuvre et sa publication. Jean-Pierre Kintz, en 2007, en tant que président, proposa à François Igersheim le poste de rédacteur en chef du Dictionnaire historique des Institutions de l’Alsace. Mais Marcel Thomann souhaitait l’embauche à plein temps d’une secrétaire pour en faire la saisie, ce qui lui fut refusé. La rédaction des notices de la lettre A se poursuivit cependant, à l’Institut d’histoire de l’Alsace, avec quelques auteurs et des membres du comité fédéral. En 2008, Marcel Thomann accepta de signer une charte avec la nouvelle présidente Gabrielle Claerr Stamm, charte qui lui garantissait que le DHIA serait bien édité par la Fédération qui en resterait la propriétaire, et que tous les documents qu’il remettrait, resteraient sous la responsabilité de cette dernière. En 2010, paraissait la lettre A du DHIA, le fascicule fut officiellement remis à Marcel Thomann lors de l’Assemblée générale.
Marcel Thomann avait lancé le Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne en 1981 ; il contribua régulièrement à sa parution, signant plus de 230 notices. Pour plus de détails on se reportera à son index, dernier fascicule de la collection, ainsi qu’à la notice consacrée à Marcel Thomann rédigée par Jean-François Fuchs.
Peu de livres portent la signature de Marcel Thomann, signalons son très beau travail sur les orgues, sa passion. On connait son investissement pour celui de Marmoutier, sa ville natale, où il est à l’origine du Centre européen de l’orgue (CEO), avec un Centre d’interprétation du patrimoine (CIP). En 2000, aux Éditions du Signe, il publie « Le monde mystérieux de l’orgue ». Plus curieux, un fascicule de 16 pages, parus en 1968, « L’influence du philosophe allemand Christian Wolf (1679-1754) sur « l’Encyclopédie » et la pensée politique et juridique du XVIIIe siècle français ». En 2008, il participe à la rédaction de l’ouvrage consacré au Bicentenaire de la Faculté de droit de Strasbourg (Presses Universitaires de Strasbourg-Payot). En 1987, 1989 et 1993, il dirige les thèses de ses étudiants en droit dont celle d’Emile Rudolf consacrée à « La femme dans le droit pénal alsacien jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ». Il contribua également à l’Encyclopédie Universalis, par deux articles consacrés à la « Théorie du caméralisme » et au « Philosophe Christian von Wolf ».

Il faudrait évoquer encore son implication dans la vie des sociétés d’histoire. Chaque société aura à cœur de lui rendre cet hommage. Il était également membre d’honneur du comité de l’Académie d’Alsace.

La Fédération n’oubliera pas son Président d’Honneur, à qui elle doit d’être ce qu’elle est de nos jours.

Gabrielle Claerr Stamm, présidente d’honneur de la Fédération