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ZIMMERMANN Jean-Pierre

Incorporé de force, (C), pendu par les SS (★ Carspach 19.10.1926 † Ceretta, Italie 18.8.1944). Fils d’Édouard Zimmermann, restaurateur, cultivateur, et de Marie-Louise Eberlin, de Carspach. Aîné de sept enfants (cinq frères et deux sœurs), Zimmermann fit d’abord ses études primaires à l’école communale puis, à partir de 1940, au collège d’Altkirch. Arrivé à l’automne 1943 dans la siebte Klasse (première), il fut enrôlé en novembre, en compagnie de camarades de classe, comme auxiliaire dans une unité de DCA (Luftwaffenhelfer) à Pforzheim, Pays de Bade, puis dut s’acquitter de ses obligations à l’Arbeitsdienst. Se trouvant chez lui au printemps 1944, il avait envisagé de se soustraire à l’incorporation de force, en se réfugiant en Suisse proche. Il y renonça en considérant la déportation en Silésie, intervenue quelques mois plus tôt, des familles des quatorze garçons de Ballersdorf, prè du village de Carspach, arrêtés par les Allemands lors de leur tentative de fuite en Suisse et exécutés par la suite au Struthof. Le 12 avril, âgé de 17 ans et demi, il fut incorporé pour être envoyé à l’instruction en Pologne, puis en Hongrie où il fut versé d’office dans les Waffen SS. Il fut alors affecté avec un groupe de jeunes Alsaciens, à la 16e division blindée Reichsführer SS qui combattait en Italie dans le secteur de la Ligne gothique au nord de l’Arno entre Pise et Florence. Vers la fin du mois de juillet, on apprit dans sa compagnie, stationnée dans la localité de Ceretta, l’attentat du 20 juillet contre Hitler. La nouvelle serait parvenue, selon certains témoignages, par des tracts lancés par l’aviation alliée. Mais, d’après l’auteur de L’Alsace dans les griffes nazies, Charles Béné, le commandant de l’unité l’Obersturmführer Ramprecht aurait annoncé lui-même, triomphant, devant les hommes réunis, l’échec de l’attentat. Dans les chambrées, les commentaires allaient bon train. Tandis que les Allemands et les Hongrois exultaient, les Alsaciens exprimaient leur abattement. Dans un des groupes, Zimmermann lâcha en dialecte : « Dommage qu’il ne soit pas crevé… ». Son ami et condisciple Charles Kreutter, de Waldighoffen, lui répondit « Ce salaud a toutes les chances ». Les propos furent rapportés par un Allemand au commandement qui arrêta les deux jeunes soldats. Ils furent enfermés pendant deux semaines dans une porcherie et traduits devant une cour martiale qui les jugea et les condamna à mort le 15 août « pour atteinte à l’esprit de défense militaire et au moral de la troupe » (Zersetzung der Wehrkraft und Untergrabung der Manneszucht in der Truppe). Dans l’attente de l’exécution du jugement, ils réussirent à faire passer depuis leur geôle, grâce à la complicité d’un Alsacien montant la garde, des lettres d’adieu à leurs parents. Dans la matinée du 18 août, les deux condamnés furent conduits hors du village où les attendait la compagnie rassemblée. Deux cordes étaient déjà fixées aux maîtresses branches d’un olivier. Un gradé allemand demanda à un Alsacien de leur passer le nœud au cou. Il refusa comme d’autres compatriotes. Des Hongrois firent la besogne. Zimmermann mourut sans un mot et fut inhumé avec son camarade dans le cimetière de Ceretta. Au retour dans le cantonnement, le chef de compagnie Ramprecht s’adressa aux incorporés de force en déclarant « Voyez Alsaciens, ainsi meurent ceux qui refusent de nous obéir et qui souhaitent du mal à notre Führer ! ». Défense fut faite aux soldats d’évoquer l’affaire devant quiconque. Dans la lettre que le président de la cour martiale, le Hauptsturmführer et juge SS Sammer adressa le jour même aux parents de Zimmermann pour leur annoncer le jugement et l’exécution, la même défense fut réitérée: ni service funèbre, ni annonce mortuaire dans la presse, ni commentaire d’aucune sorte. L’exécution par pendaison eut des suites. Les Allemands, furieux, découvrirent le lendemain un drapeau bleu blanc rouge qui recouvrait les deux tombes, comme le rapporte un autre Alsacien de la compagnie, Raymond Klock, natif de Durstel en Alsace Bossue, qui confirme par ailleurs que 24 de ses compatriotes désertèrent dans la deuxième moitié de septembre et furent accueillis par les maquis italiens du secteur. Après la guerre, les restes de Zimmermann furent transférés au cimetière de Carspach.

Dernières Nouvelles d’Alsace du 7.8.1994; L’Alsace des 14 et 18.8.1994; Ch. Béné, L’Alsace dans les griffes nazies, t. 7 ; R. Klock, Happé par la tourmente 1939-1944, mon vécu, Drulingen, 2002; Archives de la famille Hartmann-Zimmermann à Carspach.

† Jean-Claude Hahn (2003)