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ZORN de BULACH François Nicolas Antoine Ernest dit Claus

Agitateur (★ Osthouse 10.6.1887 † 3.3.1933). Fils de Hugues Zorn de Bulach ©. ∞ à Blaesheim 13.7.1926 Sophie Diemer, (PI), fille d’un restaurateur à Blaesheim, plus tard installée comme fleuriste à Strasbourg. 1 fils, Max © 9. Après ses études au collège épiscopal, puis à la faculté de Droit de Strasbourg, Claus Zorn de Bulach se rendit célèbre par ses frasques mondaines et politiques. Il avait consacré sa vie aux courses de chevaux, comme gentleman-rider et joueur. Cible favorite des journalistes, on attribua à Claus Zorn de Bulach un esclandre déjà attribué à d’autres aristocrates excentriques d’autres régions de minorités nationales : celle du « chien de Valentin ». Au cours d’une soirée arrosée et bruyante dans ce restaurant élégant de Strasbourg, où il parlait en français avec d’autres membres de la jeunesse dorée, il aurait répondu, à la sommation d’un étudiant allemand, de ne parler l’allemand qu’à ses chiens. L’incident fut suivi d’un démenti confirmé par un procès de presse. Engagé volontaire dans l’armée allemande en 1914, il fit une guerre sans éclat, ce dont il se vantait volontiers et il fut réformé en 1917. Il avait alors accumulé des dettes tellement importantes, qu’il ne fut plus en mesure d’assurer la gestion de la fortune familiale qui passa à son frère Materne ©. Dès avril 1922, Claus se présenta aux élections cantonales à Erstein, contre le candidat UPR, Joseph Rohmer © avec pour profession de foi « Nous sommes français et nous voulons le rester, mais nous ne voulons pas être considérés comme des Français de seconde catégorie ». Le personnage du « baron au monocle » alsacien, extravagant et truculent, bagarreur… et franc buveur, attirait du monde à ses réunions publiques, mais assez peu d’électeurs le jour du scrutin (Rohmer, 1538 voix, Claus Zorn de Bulach, 602 voix). Il créa un « Parti alsacien » le 23 juin 1922  et réunit un auditoire non négligeable le 8 juillet 1922 dans un meeting mouvementé au Palais des Fêtes. Il fut candidat à nouveau à l’élection cantonale partielle de Niederbronn en septembre 1922 et il appela à voter au second tour « contre le Bloc national », c’est-à-dire pour le candidat communiste. Le programme de son parti, Was will die Elsässer Partei, rédigé par Paul Schall © et imprimé par la Freie Presse, organe du Parti socialiste SFIO, parut en 1923. Contrairement à ses affirmations, Claus ne se présenta pas aux législatives de 1924.

Il lança le 19 février 1927 Die Wahrheit, dont le sous-titre était Die wahre Stimme unseres Elsassländel – Offizielles Organ des Elsässischen Oppositionsblock. In der ganzen Welt weitverbreitete grôsste elsässisch-politische Zeitung (La vraie voix de notre petit pays d’Alsace – Organe officiel du Bloc alsacien d’opposition. De loin, le plus grand journal de politique alsacienne diffusé dans le monde entier). Le périodique rédigé par Charles Baumann ©, un recueil de tracts francophobes, prônait un autonomisme radical, voire l’indépendance de l’Alsace-Lorraine. Cette feuille eut un succès populaire indéniable (30 000 exemplaires selon la police, 70 000 selon la rédaction). En avril 1927, Claus de Bulach fut condamné pour outrage à magistrat ; il passa trois mois en prison. Son élargissement le 30 juillet 1927 donna lieu à une mise en scène filmée significative de l’époque autant que du personnage: le « baron au monocle » debout dans une voiture décapotée, portant haut un drapeau alsacien flottant au vent. Pour les partis régionalistes, la Wahrheit avait été le principal agent provocateur dont la violence de ton et les excès avaient entraîné la riposte du gouvernement Poincaré ©. Le 12 novembre 1927, les journaux autonomistes, Wahrheit, Zukunft et Volksstimme en vertu de la législation sur la presse « de langue étrangère ». Le 3 décembre 1927, les rédacteurs de la Wahrheit, Baumann et Kohler, furent arrêtés et incarcérés: ils figurèrent parmi les accusés du procès de Colmar, mais furent acquittés le 24 mai 1928. Inculpés à nouveau, cette fois pour espionnage, ils furent relaxés à nouveau le 13 juillet 1928. Condamné une nouvelle fois en novembre 1927 à treize mois de prison pour outrage à magistrat par le tribunal correctionnel de Strasbourg, Claus se désolidarisa de « son entourage », présenta ses excuses et annonça, lors de son procès en appel (février 1928) son retrait de la vie publique ; il fut alors gracié par le président de la République. La Wahrheit, assez lucrative, avait procuré quelques revenus au baron désargenté. Quelques mois après son interdiction, Claus Zorn de Bulach tenta donc de publier à Strasbourg Die Narrheit, pour laquelle il n’obtint pas d’autorisation. C’est à Paris qu’il édita à partir de décembre 1928 un bimensuel en langue française, Les Folies, en reprenant les thèmes de la presse d’extrême-droite française : antiparlementarisme, antisémitisme et éloge du fascisme mussolinien. Il tenta de lancer un bimensuel en allemand, Der Widerhall tout de suite interdit, puis publia Les Folies-Der Widerhall, bilingue. Cette feuille s’en prenait à l’UPR et à Michel Walter ©, à Mgr Ruch © et à Jacques Peirotes ©. Dans une rubrique d’échos, Claus attaquait notamment le préfet Borromée ©, son frère Materne, le beau-frère de ce dernier, le sénateur Christian d’Andlau ©. En avril 1929, la rédaction en fut confiée à Jules Roos, président d’une « Association des victimes des commissions de triage » et candidat aux élections municipales de Strasbourg. Cette dernière feuille ne connut pas le succès qu’avait connu la Wahrheit et son interdiction, le 11 mai 1929, mit fin à l’existence d’un périodique qui n’aurait vraisemblablement pas survécu aux municipales.

Ce que veut le Parti alsacien, Strasbourg, 1922 ; Was will die Elsässer Partei ? Strasbourg, 1923 ; Offener Brief an den Ministerpräsidenten Herrn Herriot, Strasbourg, 1924 ; Aus meinem Leben . Was ich gesehen, gehört, erlebt habe, verbunden mit « Gedanken über die Elsässer-Frage, Osthouse, 1926; Erinnerungen aus mein poiitischen Leben, Gerstheim, 1928; Ich lüge ? Ein satirischen Zeitspiegel, Strasbourg, 1931.

Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL 1093 ; Archives Zorn de Bulach ; Ch. Baumann, Zwischen Rhein und Vogesen. Hinter den Kulissen der Politik,
Strasbourg, s.d. ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar (index) ; F. G. Dreyfus, La vie politique en Alsace, 1919-1936, Paris, 1969 (index) ; K. H. Rothenberger, Die e.-l. Heimat- und Autonomiebewegung zwischen den beiden Weltkriegen, Bern-Frankfurt a. M., 1975 (index) ; P. Zind, Elsass-Lothringen, Alsace-Lorraine, Une nation interdite, Paris, 1979, p. 215-216, 413, 434-438, 497, 543-544, 582 (à utiliser avec précautions, peu fiable, repose sur une sélection trop partiale de sources d’archives, dont les références ne sont jamais données) ; Cl. Lorentz, La presse alsacienne du XXe siècle, Strasbourg, 1997 (index).

François Igersheim (2003)