Manufacturier, (★ Mulhouse 1.5.1773 † Mulhouse 28.8.1852). Fondateur de la Société Jean Zuber & Cie, papiers peints. Fils d’Alexandre Zuber et d’Ursule Schmalzer. ∞ 8.8.1796 à Mulhouse Élisabeth Spoerlin (★ 5.2.1775 † Mulhouse 20.9.1856) fille du pasteur Jean Spoerlin et d’Anna Koechlin. Son père le laissa orphelin et sans ressources à 12 ans. Après l’école enfantine de Samuel Braun, il resta quatre années à étudier le calcul, le latin et le français avec Jean Braun. Son parrain Schmalzer lui conseilla de commencer un apprentissage d’employé commercial alors qu’il venait d’obtenir son brevet de maîtrise de tisserand. Son premier contrat fut signé en 1786 chez Heilmann, Blech & Cie, fabrique d’indiennes. Il rencontra à Guebwiller Nicolas Dollfus qui engagea Jean Zuber comme agent commercial pour vendre en Suisse et en Italie ses productions de papiers-peints. Celles-ci furent toutes nouvelles à Mulhouse (papiers de tentures), fabriquées sur des dessins de fleurs de Malaine. L’affaire Nicolas Dollfus & Cie, malgré plusieurs changements de commanditaires, passa dans les mains de Hartmann Risler en 1795. Deux ans après, Jean Zuber poussa les associés à se porter acquéreurs de La Commanderie de l’ordre Teutonique de Rixheim, vendue comme bien national. Cette acquisition, réalisée en mai 1797, permit à Jean Zuber de transférer et d’organiser à Rixheim la fabrication des papiers peints, pour le compte de H. Risler et de devenir en même temps intéressé pour 10 % aux bénéfices. L’année de son mariage, il s’installa à Rixheim. En 1798 la République de Mulhouse devint française et la liquidation des biens de cette ville libre permit à Jean Zuber de recevoir sa part en qualité de bourgeois privilégié. La fin du blocus entraîna la suppression des droits de douane imposés par la France. Risler s’était engagé d’une façon imprudente avec un nommé Moutrille à Paris, à un tel point que, sous la pression des actionnaires, le dépôt de bilan ne put être évité. Le redressement de l’affaire fut confié au jeune Zuber. Celui-ci réussit à rembourser tous les créanciers et à désintéresser les actionnaires, avec l’aide de son beau-père le pasteur Spoerlin et de J. J. Naegely de Bâle. En 1802, il arriva à être majoritaire de la manufacture qui se nomma désormais Jean Zuber et C’e. Le développement de la fabrication entraîna des besoins de plus en plus importants en papier blanc : Jean Zuber acheta en 1804 la papeterie de Roppentzwiller à la famille Thurneyssen de Bâle et confia la direction à M. Oehl. Il présenta ses panoramiques à l’Exposition nationale de Paris en 1806 et reçut une médaille d’argent. Musicien, il avait également acquis lors de ses voyages en Italie un goût très sûr du dessin et de la couleur, qui lui avait permis de s’entourer des meilleurs dessinateurs, parisiens pour la plupart comme Malaine, Mongin, Deltil, ou alsaciens comme Zipelius, E. Ehrmann et Fuchs. Après les Cent Jours, il fut décoré de l’ordre du Lys. La commanderie étant occupée par 700 cosaques, Jean Zuber réussit à leur faire quitter les lieux, sauvant ainsi ses installations et arrivant à remettre la fabrication en route. Au cours du XIXe siècle, des bâtiments d’ateliers rendus indispensables par la rapide expansion de la manufacture et les nouvelles techniques, furent construits autour de la commanderie. Les deux ailes du bâtiment principal furent complétées par un étage (les tables d’impression à la planche au nombre de 80 en 1850 y prirent place). J. Zuber consacra une part importante de son temps à la mise au point de nouveaux colorants dans son laboratoire, en particulier le bleu outremer, le vert et le jaune de chrome. Une atmosphère permanente de recherches régna chez Zuber et déboucha sur des brevets ; il faut signaler la mise au point des irisés en 1819, par Michel Spoerlin, beau-frère de Jean Zuber, la machine à imprimer le papier peint en taille douce en 1826, la machine à faire les rayures en 1843. La plus importante des innovations fut celle de la mise au point d’une machine à papier blanc en continu. Amédée Rieder, collaborateur de Zuber dès 1828, avait modifié une machine installée à Roppentzwiller. Un brevet fut déposé le 30 septembre 1830 suivi de toute une série d’autres perfectionnements dans l’industrie du papier. La manufacture réalisa en 1804 la vente de 248 ensembles panoramiques alors que le chiffre devait atteindre 598 ensembles en 1831, quatre années avant la retraite de Jean Zuber père, celui-ci passa en 1835 la direction de l’affaire à ses deux fils Jean et Frédéric. Le parc de la commanderie
