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YVON Jacques

Physicien, haut-commissaire à l’énergie atomique (★ Angoulême, Charente, 26.4.1903 † Paris 28.9.1979). ∞ 6.9.1926 Berthe-Françoise dite Aliette Desourteaux (★ Oradour-sur-Glane 6.5.1903 † Paris 2.8.1991) ; 5 enfants. Son père, Henri Yvon, professeur de lettres au lycée Henri IV, était un ancien élève de l’École normale supérieure, de la promotion de Charles Péguy, qui fut son ami et prit l’habitude de partir de la maison familiale des Yvon à Dourdan, Essonne, lors de ses pèlerinages à Chartres. J. Yvon fit ses études secondaires à Paris, entra à l’ENS en 1922 et passa deux licences, de mathématiques et de physique, à la Sorbonne. Il fut nommé professeur de physique en 1927 au lycée d’Agen, puis, devenu agrégé en 1928, à celui d’Amiens. De 1933 à 1937 il occupa successivement des postes à Paris, aux lycées Henri IV, Voltaire, et Louis-le-Grand. Il soutint son doctorat en 1937 sur la théorie cinétique des liquides. Son domaine privilégié était celui de la mécanique statistique classique, où il avait introduit des notions nouvelles et démontré des résultats importants. Ses travaux allaient fournir, quarante ans plus tard, le cadre des théories modernes des transitions de phases. Il fut nommé maître de conférences en physique mathématique à la faculté des Sciences de Strasbourg le 16 avril 1938, en remplacement de Paul Soleillet. Il fut intégré au laboratoire de Pierre Weiss ©, mais les perspectives de promotion étaient très réduites, en raison de la pénurie des postes universitaires si bien que J. Yvon n’obtint que le titre de professeur sans chaire, en 1943, dans l’université repliée à Clermont-Ferrand. Le 23 novembre 1943, il fut arrêté lors de la grande rafle universitaire, en même temps que de nombreux collègues et étudiants, dont le physicien Charles Sadron © et le chimiste Albert Kirrmann ©. Il fut déporté à Buchenwald, mis au travail de nuit dans les tunnels où étaient fabriquées les fusées V2, puis déplacé, après le bombardement du camp par l’aviation alliée, à Hohwacht, sur la mer Baltique. Il revint à Strasbourg en juin 1945. Il constata que les biens de son ancien appartement, rue Sellénick, avaient été entièrement dispersés.
Mais le plus douloureux était que sa belle-famille avait été durement touchée par la barbarie nazie. En effet, son beau-père, Paul Desourteaux, médecin et maire d’Oradour-sur-Glane, avait été le premier martyre du massacre perpétré le 10 juin 1944 par la division Das Reich. Son assassinat avait préludé symboliquement au massacre général. Il avait été abattu d’une balle dans la nuque, et son cadavre jeté dans un puits. Six membres de sa famille avaient ensuite péri, avec la population du village. À la faculté des Sciences réinstallée à Strasbourg, le départ du physicien Louis Néel pour Grenoble aboutit, ironie cruelle du sort, à un duel Sadron-Yvon pour l’obtention de la chaire devenue vacante. Yvon fut classé en deuxième position, mais obtint, en janvier 1946, un poste de professeur de physique théorique « à titre personnel ». Il décida de réorienter ses recherches, établit des contacts avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) par l’intermédiaire de Jules Guéron, et devint dès 1946 collaborateur extérieur du CEA. Il obtint le 10 avril 1949 un détachement régulièrement renouvelé jusqu’au 1er octobre 1962. Il y devint directeur de la physique et des piles atomiques (1959-1962). Il n’avait jamais souhaité renoncer à sa position de professeur et souhaita même y retourner. En 1962, il obtint sa nomination à la faculté des Sciences de Paris, sur un poste de physique théorique. L’université de Strasbourg lui accorda le titre de professeur honoraire à cette occasion. En 1970, il fut nommé haut-commissaire à l’énergie atomique. Il prit sa retraite en 1975. Chevalier de la Légion d’honneur en 1948, grand-officier en 1975, officier de l’Instruction publique en 1946.

Thèse : Recherches sur la théorie cinétique des liquides : fluctuations en densité et diffusion de la lumière, Hermann, 1937; La théorie statistique des fluides et l’équation d’état, Hermann, 1935 ; Les corrélations et l’entropie en mécanique statistique classique, Dunod, 1966 ; en collaboration avec A. Blanc- Lapierre : Mécanique statistique, Masson, 1967.

Archives départementales du Bas-Rhin 168 AL; Rapports annuels des doyens de l’université de Strasbourg, 1938, 1943, 1949, 1963 ; A. Abragam : De la physique avant toute chose, Paris, 1987, p. 151; Introduction aux deux volumes des œuvres scientifiques de J. Yvon, publications du CEA, 1985.

Françoise Olivier-Utard (2007)