Universitaire, économiste, sociologue, (PI) (★ Darmstadt, Hesse-Darmstadt, 5.8.1867 † Colmar 11.8.1937). Fils de Ferdinand Philipp Ludwig Carl Wittich, éditeur et imprimeur, et de Christiane Katherine Liebig, nièce du chimiste Justus von Liebig. ∞ 25.3.1911 à Strasbourg Marie Catherine Fest (★ Strasbourg 16.10.1878 † Bergheim 11.12.1955), fille de Charles Fest, originaire de Haguenau, employé de commerce à Strasbourg, et de Catherine Gass ; 1 fille, 1 fils (soldat français, puis incorporé de force dans l’armée allemande disparu en URSS en 1943). Orphelin de mère, le père de Wittich, dont certains ancêtres avaient été Ammeister ou membres du Conseil des XIIIe au XVIIe siècle, fut élevé à Strasbourg chez sa sœur Juliane Louise Sophie Wittich, épouse de Chrétien Frédéric Walther et avait accompli sa scolarité au Gymnase protestant. Il fit, de 1842 à 1847, un apprentissage de commerce chez l’expéditionnaire Charles Staehling © et, quelques années plus tard (1853-1855), un apprentissage en imprimerie chez Gustave Silbermann ©. Wittich étudia l’économie politique, le droit commercial et la littérature française à Lausanne en 1886-1887, puis il s’immatricula le 2 octobre 1887 à l’Université de Strasbourg. Il y soutint sa thèse de doctorat en sciences politiques le 5 mars1891 sous la direction de G. F. Knapp ©, membre de sa famille maternelle. Le 15 mai 1895, il s’y habilita tout en étant Privatdozent. Il enseignait l’économie politique et les finances publiques, mais il s’était spécialisé en histoire et en droit agraires. Séduit par l’Alsace et par ses habitants, « l’Allemand qui nous a le mieux compris » (selon R. Redslob ©) il se lia vers 1892 à Charles Spindler © et au groupe de Saint-Léonard, le cercle des animateurs de la Revue alsacienne illustrée, et plus tard à Pierre Bucher ©. Il fréquentait assidûment le salon de Bucher, rue Brûlée à Strasbourg, où il ne parlait que français. La publication en 1900 dans la dite revue de son essai Deutsche und französische Kultur im Elsass (traduit en 1902 dans une revue parisienne) lança le débat sur la double culture, tout en scandalisant les autorités du Reichsland. Cette initiative lui valut d’être convoqué par le secrétaire d’État von Puttkammer © qui lui recommanda de ne plus s’occuper de ces problèmes s’il ne voulait pas compromettre sa carrière universitaire. Il fut pourtant nommé professeur extraordinaire à la faculté de Droit le 3 janvier 1901, mais « sans rémunération ». Il récidiva en 1908 en publiant dans la même revue un second article, traduit en français par Henri Lichtenberger ©. En octobre 1907, il avait été élu à une chaire de professeur ordinaire à la Technische Hochschule de Munich, où il devait succéder à Haushofer, mais n’accepta pas cet appel. En reconnaissance de ce refus, l’Université de Strasbourg créa, en 1909, à son intention, avec l’appui du Landesausschuss, un nouveau poste extraordinaire d’économie politique, doté cette fois d’une petite rémunération ; il était chargé dans ce cadre de traiter « l’histoire économique et les questions agraires d’Alsace-Lorraine ». P. Bucher, F. Dollinger © et F. Kiener © assistèrent à son cours d’ouverture. Son amitié avec Bucher se manifesta encore plus solennellement, puisque ce dernier fut, en 1911, l’un des témoins de son mariage avec une Alsacienne. Wittich fut également lié à la comtessse Mélanie de Pourtalès © qui prétendait qu’il était « le seul Allemand intelligent » qu’elle connaissait. En octobre 1914, il ne signa pas la déclaration ultra-nationaliste des professeurs d’Université de l’Empire allemand. En 1917, il tenta de convaincre des personnalités influentes que le régime militaire imposé à l’Alsace-Lorraine était excessivement sévère et qu’il était de l’intérêt de l’Allemagne de faire des concessions au particularisme alsacien : il penchait alors pour la neutralisation du Reichsland. Après 1918, l’amitié de Bucher et son mariage avec une Alsacienne lui permirent de rester en Alsace redevenue française. Le professeur Knapp lui avait donné une procuration pour la gestion de ses biens restés en Alsace. Établi entièrement à partir de 1922 dans son domaine acheté en 1905, le Langenschlössel à Bergheim, il fut naturalisé français. Pourtant, il n’obtint jamais de chaire à la nouvelle Université. Le recteur Coulet © se serait contenté de lui conférer le titre de professeur honoraire. Le recteur Charléty © lui permit de donner un enseignement au Centre d’études germaniques créé à Mayence pour les officiers des troupes d’occupation. De 1930 à 1933, il fut autorisé enfin à assurer un cours libre à la faculté de Droit de Strasbourg sur l’économie allemande contemporaine. À plusieurs reprises, il fut consulté par le gouvernement français, notamment à propos de la crise de l’industrie textile alsacienne. À la fin de sa vie, il projetait d’écrire avec Fritz Kiener © une histoire de Strasbourg. Lors de la séance solennelle de rentrée des facultés le 22 novembre 1937, sa mémoire fut évoquée par le doyen Strohl ©, vice-président du conseil de l’Université. Officier de la Légion d’honneur (1932) qui lui fut remise par le recteur Pfister ©.
