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WOLF Georges

Pasteur, journaliste, homme politique, (PI) (★ Hatten 29.1.1871 † Ingwiller 23.1.1951). Fils de Michel Wolf, directeur d’école à Hatten, puis de Saint-Jean de Strasbourg, et de Salomé Rott. Frère de Charles Alfred Wolf ©.∞ I 6.8.1895 à Strasbourg Salomé Lux (★ Forstfeld 1872 † Strasbourg 1924) ; 3 enfants, ∞ II 1941 Caroline Meyer. Il fit des études au lycée de Strasbourg, puis à la faculté de Théologie protestante (1889-1895) et à la faculté de Droit et des Sciences politiques à Berlin. Animateur du Protestantischer-Liberaler Verein, il contribua à étendre l’influence de Friedrich Naumann et du « protestantisme social » dans les milieux protestants alsaciens. Ordonné pasteur à Saint-Thomas en 1896, vicaire de diverses paroisses protestantes de Strasbourg, il fut nommé à Wintzenheim, Bas-Rhin, en 1899. Il assura la fondation du quotidien politique libéral Strassburger Zeitung en mobilisant des bailleurs de fonds protestants, représentés dans le conseil d’administration: Jean Hoeffel © (député de Saverne), président, le tanneur Alfred Herrenschmidt ©, le pasteur C.-F. Hoffet ©, l’avocat A. Jaeglé, le professeur de philosophie à l’Université Theobald Ziegler ©. La Strassburger Zeitung représenta à Strasbourg la pensée libérale et sociale d’inspiration « naumanienne » ; « Malgré les contradictions de leurs intérêts particuliers, la bourgeoisie et la classe ouvrière doivent marcher côte à côte… dans le combat pour le progrès social et politique… » écrivit Wolf dans son premier éditorial. Fondée sur la conception qu’une société politique se fonde sur le compromis entre toutes les classes sociales (présentes dans un même lieu géographique) il défendit également le principe de la représentation proportionnelle sans exclusives, qui en assurait la prise en compte. Il s’attaqua dans ce qu’il appela « le gai Kulturkampf » au catholicisme politique, dans lequel il voyait une confusion inacceptable entre le spirituel et le temporel, « une religion détournée à des fins politiques ». Il fut combattu en retour avec acharnement par le catholicisme politique, qui le traita de Wolf ohne Schafspeiz, d’autant plus que sa plume et son tempérament ne parvinrent pas à éviter les dérapages polémiques. Dès 1901, il fut en congé de ses fonctions pastorales : il devint rédacteur en chef de la Strassburger Zeitung, qu’il a pu renflouer pour un temps grâce à la fortune de sa femme. Il participa, en 1903, à la fondation du Parti Libéral, avec le professeur van Calker ©, les notaires Riff © et Goetz ©, les avocats Ruland © (Colmar) et Donnevert (Metz), Augsberger (Strasbourg) et son jeune frère Alfred ©.

