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ZELL Catharina (née SCHÜTZ)

Réformatrice laïque, écrivain, éminente femme de pasteur (★ Strasbourg au début de 1498 † Strasbourg 5.9.1562). Fille de Jacob Schütz, maître-menuisier, et d’Élisabeth Gerster (également de Strasbourg, d’une famille pieuse). Catharina Zell fut l’une d’au moins neuf enfants qui survécurent à la petite enfance. Jacob Schütz semble avoir été un artisan aisé ; bien que lui-même n’ait pas exercé de charge politiques, son frère, Hans Schütz l’aîné, était membre du Sénat et plus tard du Conseil des XV (1524-1533) et son autre fille Élisabeth ? Michael Schwencker, notaire à l’officialité, puis économe de Sainte-Claire pour la Ville.
? 3.12.1523 à Strasbourg Matheus Zell © ; 2 enfants, morts en bas âge (1527, 1532 ?). Une fois veuve, Catharina Zell s’occupa des enfants de l’un de ses frères cadets, notamment un neveu handicapé, et elle prit soin d’autres parents ainsi que de personnes dans le besoin. Catharina reçut une solide éducation en langue populaire, mais elle n’apprit guère de latin. Pieuse dès son enfance, elle se voua, dans sa jeunesse, à une vie de célibat et de sainteté, à son domicile. Afin d’y parvenir, elle étudia la puissance du Heidnischwerck, mais ses nombreux efforts pour plaire à Dieu échouèrent à apaiser ses craintes au sujet du salut, et le récit que Catharina Zell fait de sa conversion ressemble étroitement à celui de la conversion de Luther. Par la prédication de Zell et par sa lecture personnelle des œuvres en allemand de Luther et des autres réformateurs, elle apprit la justification par la foi, le Solus Christus et la Sola Scriptura. Son mariage constitua un témoignage de sa foi et il amena Catharina Zell à rédiger son premier écrit important, une apologie, adressée à l’évêque de Strasbourg, de Zell et – plus largement – du mariage des clercs (Entschuldigung, février 1524, publiée en septembre). Quelques mois auparavant, en 1524, avait paru sa lettre de réconfort Den leydenden Christglaubigen weybern der gemain zu Kentzingen… (Aux femmes de Kentzingen…). Les Zell avaient hébergé les hommes évangéliques de Kentzingen, chassés de cette ville et réfugiés à Strasbourg pour leur foi ; Catharina Zell prit la plume afin d’encourager leurs épouses, restées dans la ville tenue par des troupes catholiques, et de les louer pour le témoignage qu’elles rendaient à l’Évangile.

Tout au long de ses années de vie commune avec son époux, Catharina fut pour Matheus Zell un partenaire dans les tâches pastorales : elle accueillit des réfugiés et s’occupa des indigents, mais elle endossa également un ministère d’enseignement qui complétait celui de son mari, et, jusqu’à la fin de sa vie, elle poursuivit ces deux dimensions de son service. Souvent, son enseignement s’adressait aux femmes et aux enfants en particulier, mais elle était aussi capable de parler aux hommes. Elle était notamment ouverte aux préoccupations des laïcs, tout en comprenant, dans ses grandes lignes, la théologie des réformateurs ; de ce fait, elle fut, de manière remarquable, une passerelle entre le clergé et le peuple. En 1532, elle rédigea une explication du Notre Père à l’attention des femmes de Spire, afin qu’elles sachent comment être agréables à Dieu ; en 1534-1536, elle publia une édition du recueil de cantiques des Frères de Bohème (Lobsäng), qu’elle pourvut d’une préface de son cru, avec une remarquable collection de mélodies entraînantes, de manière à aider les parents à enseigner la foi biblique à leur maisonnée. Le décès de son époux, en janvier 1548, ainsi que la défaite de la Ligue de Smalkalde et l’Intérim, constituèrent un choc terrible pour Catharina. Elle prit la parole en public, lors de l’enterrement de Matheus, et rédigea un récit de sa vie édifiante et de sa mort dans la foi (Klag red und ermahnung…), afin d’encourager ses fidèles. Dans sa peine, la veuve rédigea pour elle-même des méditations sur les Psaumes. En 1558, Catharina rassembla, pour les publier, son explication du Notre Père, quelques-unes de ses méditations sur les Psaumes, ainsi qu’une remarquable lettre de consolation au lépreux Felix Armbruster (Den Psalmen Miserere…), afin de réconforter ceux qu’elle ne pouvait plus rencontrer personnellement.

La réformatrice laïque Catharina Zell fut touchée par les grands débats théologiques du début des années 1520 ; les convictions fondamentales de cette époque (salut par la foi seule, par le Christ seul ; Bible comme seule autorité) et la forte insistance, à Strasbourg, sur l’amour du prochain – et notamment des nécessiteux – demeurèrent les principes directeurs de sa vie religieuse. Avec son mari, elle accueillit des personnes aux vues théologiques variées; même si le couple Zell ne partagea pas toutes les conceptions de ces hôtes, l’affirmation selon laquelle le Christ était le seul Sauveur leur suffisait, comme fondement pour un compagnonnage; en effet, tandis qu’ils rejetaient le baptême d’urgence, l’enseignement traditionnel relatif à la messe et toute idée de présence réelle dans la Cène, les Zell ne se sentaient pas vraiment concernés par des définitions subtiles des sacrements et ils s’opposaient à ceux d’entre les évangéliques qui se combattaient âprement sur ces sujets. En 1529, les Zell furent hébergés chez les Zwingli et Oecolampade, en route pour le colloque de Marbourg ; en 1548, Catharina Zell rendit visite à la famille de Pellican, ainsi qu’à d’autres Zurichois ; Caspar Schwenckfeld © et d’autres encore furent hébergés chez les Zell ; pour eux, même les « pauvres frères anabaptistes », avec lesquels ils n’avaient pourtant guère de points communs, ne devaient pas être persécutés pour leur foi.

