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KARCHER Jean Henry

Député conventionnel, négociant, directeur de manufacture de laine et de draperie, (Pl) (★ Bouquenom [Sarre-Union] 23.12.1748 † Sarre-Union 2.3.1811).

Fils de Jean Charles Karcher, marchand- négociant, et de Jeanne Sophie Éléonore Hélène Wernik, fille de Christian Wernik, Oberforstmeister à Harskirchen. ∞ 21.10.1777 à Neu-Sarrewerden Marie Élise Braun, (Pl) (★ Neu-Sarrewerden 25.11.1750 † Sarre-Union 3.5.1828), fille de Jean Henri Braun, marchand-cabaretier de Neu-Sarrewerden, et de Marie Salomé Lerch ; 10 enfants. Après ses études au collège des Jésuites de sa ville, il s’occupa de la manufacture de draps de laine créée en 1733 par les Karcher et en devint le directeur en 1788. À l’approche de la Révolution, il ne cessa de s’affirmer et joua un rôle qui alla grandissant tant au chef-lieu de prévôté que dans le district. Le 20 décembre 1788, il signa avec d’autres notables et bourgeois une délibération adressée de Bouquenom au Tiers État de Nancy pour demander que « les membres, députés aux États Généraux, soient en nombre égal à la somme des députés des deux premiers ordres, afin d’y discuter les droits, les privilèges et les intérêts communs ». Élu par le Tiers État le 7 janvier 1789, il fut envoyé le 18 mars 1789 à Sarreguemines pour participer à la rédaction des cahiers de doléances, plaintes et remontrances du bailliage d’Allemagne. En septembre de la même année, le maire royal de Bouquenom, Mathias Ignace Meyer, le chargea avec d’autres échevins de pourvoir à la subsistance de la ville éprouvée par le manque de pain et la rareté et cherté des grains. Lors des élections du 27 janvier 1790 qui donnèrent à la ville un nouveau maire en la personne de Jean Népomucène Le Masson d’Issoncourt de Reitterwald, il tint le rôle de scrutateur. Élu officier municipal, puis capitaine de la garde nationale de sa ville le 18 février, il fut envoyé, le 22 juillet, auprès du bailli de Neu-Sarrewerden pour obtenir du prince de Nassau-Weilbourg la livraison de froment pour Bouquenom. C’est encore lui qui fut désigné, en novembre, collecteur de la fameuse contribution patriotique. Au début de l’année 1792, il adhéra à la Société des amis de la Constitution dont les membres se réunissaient dans la maison de son oncle, Jacques Karcher. Nommé député suppléant à la Convention, en septembre 1792, et président du district de Bitche, le 20 décembre, il fut souvent en relation avec Blaux, ancien maire de Sarreguemines et conventionnel girondin. Il proposa aux administrateurs de la Moselle « d’employer pour l’éloignement des fanatiques et prêtres déportés la force publique, en plaçant dans les villages les plus suspects de petits détachements de volontaires pour les dégoûter de revenir et de faire des fonctions publiques ». Après le décès de François Paul Nicolas Antoine, président des représentants de la commune de Metz, le 19 août 1793, et l’emprisonnement du remplaçant et deuxième suppléant, Nicolas Boulay, juge de paix de Bouzonville, Karcher fut admis à le remplacer le 25 brumaire an II (15 novembre 1793). Suite à la suppression par la Constituante de toutes les décorations au nom du principe d’égalité, il déposa le 6 nivôse (26 décembre 1793) sur le bureau de la Convention nationale trois brevets de délivrance, six croix de Saint-Louis ou du Mérite militaire et une lettre ministérielle, dons patriotiques provenant d’anciens officiers pensionnés de Bouquenom. Mais il fut soupçonné de fédéralisme et, dès décembre, le Directoire du département de la Moselle fut chargé d’enquêter « sur les sentiments que le citoyen Karcher pouvait avoir manifestés, lors des événements des 31 mai et 1 et 2 juin », journées insurrectionnelles parisiennes au cours desquelles, sous la pression des sans-culottes et de la Garde nationale, la Convention fut contrainte de voter l’arrestation de 2 ministres et de 29 députés girondins. Le Conseil général, les membres de la Société des amis de la liberté et de l’égalité, le juge de paix et les assesseurs de Bouquenom affirmèrent l’avoir toujours tenu « pour franc et loyal républicain… qui n’a cessé de donner des preuves tant du plus pur civisme que de son empressement à en propager le succès soit dans sa commune, soit dans les contrées circonvoisines » et firent parvenir à la Convention un certificat de civisme. De leur côté, les administrateurs du district de Bitche rappelèrent que leur ancien président, élu à l’unanimité des voix, avait rempli « en républicain », avec le représentant du peuple Philippe Jacques Ruhl de Strasbourg, les fonctions de commissaire « pour l’organisation des cantons et municipalités des Pays des ci-devant Nassau-Sarrebruck, Veilbourg, Salm et Assweiler » rattachés par les décrets des 14 février et 23 novembre 1793 à la France, puis au département du Bas-Rhin. À la séance de la Convention du 17 nivôse an II (6 janvier 1794), le rapporteur du comité des décrets rendit compte des renseignements qui lui étaient parvenus sur le citoyen Karcher. Mais ce dernier ne fut invité à siéger que le 20 nivôse, après le rapport Barbeau du Barran, montagnard modéré du Comité de sûreté générale. D’après l’Almanach national an III, Karcher demeurait au 18 de la rue de Rohan, à Paris. Lors du culte patriotique célébré le 9 mai 1794 en l’église Saint- Georges de Bouquenom, ce fut sa fille aînée,
Louise Hélène (★ 25.7.1778 † 21.3.1847), qui eut l’honneur de représenter la déesse Raison. Sans doute était-ce son père qui, d’après le procès-verbal de la séance du 15 messidor an II (3 juillet 1794), fit observer « qu’à cette fête, cinq religions différentes, catholiques, luthériens, calvinistes, anabaptistes et juifs, se sont confondues dans la religion de la nature ». Après avoir voté avec les conventionnels l’arrestation de Robespierre, le 9 thermidor (27 juillet 1794), il fit partie de la commission chargée d’examiner la conduite de Jean-Baptiste Carrier et vota contre le terroriste de Nantes. Le 19 juin 1795, la Commission des vingt et un, dont il était membre, conclut également à l’accusation de Joseph Lebon, le bourreau d’Arras et de Cambrai. Par la suite, Karcher joua un rôle de plus en plus effacé. De 1795 à 1797, il représenta le département du Bas-Rhin au Conseil des Cinq-Cents. Le 11 février 1798, le Directoire exécutif de Paris le nomma au poste de président du canton de Sarre-Union. À partir du 14 avril, l’ancien conventionnel, qualifié de « patriote prononcé », siégea pour deux ans au Conseil des Anciens. Hostile à la politique jacobine autant qu’aux privilèges de l’Ancien Régime et appartenant à la fraction modérée du Centre constitutionnel qui s’opposa au Consulat, l’ex-législateur, dont la carrière politique avait pris fin à Paris par le coup d’État du 18 Brumaire, fut éliminé de la Chambre en mai 1800. Il retourna alors à Sarre-Union, nouvelle commune formée sur sa demande par la fusion de l’ancienne ville de Bouquenom et de la ville neuve de Neu-Sarrewerden suivant le décret du 16 juin 1794 Kuscinski prétend qu’il aurait été proposé au poste de sous-préfet à Saverne, mais Karcher ne désirant plus s’occuper des affaires publiques se remit à la tête de sa fabrique de draps de laine. On le retrouva toutefois, le 24 prairial an XII (13 juin 1804) avec les fonctionnaires publics, préposés et employés convoqués à la mairie pour signer le serment de fidélité à l’Empereur. Il apposa sa signature en tant que membre du consistoire à la suite de celles des pasteurs Liebrich de Sarre-Union, Hauth d’Altwiller et Lahr de Dehlingen. Il mourut avec la réputation d’un homme de bien. Sa tombe, conservée au cimetière de Sarre-Union, porte l’inscription suivante : « Henry Karcher, député à la Convention Nationale, 1748-1811 ». D’après sa déclaration de l’état de fortune à la Convention (loi du 4 vendémiaire an IV), il possédait, avant 1789 et encore, un bien consistant en trente-deux arpents de terres, prés et vignes. En partant siéger à Paris en 1793, il avait un fonds d’environ 70.000 livres en billets et actions dans le commerce dont il laissa la gestion à ses associés. Éloigné des affaires domestiques, il n’a pas augmenté sa fortune.