Il fut l’artisan du renversement des alliances municipales de Strasbourg en 1903, opéré dans des conditions peu claires, mais qui renforça le groupe socialiste à la mairie et permit à son ami politique, Rodolphe Schwander ©, d’accéder à la mairie de Strasbourg en 1906. Après la retraite politique de Goetz, Wolf devint, en 1907, le président du Parti libéral-démocrate. C’est à ce titre qu’il reprit à Charles Hauss © (Zentrum catholique) le siège de Strasbourg-Campagne à la Délégation / Landesausschuss, détenu depuis toujours par des libéraux autonomistes ou démocrates : Fréderic North © (1879-1891), Michel Bostetter © (1891-1903). Il devint aussi le président du groupe libéral-démocrate au Landesausschuss. Plus que par le passé, il fut alors obligé de tenir compte de son aile droite. Le caractère composite du Parti se marqua par la double appartenance des membres de sa direction : le président, Wolf, fit partie de la direction du Parti progressiste allemand (Fortschrittliche Volkspartei), alors que le vice-président, van Calker, fit partie de la direction du Parti national-libéral. En 1908, pour les élections municipales de Strasbourg, le parti libéral démocrate s’allia avec les catholiques en un Bloc bourgeois (Bürgerblock) qui exclut la social-démocratie du conseil municipal « désormais purifié des socialistes ». Cette concession de Wolf à son aile droite ne fut que temporaire. L’alliance à droite n’était guère appréciée de nombre de groupes « démocrates » à travers le pays et entraîna des scissions: la plus importante fut celle du groupe démocrate de Mulhouse, animée par le pasteur Scheer ©. Wolf relança son journal Strassburger Zeitung en lui donnant le nom de Strassburger Neue Zeitung, avec une rédaction aux noms prestigieux : Gustave Stoskopf ©, René Schickelé ©, correspondant à Paris, Simon Rosenthaler, venu du grand quotidien populaire de gauche Strassburger Burgerzeitung, Flake ©, Stadler ©, Karl Abel ©, Charles Frey ©, qui portèrent le journal à un niveau fort élevé. Il put alors tenter le travail de restructuration et de modernisation du régime alsacien-lorrain qui se fixa pour but de placer les Libéraux-démocrates au centre d’un système permettant les alliances soit avec le socialisme (Grossblock ou Bloc des Gauches) ou avec le catholicisme politique (Bloc bourgeois), ce qui en aurait fait l’arbitre de toute la vie politique alsacienne-lorraine. C’est sur ces bases que le gouvernement Wedel-Bulach mit en chantier la réforme constitutionnelle de 1911. En fin de compte, le gouvernement recula devant la proportionnelle, mais imposa pour le scrutin majoritaire à deux tours un découpage électoral qui permit aux Libéraux-démocrates d’approcher de leur but: la situation d’arbitre. Pour les premières élections à la Chambre basse du Landtag d’Alsace-Lorraine, Wolf et ses amis imposèrent alors au Parti libéral-démocrate, l’alliance de « Grand Bloc » entre Socialistes et Libéraux et le désistement au second tour pour le candidat arrivé en tête, ce qui profita surtout aux Libéraux-démocrates. Wolf fut lui-même élu de Strasbourg-Ville dans la seconde chambre du Landtag et en devint vice-président et président du groupe Libéral-démocrate. Mais pour les élections au Reichstag de 1912, le parti y perdit son aile droite : Jean Hoeffel avait fait sécession et fondé la Mittelpartei, que soutint le Centre catholique à Saverne, mais il y fut battu par le candidat libéral-démocrate Roeser ©. Cependant « l’ancrage à gauche » souligné encore par la transformation du Parti libéral-démocrate en Parti progressiste (Elsaessiches Fortschrittspartei) permit le retour au bercail des démocrates de gauche et de nombreux jeunes de la nouvelle génération politique alsacienne. Pour donner le change, on laissa la présidence honorifique aux notables plus conservateurs : elle revint à l’ancien député de Strasbourg, le notaire Riff. Mais la direction appartint au comité directeur que présida Wolf. Celui-ci prononça le discours programmatique « qui sommes-nous et que voulons-nous » et Scheer y apporta sa contribution par son grand article «pour comprendre l’âme alsacienne» publié dans la Chrtistliche Welt pacifiste et démocrate de Martin Rade, beau-frère de F. Neumann. Le parti compta 56 sections et rassembla 9000 adhérents. Mais il avait dû payer son virage progressiste par le départ de son groupe lorrain, resté fidèle à l’ancienne orientation libérale et conservatrice.

La Première Guerre mondiale entraîna une retraite politique momentanée. Hostile à l’introduction de la loi de 1905 en Alsace-Lorraine, Wolf s’exprima d’abord dans le journal protestant libéral Kirchenbote, puis revint à la vie politique après la crise de 1924 : il collabora au journal radical-socialiste La République. En octobre 1926, il fonda le Parti progressiste alsacien Elsaessische Fortschrittspartei, aux côtés du pharmacien Camille Dahlet ©, député de Saverne. Il rédigea le manifeste du journal régionaliste engagé Das Neue Elsass qui parut en 1927: « Nous voulons, avec un bilinguisme garanti par la loi, l’autonomie administrative régionale, un système scolaire adapté à la situation locale, un corps enseignant et une fonction publique régionales ». Mais Wolf, qui avait dominé la vie politique alsacienne des 15 premières années du siècle, n’avait plus guère et se perdit en conflits mineurs. Finalement, Wolf se retira à nouveau de la vie politique en 1930. Il continua de collaborer à l’hebdomadaire luthérien libéral Kirchenbote. En 1933, informant les protestants d’Alsace-Lorraine sur la situation religieuse en Allemagne, il exprima son regret de voir la population protestante allemande soit trop favorable au nazisme, et l’invita à la résistance. Les mises en garde de Wolf furent reprises par l’hebdomadaire Sonntagsblatt.

Wolf avait repris des fonctions pastorales à Wimmenau. Après 1940, il se rallia à l’organisation de l’Église protestante mise en place, sous la direction du pasteur Maurer ©, par les autorités nazie, et fut nommé pasteur à Saint-Nicolas de Strasbourg. Puis il prit sa retraite à Zittersheim. Sa jeune sœur, la poétesse Marguerite Wolf, vécut auprès de son frère pendant la dernière partie de sa vie. Elle publia plusieurs livres de poésie, fonda une troupe de théâtre populaire et un petit festival, les Wimmenauer Festspiele, pour lesquels elle écrivit un « Mystère de Noël » ou Krippspiel.

Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, II et III ; E. Ritter, Die Elsass-Lothringische Presse ; P. Klein, Camille Dahlet, Strasbourg, 1983 ; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981 (index) ; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, IV ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 469-472 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, 1986, p. 7800-7801 ; B. Klein, La vie politique en Alsace Bossue et dans le pays de La Petite-Pierre de 1918 à 1939, coll. Recherches et Documents, t. XXXXVII, Société Savante d’Alsace, 1991 ; C. Sengel-Storne, Les protestants d’Alsace et de Moselle 1919-1939, thèse, 1998.

François Igersheim (2002)