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WODLI Georges Charles (pseudonymes : Martin, Jules, Berger Charles)

Cheminot, syndicaliste, communiste, résistant ©. (★ Schweighouse-sur-Moder 15.7.1900 † Strasbourg 1 (ou 2).4.1943) ; fils de ?, ouvrier d’équipe des chemins de fer, et de ?. ∞ Bischheim septembre 1923 Salomé Felten (★ Bischheim 12.10.1903 † Hoenheim 2.5.2000). Georges Wodli resta dans son village natal jusqu’en 1904. La famille, avec ses cinq garçons, résida ensuite à Soufflenheim, puis à Haguenau. Il suivit une formation d’apprenti ajusteur aux ateliers du matériel des chemins de fer de Bischheim à partir du 1er octobre 1914. Ayant obtenu son brevet de compagnon en mars 1918, il fut incorporé en mai 1918 dans l’aéronavale allemande. Affecté à Kiel, puis à Wilhelmshaven, il participa en novembre 1918 aux mutineries de la flotte. Rentré en Alsace, il reprit sa place aux Ateliers de Bischheim du nouveau Réseau d’Alsace et de Lorraine. Il fréquenta les cours du soir de français organisés par la Jeunesse socialiste de Schiltigheim-Bischheim. Après son service militaire dans la marine à Toulon de 1920 à 1922, il s’installa à Paris comme ouvrier ajusteur, travaillant successivement chez Renault, Farman puis Hispano-Suiza. De retour en décembre 1925 en Alsace, il s’installa à Schiltigheim et reprit son ancien emploi aux ateliers de Bischheim. Il dirigea une bibliothèque ouvrière, ainsi qu’un cercle d’échecs et le club des philatélistes ouvriers de Bischheim. Adhérent depuis juillet 1920 du Parti socialiste SFIO, Wodli avait rallié le Parti communiste après son service militaire. Il resta au PCF après la scission alsacienne de juillet 1929 et entra en octobre 1930 au bureau de sa Région d’Alsace-Lorraine. Il fit, cette année-là, un voyage en URSS. Il militait également à la Fédération CGTU des cheminots et devint en avril 1930 secrétaire permanent de l’Union des syndicats CGTU de cheminots d’Alsace et de Lorraine en remplacement de Lorenz, décédé, puis entra en 1934 au bureau fédéral. Il joua un rôle essentiel dans l’unification des syndicats de cheminots d’Alsace et de Lorraine (à l’exception des syndicats chrétiens) intervenue en 1935. Candidat communiste en 1932 aux élections législatives à Molsheim, Wodli n’avait rassemblé que 1 330 voix contre 10 891 en faveur d’Henri Meck ©, candidat de l’UPR. Il fit partie de la délégation communiste lors de la première entrevue avec la direction nationale de la SFIO le 14 juillet 1934, prélude à la constitution du Front populaire. S’étant présenté dans la même circonscription aux élections législatives de 1936, il recueillit 2 658 voix, en seconde position derrière Meck. Il avait été élu au Comité central du PC en 1932 et réélu en 1936. L’année suivante, au congrès d’Arles, il n’était plus que membre suppléant du CC. En fait, depuis 1933, il se consacrait à l’aide à la résistance communiste allemande, participant à l’édition de Die Rote Fahne et de Die Deutsche Volkszeitung, journaux clandestins qu’il faisait parvenir en Allemagne par la Suisse, animant des campagnes en faveur des militants allemands antifascistes victimes des nazis, tels Ernst Thaelmann, Edgar André, Liselotte Hermann et autres opposants au régime hitlérien. Il fut aussi en 1935 l’un des organisateurs des Olympiades ouvrières européennes de Musique et de Chant à Strasbourg. Mobilisé en 1939 comme affecté spécial aux ateliers de Bischheim, puis muté au dépôt de Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne) en janvier 1940, Wodli fut rappelé au dépôt du génie d’Épinal, puis affecté à la 1ère compagnie spéciale du Génie, au camp de Saint-Benoît (Seine-et-Oise). Renvoyé à Gretz au bout de six semaines, il fut arrêté le 30 avril 1940 sur son lieu de travail. Interné dans divers camps (Saint-Benoît, Luitel), il fut transféré à la prison militaire du Fort-Barraux à Roybon (Isère) d’où il s’évada le 2 septembre 1940 et rejoignit la région parisienne en zone occupée après de longues journées de marche. Il fut alors condamné à dix ans de prison par défaut par le tribunal militaire de Lyon pour désertion. Devenu au printemps 1941 sous le pseudonyme de « Jules » délégué interrégional du Comité central clandestin pour l’Alsace et la Lorraine annexées de fait, Wodli s’attela à la reconstitution du Parti communiste dans les trois anciens départements. Il organisa la résistance communiste, notamment à partir des centres cheminots de Basse-Yutz, Montigny-Metz, Sarreguemines, Bischheim, Mulhouse, avec le relais de ses adjoints, Georges Mattern © pour le Bas-Rhin et Jean Burger, qui dirigeait l’important groupe Mario en Moselle. Le sabotage de l’exploitation ferroviaire, l’organisation de filières de passage entre les zones française et annexée, l’aide à l’évasion des prisonniers français, soviétiques, polonais dans les camps allemands installés en Alsace-Lorraine, la diffusion de tracts et de journaux clandestins constituèrent des formes privilégiées d’action des groupes qu’il dirigea. Familier des chemins de fer et utilisant la complicité des cheminots dans ses allées et venues entre Paris et l’Alsace, Wodli, qui avait échappé à grande peine à la police française le 21 septembre 1941 à Gretz, fut arrêté le lendemain à Orly, mais aurait réussi à persuader un inspecteur de police de le laisser filer. Il fut surpris le 30 octobre1942 à Chatou (Seine-et-Oise) en plein sommeil, incarcéré au dépôt de la préfecture de police ou/et à la prison de la Santé puis à Fresnes. La Gestapo, qui le réclama, obtint son transfert le 18 novembre 1942, et le 16 janvier 1942, il fut transféré au camp de « sécurité » de Schirmeck, où il fut mis au secret dans sa cellule. Ce fut le début d’un long calvaire pour Georges Wodli, qui subit de nombreux interrogatoires au siège de la Gestapo à Strasbourg où il fut régulièrement torturé et battu. Il existe plusieurs versions sur les circonstances de son décès. La plus vraisemblable indique que Wodli serait décédé dans sa cellule le 2 avril 1943 après une longue agonie à la suite de tortures. Pour camoufler en suicide leur crime, ses tortionnaires nazis auraient alors organisé une macabre mise en scène, simulant une mort par pendaison dans sa cellule le 1er avril 1943, version reprise par l’acte de décès « officiel ». Wodli fut fait, à titre posthume, chevalier de la Légion d’honneur avec le grade de sous-lieutenant, décoré de la croix de Guerre avec palmes et de la médaille de la Résistance. Après la Libération, Georges Wodli, entouré d’un véritable culte, devint le symbole de la résistance communiste en Alsace-Lorraine et de la résistance des cheminots dans l’ensemble de la SNCF.

