Général de division, ministre de la Guerre et protagoniste de l’Affaire Dreyfus, (C) (★ Colmar 3.11.1837 † Paris, XVIe, 9.3.1929). Fils de Michel Thiébaut Zurlinden, négociant, et de Joséphine Albertine Eugénie Baumann. Issu d’une famille originaire de Thann et venue s’établir à Colmar sous le Premier Empire, Zurlinden perdit son père à l’âge de 15 ans. Il devint alors le protégé de la famille de sa mère, une lignée de pépiniéristes très aisés de Bollwiller. Après des études secondaires au collège de Colmar, il entra en 1856 à l’École polytechnique, puis en 1858 à l’École d’application de l’artillerie à Metz, enfin à l’École de cavalerie de Saumur. Capitaine en 1866, il fut directeur adjoint de la manufacture d’armes de Châtellerault, puis devint l’officier d’ordonnance du général Sigismond Guillaume de Berckheim © 7 en 1868. Pendant la guerre franco-allemande, il se distingua aux batailles de Borny, Rezonville, Saint-Privat-la-Montagne et Sainte-Barbe (Moselle). Au lendemain de la capitulation de Metz, Zurlinden suivit son général en captivité à Wiesbaden, puis fut transféré à la forteresse de Glogau (Silésie) après avoir refusé de se considérer comme prisonnier sur parole et de s’engager à ne plus combattre. Il parvint à s’évader en décembre 1870 et, grâce à sa connaissance de la langue, à traverser sans encombre toute l’Allemagne et à gagner Bâle. Il se mit ensuite au service du gouvernement de la Défense nationale à Paris, où Gambetta l’affecta à l’état-major de l’artillerie du 25e corps d’armée. Il se battit encore contre les Prussiens à Blois, puis participa aux sièges d’Issy et de Vanves contre la Commune de Paris. Promu chef d’escadron et chef d’état-major de l’artillerie du 25e corps, il fut envoyé à la fin de l’année 1871 en Algérie où il commanda l’arrondissement de Mostaganem. Lieutenant-colonel au 13e régiment d’Artillerie en 1877, il fut nommé colonel en novembre 1880 et commandant en second de l’École polytechnique. En 1882, il obtint le commandement du 25e régiment d’Artillerie. Général de brigade en octobre 1886, puis de division en octobre 1890, il commanda l’artillerie de la place de Paris en 1891, la 2e division d’infanterie à Arras en 1892, puis le corps d’armée en 1894. Au début de l’année suivante, Zurlinden fut appelé par le président du Conseil Alexandre Ribot à prendre le portefeuille de la Guerre dans le premier cabinet formé le 26 janvier 1895 après l’avènement de Félix Faure à la présidence de la République. Après avoir eu en tant que ministre la responsabilité de l’expédition de Madagascar, Zurlinden démissionna avec ses collègues du gouvernement le 30 octobre suivant. Auparavant, Zurlinden poursuivit dans l’affaire Dreyfus la politique de son prédécesseur au ministère, le général Auguste Mercier. Soucieux d’empêcher le condamné à communiquer avec quiconque, il fit voter par les Chambres la loi du 9 février 1895 instituant les îles du Salut en Guyane comme nouveau lieu de déportation, ce qui eut pour effet d’ajouter un régime carcéral strict à la peine du capitaine Dreyfus ©. Après la chute du ministère Ribot, Zurlinden reçut le commandement du 15e corps d’armée à Marseille en janvier 1896, puis fut nommé gouverneur militaire de Paris le 16 janvier 1898 et entra au Conseil supérieur de la Guerre. Le 5 septembre suivant, après la démission de Godefroy Cavaignac, il revint au ministère de la Guerre dans le 2e cabinet Brisson. Il entra aussitôt en désaccord avec la majorité du Conseil des ministres sur la question de la révision du procès Dreyfus, et démissionna du gouvernement dès le 17septembre, non sans avoir chargé encore davantage le lieutenant-colonel Picquart dans cette affaire. Zurlinden reprit aussitôt ses fonctions de gouverneur militaire de Paris, mais il en fut relevé en juillet 1899 par le cabinet Waldeck-Rousseau et le nouveau ministre de la Guerre, le général de Galiffet. Au mois d’août suivant, Zurlinden fut cité comme témoin dans le procès révisé du capitaine Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, mais n’apporta rien de précis à l’audience. Resté uniquement membre du Conseil supérieur de la Guerre, Zurlinden obtint de passer dans le cadre de réserve en novembre 1902, et refusa toujours d’admettre l’innocence de Dreyfus. Il consacra sa retraite à publier quelques ouvrages dont Napoléon et ses maréchaux (1911), Mes souvenirs de guerre (1913), La guerre de 1870 (1914). En 1906, il se présenta aux élections générales, au titre du département du Haut-Rhin (alors limité à l’actuel Territoire de Belfort), mais fut battu par le député sortant Charles Schneider et ne mena plus aucune tentative politique après cet échec.
Les honneurs militaires ne lui furent pas rendus lors de ses obsèques à Paris. Grand-officier de la Légion d’honneur et officier de l’instruction publique. Zurlinden fut également titulaire de hautes distinctions étrangères : grand officier de l’Ordre du Lion de Perse, grand-croix de l’ordre de Nicham Iftikar de Turquie, grand-croix de l’ordre du Sauveur de Grèce, etc. Le fait qu’aucune rue ne lui ait été dédiée à Paris ou en Alsace est sans doute à rapprocher de son attitude dans l’affaire Dreyfus. Son frère Alfred Henri Théodore (★ Colmar 2.3.1844 † ?) était inspecteur général des forêts à Paris sous la IIIe République.
Archives historiques de l’armée, série III, doss. 141 ; Archives municipales de Colmar, doss. biographique, série d’articles de presse à l’occasion du passage de Z. dans la réserve (1902) ; L. Nicot et de Pardiellan, L’Alsace-Lorraine et l’armée française, Paris, 1895, p. 180-181 ; L’univers illustré du 10.9.1898, J. Wirth, Les gloires militaires de l’Alsace, Paris, s.d., p. 223 (portrait) ; Jolly, dir., Dictionnaire des Parlementaires français 1889-1940, t. VIII, p. 3235-3236 ; A. Halter, « Le général Émile Auguste Zurlinden, gouverneur de Paris et ministre de la guerre, né à Colmar », Dernières Nouvelles d’Alsace du 27.11.1974 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, p. 7846; Alphonse Halter, Dictionnaire biographique des maréchaux et généraux alsaciens et des maréchaux et généraux morts en Alsace de l’Ancien Régime à nos jours, Colmar, 1994, p. 338-339; J.-M. Schmitt, « Zurlinden, un général et ministre qui n’eut pas sa rue à Colmar », Mémoire Colmarienne, n° 75, septembre 1999, p. 3-6.
Jean-Marie Schmitt (2003)