Archives nationales, C 307-1, C 352-353, D I 1 37, F 1C III Bas-Rhin 10/12, F 1C III Moselle 1 ; J. Th. Muller, Kurze Uebersicht über die Grafschaft Saarwerden und die unglückliche französiche Revolution und ihre Contre-Revolution, Ms, s.l.n.d., p. 140, 144, 146, 165, 203 ; D. Fischer, Histoire de l’ancien comté de Saarwerden, s.l., 1877, p. 177 ; A. Benoit, « Les protestants du duché de Lorraine sous le règne du Roi Stanislas, le philosophe bienfaisant », Revue d’Alsace, 1885, p. 410 ; G. Matthis, Bockenheim und Neu-Saarwerden. Ein Blick in die Vergangenheit der Stadt Saar-Union, Sarre-Union, 1894, p. 18-19 ; J. Levy, Geschichte der Stadt Saarunion, Schirmeck, 1898, p. 329 ; « Tagebuch des Pfarrers Liebrich zu Neu-Saarwerden », Mitteilungen des historischen Vereins für die Saargegend 7, 1900, p. 124 ; G. Matthis, « Wie die Grafschaft Saarwerden französich geworden ist », Mitteilungen des historischen Vereins für di Saargegend 8, 1901, p. 98 et s. ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 6 (contrairement à ce que prétend Sitzmann, il ne semble pas qu’il ait choisi la carrière des armes ; la notice de Kuscinski ne le mentionne pas et il n’existe pas de dossier à son nom aux archives de Vincennes) ; A. Kuscinski, Dictionnaire des Conventionnels, Paris, 1917, p. 355 ; R. Paquet, Bibliographie analytique de l’histoire de Metz (1789-1800), II, Paris, 1926, p. 1111, 1194, 1434-1435 ; P. Lesprand, Le clergé de la Moselle pendant la Révolution, IV, Metz, 1939, p. 353 ; R. Marx, Recherches sur la vie politique de l’Alsace prérévolutionnaire et révolutionnaire, Strasbourg, 1966, p. 84 ; Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972, p. 148 ; G. E. Karcher, Fr, Kirchner, Die Familie Karcher aus dem Saarland, Gersweiler, 1979, p. 115-116; J. L. Wilbert, « Images de Bouquenom avant et au début de la Révolution française », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 147-148, 1989, p. 85-99 ; R. Ratineau, J.-L. Wilbert, « M. de Reitterwald, officier au Régiment d’Alsace et premier maire élu de Bouquenom en 1790 », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 150, 1990, p. 27-40, Ill.

René Ratineau et Jean-Louis Wilbert (1993)