composé à l’anglaise fut complété par des serres de plantes exotiques destinées à servir de modèles aux dessinateurs créateurs. Le fonds Zuber & Cie qui constitue de nos jours une partie du Musée du Papier Peint, unique au monde, a été constitué par Jean Zuber depuis ses débuts. Il avait conservé systématiquement depuis 1810 ses propres productions et celles de ses concurrents. L’année de son décès, la manufacture occupait 341 ouvriers et la production annuelle était estimée à 500 000 francs-or. Sa fortune avait été calculée par lui-même à 1 153 000 francs-or. Il fut dans le domaine des réalisations sociales un pionnier: création en 1820 d’une Caisse d’épargne d’établissement, complétée par une Caisse de maladie, fondation en 1849 d’une Caisse d’invalidité. « Mulhouse doit en grande partie à ses efforts l’Église française, l’Hôpital, la Bourse, la Banque » comme l’écrit Ernest Lehr dans sa notice de 1884 (imp. Colmar, J. B.Jung & Cie).Godefroy Engelmann, l’inventeur de la lithographie, trouva en Jean Zuber un commanditaire pour le conseiller et l’aider, mais cette affaire se termina pour Zuber par une perte de 9.000 francs, suite à sa liquidation en 1833. Membre du Consistoire protestant de Mulhouse, il fut également président de la Société biblique pendant 30 ans (Bibelgesellschaft). Dans le domaine politique, il fut conseiller d’arrondissement en 1814 ; chef de la Garde nationale ; maire de Rixheim destitué en 1824 comme trop libéral. Président de la Chambre de Commerce de Mulhouse en 1832, juge au tribunal de commerce et membre de la Société Industrielle de Mulhouse. Il fonda en
1815 la Société pour l’instruction élémentaire et en 1818, la Société d’assurance mutuelle contre l’incendie pour le Haut-Rhin dont il resta président jusqu’à sa mort ; censeur de la Banque de France en 1834 ; président du Cercle social de 1825 à 1840; médaille de l’ordre du Lys, chevalier de la Légion d’honneur en 1834.
Notices nécrologiques sur Jean Zuber père, Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1852, t. XXIV, p. 269-281 ; F. Curie, article sur Jean Zuber, Revue d’Alsace, 1855, p. 21-32 et 71 à 84 ; « Les industries de l’Alsace, Fabrications de papier peint », Revue d’Alsace, 1876, p. 332-345 ; C. Grad, « Les industries de l’Alsace », ibidem, 1876, p. 331 ; Rouxel, Moosmann, Larchey, Les grands hommes de France, Paris, 1879 ; Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, II, n° 42 (notice et portrait) ; J. Zuber, Réminiscences et Souvenirs, 1895, Mulhouse ; Histoire documentaire de l’Industrie de Mulhouse, 1902 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 1049 ; Vogler-Hau, Histoire économique de l’Alsace ; Clouzot & Follot, Histoire du Papier Peint en France, Paris, 1935 ; R. Oberlé, Évolution des fortunes à Mulhouse et le financement de l’industrialisation au XVIIIe siècle ; Peter Hill, History of the Wallpaper, scenic America ; G. Livet-R. Oberlé, Papiers panoramiques, Musée des Arts Décoratifs ; Ott F., Centenaire de la Société industrielle de Mulhouse, tome 1, Mulhouse, 1926; t. II, p. 59-565; Collection des Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse ; B. Jacqué, « Les débuts de l’industrie du papier peint à Mulhouse », Revue d’Alsace 1979, n° 105, p. 137-150 ; Michel Hau, L’industrialisation de l’Alsace (1803-1939), Strasbourg, 1987, Strasbourg, 1987 ; Archives de la Mutuelle d’Alsace et de Lorraine contre l’Incendie ; Nicolas Stoskopf, Lespatrons du Second Empire, Paris, Picard Éditeur, 1994 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987; Dictionnaire du XIXe siècle Européen, 1997, p. 874 ; L’Alsace, numéro spécial, Collection Découvertes et Passions, n° 19, 2001.
Bertrand Zuber (2003)