Ecrivain politique et polémiste, professeur, conseiller général, (Pl) (★ Sarre-Union 21.12.1821 † Paris 6.4.1885).
Fils de Jean Louis Karcher (★ 6.9.1777 † 27.3.1847), négociant-cabaretier, maire provisoire de Sarre-Union (1819-1821), et de Marguerite Harth. Petit-fils de Jean Werner Karcher (★ 25.4.1734 † 13.2.1815), marchand et membre influent du club révolutionnaire de Bouquenom, puis premier maire de Neu-Sarrewerden. ∞ 5.2.1850 à Sedan Jeanne Elvire Trotrot (★ 1828), fille du rentier Philippe Firmin Trotrot ; un fils. Après des études de rhétorique et de philosophie au collège de Bouxwiller, il se décida en 1840 à entreprendre des études juridiques à la faculté de Droit de Strasbourg. Sensibilisé par les conflits confessionnels (liberté de l’enseignement, utilisation des églises mixtes…) et tourné vers le libéralisme et le rationalisme, il milita pour la liberté absolue de la pensée et un enseignement détaché des Églises. S’étant fait remarquer par ses idées progressistes, il dut quitter l’Alsace. En 1848, il fit partie sous le nom de Karr d’une troupe de comédiens qui se produisit en Belgique et à laquelle il fournit des pièces de sa composition. S’intéressant également à des clubs de propagande démocratique, il donna des articles à la presse socialiste. Un arrêté d’expulsion l’obligea à quitter le sol belge pour Sedan, où il se retrouva rédacteur du Républicain de l’arrondissement de Sedan devenu Le Républicain des Ardennes, journal des intérêts du peuple. À cause de ses protestations contre la menace de la loi électorale restrictive du 31 janvier 1850, sa campagne d’opposition au gouvernement et d’appel au refus de l’impôt, il fut condamné, les 25 juillet et 1er août 1850, à deux ans de prison et à 2.000 F d’amende pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement de la République » et pour « provocation à la désobéissance aux lois ». Condamné en outre au bannissement perpétuel par la commission départementale des Ardennes, il réussit à rejoindre l’Angleterre, où il donna des articles à La Voix du Proscrit, organe des exilés de Londres. En 1858, il fut nommé professeur de langue et de littérature françaises à l’Académie royale militaire de Woolwich, poste qu’il occupa jusqu’en 1879, et où il eut comme élève, après 1870, le prince Louis-Napoléon, fils de Napoléon III. En 1864, il devint examinateur à l’Université londonienne, puis examinateur des candidats à l’École royale navale, à Christ’s Hospital et pour le service civil des Indes. Durant son séjour en Angleterre, il publia plusieurs ouvrages pédagogiques : Le questionnaire français (Questions of french grammar, idiomatic difficulties and military expressions), un Recueil de lectures françaises (The modem french reader) et annota Diane, drame historique en vers d’Émile Augier et Molière, drame en prose de George Sand. Il se passionna encore pour l’histoire et la littérature militaires et rédigea Biographies militaires et Les écrivains militaires de France. Avec l’autorisation de l’auteur, il traduisit, de 1864 à 1870, des ouvrages d’actualité politique, dont L’invasion de la Crimée d’Alex Will Kinglake (6 volumes), puis consacra un livre aux Études sur les institutions politiques et sociales de l’Angleterre. Parallèlement, il publia dans le Courrier de l’Europe, journal français de Londres, les Souvenirs d’un voyage pacifique sur le théâtre de la guerre en 1866 (The modem french reader) et fit imprimer à Sedan Impressions recueillies dans les départements français occupés par l’armée prussienne. A tous ces écrits, il y a lieu d’ajouter Rienzi, drame en cinq actes et en vers (1864) publié dans la Revue du Progrès et dédié à Victor Hugo qui lui fit ses éloges. Revenu en 1871 dans les Ardennes, il se rendit à Paris pour fêter près de Gambetta © le premier anniversaire de la République. Bien que porté candidat à l’Assemblée nationale par ses amis républicains, il retourna en Angleterre pour y continuer le professorat. De Londres, il ne cessa d’envoyer des articles qui furent de véritables harangues à l’Espoir de Rethel, au Nord-Est de Sedan, à l’Union de Vouziers. En 1876, il se présenta aux élections générales de l’arrondissement de Rethel, mais essuya un échec. Revenu définitivement en France trois ans plus tard, il devint rédacteur en chef du Réveil du Dauphiné, journal anti-bonapartiste et anti-clérical de Grenoble. Se considérant comme le défenseur de la société laïque, il fit campagne contre l’agitation cléricale et envoya de nombreux articles au Démocrate du Rhin, au Pionnier, au Courrier de l’Europe, à l’Athenaeum. Appelé à Paris par Gambetta, il prit en 1880 la direction de la Petite République française, puis du Globe, tout en dirigeant le journal radical de Rethel. À partir de 1884, il fut conseiller municipal de cette ville, représenta l’arrondissement au Conseil général des Ardennes et accepta de se présenter aux élections générales de 1885 pour être envoyé à la Chambre. Mais une mort subite le terrassa à son domicile parisien. Karcher fut inhumé dans le caveau familial au Père Lachaise. Il laissa le souvenir d’une fermeté à toute épreuve, d’un militant d’une société farouchement laïque comme d’un écrivain maniant avec une égale facilité les langues française, allemande et anglaise.
J. Levy, Geschichte der Stadt Saarunion, Schirmeck, 1898, p. 331, 449 ; Courrier du Bas-Rhin du 24.6.1894 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 6-7 ; A. Wollbrett, « Théodore Karcher, écrivain politique », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, , 1957, p. 58-66 ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 281, n° 2640 ; G. E. Karcher, F. Kirchner, Die Familie Karcher aus dem Saarland, Gersweiler, 1979, p. 132 ; Encyclopédie de l’Alsace, VII, 1984, p. 4411.
Jean-Louis Wilbert (1993)