Dans les années qui suivirent la mort de Zell, Catharina fit l’objet d’attaques croissantes de divers côtés, à cause de sa largeur de vues théologiques. En 1553, il lui fallut défendre son indépendance par rapport à Schwenckfeld en personne (longue lettre manuscrite, 19 octobre 1553), en affirmant avec force qu’elle était son amie, mais pas sa disciple. Dans la mesure où cette déclaration est restée inconnue du grand public jusqu’à sa publication en 1999, et que les Schwenckfeldiens ont affirmé, avec d’autres, que Catharina était la disciple de Schwenckfeld, son indépendance a été mal appréciée ; mais il est clair désormais que l’on ne doit plus tenir Catharina Zell pour une schwenckfeldienne. D’un autre côté, il est bien connu qu’elle polémiqua avec le gnésio-luthérien Ludwig Rabus, ancien assistant de Zell qui avait vécu avec le couple pastoral ; Rabus s’en prit à Catharina comme une hérétique et une fauteuse de troubles, à cause de l’hospitalité dont elle avait fait preuve envers Zwingli, Schwenckfeld et d’autres encore. En 1557, Catharina Zell finit par publier sa correspondance avec Rabus, afin de défendre sa propre personne et l’intégrité des premiers réformateurs strasbourgeois (Ein Brieff an die gantze Burgerschafft der Statt Strassburg…) ; ce texte fut considéré comme une source historique si fiable que J. C. Füsslin le réédita en 1753.

Bibliographie et écrits: Archives départementales du Bas-Rhin, t. 45, p. 18; J. Ficker, O. Winckelmann, Handschriftenproben des XVI. Jh., Strasbourg, 1905, t. 2, p. XIII (index) ; M. Usher-Chrisman, Strasbourg and the Reform, New Haven, 1967, p. 191 ; idem, « Women and the Reformation in Strasbourg 1490-1530 », Archiv für Reformationsgeschichte, Jg. 63, 1972, p. 151 et suiv., 156 et suiv. ; Th. A. Brady, Ruling Class, Regime and Reformation at Strasbourg (1520-1555), Leiden, 1978, p. 446 (index sous Schütz) ; M. Lienhard, « Catherine Zell, née Schütz », Bibliotheca Dissidentium, vol. I, Baden-Baden, 1980, p. 97-125 ; M. Usher-Chrisman, Bibliography of Strasbourg imprints 1480-1599, New Haven, 1982, p. 396 (index) ; idem, Lay Culture, learned Culture…, 1480-1599, New Haven, 1982, p. 401 (index) ; L. J. Albray, The People’s Reformation, Magistrates, Clergy, and Commons in Strasbourg 1500-1598, Ithaca, New York, 1985, p. 272 (index) ; J. Rott, Investigationes historicae…, Strasbourg, 1986, t. 2, p. 720 (index) ; A. Wolff, Le recueil de cantiques de Catherine Zell, 1534-36, 2 vol., mémoire de maîtrise, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, 1986 ; M. Lienhard, S. F. Nelson, H. G. Rott, Quellen zur Geschichte der Täufer, Elsass, IV. Teil Stadt Strassburg 1543-1552, Gütersloh, 1988, p. 600 (index) ; E. A. Mc Kee, « The Defense of Schwenckfeld, Zwingli and the Baptists, by Katharina Schütz Zell », Reformiertes Erbe :
Festschrift für Gottfried W. Locher, Zurich, 1992, p. 245-264 ; idem, Popular Piety in Sixteenth-Century Strasbourg Katharina Schütz Zell and Her Hymnbook, Princeton, 1994 ; M. Jung, « Katharina Zell geb. Schütz (1497/98-1562) : Eine « Laientheologin » der Reformationszeit ? », Zeitschrift für Kirchengeschichte 107 (1996/2), p. 145-178 ; Th. Kaufmann, « Pfarrfrau und Publizistin. Das reformatorische « Amt » der Katharina Zell », Zeitschrift für Historische Forschung 23 (1996/2), p. 169-218 ; Chr. Wolff, « La famille de Catherine Zell, née Schütz (1497-1562), figure de la Réformation à Strasbourg », Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 120, 1997, p. 730-739, tabl. généalogique ; E. A. Mc Kee, « Speaking Out : Katharina Schütz Zell and the Command to Love One’ s Neighbor as an Apologia for Defending the Truth », Ordenlich und Fruchtbar : Festschrift für Willem van’t Spijker, Leiden, 1997, p. 9-22 ; idem, Katharina Schütz-Zell, vol. 2 : The Writings, a Critical Edition, Leiden, 1999 ; Vie et théologie : E. A. McKee, Katharina Schütz-Zell, vol. I : The Life and Thought of a Sixteenth-Century Reformer, Leiden, 1999 ; idem, « Katharina Schütz-Zell (1498-1562) : une réformatrice laïque parle », Autour du 500e anniversaire de Catherine Schütz-Zell (1498-1562) : paroles féminines, discours sur les femmes dans le protestantisme (XVIe-XVIIe siècles), Paris, 1999, p. 127-150 (= Positions Luthériennes 1999/2) ; G. Hobbs, « Le cri d’une Pierre : la prédication de Katharina Schütz Zell dans son contexte religieux », ibidem, p. 108-125 ;

Elsie McKee (texte traduit de l’anglais par Matthieu Arnold) (2003)