Archives nationales, F’3129, 13130 ; : Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL 723 ; autobiographie dans les archives de l’Internationale communiste à Moscou ; L’Humanité, Paris, des 8.12.1944, 4 et 5.4.1945 ; L’Humanité d’Alsace et de Lorraine du 7.2.1945; Le Cheminot unifié, Strasbourg, du 2.4.1945 ; La Presse libre, Strasbourg, du 18.3.1945 (lettre de Georges Weill © au sujet de l’assassinat de Wodli publiée à Alger le 12 avril 1943) et 6 avril 1945 ; Des Français en qui la France peut avoir confiance, 1945, (1ère éd. ; 2e éd. avec portrait) ; G. Walter, Histoire du Parti communiste, Paris, 1948, p. 278 ; Heimat unter Hakenkreuz, éd. par l’Union des syndicats CGT d’Alsace-Lorraine, à l’occasion du 10e anniversaire de la mort de G. Wodli., Schiltigheim, 1953 ; E. Schmitt, À mon frère d’armes, Le Cheminot, Strasbourg, avril 1953 ; Résistance in annektierten Elsass und Lothringen, Strasbourg, 1953 (numéro spécial de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine) ; Lettres de fusillés, Paris, 1958 ; L. Burger, Le groupe Mario, une page de la résistance lorraine, Metz, 1965 ; J. Jacquet, Les Cheminots dans l’histoire sociale de la France, 1967, p. 185 ; M. Choury, Les Cheminots dans la bataille du rail, 1970, pp. 84-93 ; A. Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, Paris, 1972 ; B. Reimeringer, « Un communisme régionaliste ? Le communisme alsacien : 1920-1939 », Chr. Gras et G. Livet (dir.), Régions et régionalisme en France du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, 1977 ; L. Strauss, « Le Parti communiste français en Alsace-Lorraine de la fin de 1938 à la fin de 1941 », Les Communistes français de Munich à Châteaubriant, Paris, 1987, p. 369-387 ; Encyclopédie de l’Alsace, 12, Strasbourg, 1986; « Dernière lettre de G. Wodli à sa femme (1er novembre 1942) », Catalogue de l’exposition Strasbourg 1939-1945, Archives municipales de Strasbourg, 1992 ; L’Humanité, Paris, du 5.4.1993 ; Maitron, dir., Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 43, 1993, p. 385-386; L. Tinelli, L’Alsace résistante, Strasbourg, 2002.

Léon Strauss (2002)