Une bibliographie dactylographiée mise à jour en 2001 (œuvre de Claus Wittich) des œuvres de Wittich et des publications le concernant se trouve dans le Fichier Hoffmann aux Archives municipales de Strasbourg.
Parmi ses écrits : Die ländliche Verfassung Niedersachsens und die Organisation des Amts im 18. Jahrhundert, Diss. Strasbourg, Darmstadt, 1891 ; Die Grundherrschaft in Nordwestdeutschland, Diss., Dr. hab., Leipzig, 1896 ; « Die wirthschaftliche Kultur der Deutschen zur Zeit Caesar’s », Historische Zeitschrift, 1897, p. 45- 67 ; « Deutsche und Französische Kultur im Elsass », Revue alsacienne illustrée, 1900, p. 71-92,113-140,177-216 (et tiré à part) ; « Le génie national des races française et allemande en Alsace » (traduction de l’article précédent par A. Korn), Revue internationale de sociologie, 1902, p. 777-824, 857-907 (également en tiré à part, Paris, 1903) ; « Kultur und Nationalbewusstsein im Elsass », Revue alsacienne illustrée, 1908 (également en tiré à part) ; Civilisation et patriotisme en Alsace, traduction et préface par H. Lichtenberger, Strasbourg, 1909 ; « Eine neue Geschichte der elsässer Baumwollindustrie », Cahiers alsaciens, 1913, n° 7, p. 30-42 ; « Elsa?-Lothringen ein Glied der deutschen Volkswirtschaft », F. Lienhard (dir.), Wohin gehört Elsass-Lothringen, Zurich, 1915, p. 48-92 ; « Die Wirtschaft des Reichslandes Elsass-Lothringen in Vergangenheit und Gegenwart », G. Anrich et coll. Das Elsass. Ein Buch von seiner Geschichte, Art und Kunst, Strasbourg, 1918, p. 145-163; Pierre Bucher. « Ein Erinnerungsblatt aus Freundeshand », Strassburger Neue Zeitung du 18.2.1921 ; « L’introduction du franc en Alsace et en Lorraine », Revue d’économie politique, 1922 ; « Der soziale Gehalt von Goethes Roman «Wilhelm Meisters Lehrjahre » », M. Palyi (dir.), Erinnerungsgabe für Max Weber : Die Hauptprobleme der Soziologie, Tübingen, 1923, t. 2, p. 278-306 ; « Caractères généraux de l’économie alsacienne et lorraine avant et depuis la guerre », Revue d’économie politique, 1924, p. 920-932 ; « Landwirtschaftliche Reise nach Aquitanien », Strassburger Neueste Nachrichten du 20 au 31.7.1924 ; « L’acier de la Lorraine et la vitalité de la France », L’Alsace française du 23.8.1924, p. 791-794 ; « Konstante Elemente im französischen und deutschen Nationalcharakter », Europäische Revue, I, 1925, p. 271-273; « Die Regenten Frankreichs », Hochland, XXIII, 1925, p. 407-411 ; « Deutschland und das französische Elsass-Lothringen », Hochland, XXV, mai 1928, p. 113-129 ; « L’Allemagne et l’Alsace-Lorraine française », L’Alsace économique, septembre 1928, p. 197-203 ; « Les sorcières de Bergheim », L’Alsace française du 17.11.1929, p. 973-975 ; « L’économie alsacienne », Journal des Débats du 6.8.1930 ; « Oesterreicher und Balten in der deutschen Politik : ein Versuch zur Erklärung des National-Sozialismus », Strassburger Neueste Nachrichten du 14 au 16.6.1932; L’Alsace économique de 1919 à 1933, L’Alsace depuis son retour à la France, Strasbourg, 1933, p. 21-38.
Archives départementales du Bas-Rhin, 103 AL 127 ; Anonyme (un Alsacien), « L’Alsace pays d’Empire », Revue d’Alsace du 15.3.1909 ; F. Eccard, L’Alsace sous la domination allemande, Paris, 1919, p. 159-164,169, 222; J. de Pange, Les libertés rhénanes, Paris, 1922, p. XXXVI-XXXVIII ; Ch. Spindler, L’Alsace pendant la guerre, Strasbourg, 1925, p. 392-394, 410-412, 460-469, 471-475, 478-481, 489-493, 494, 495-496, 498-499, 500-506, 752 ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, index ; Office régional d’information, Bulletin quotidien du 13.8.1937, p. 1811 ; Dernières Nouvelles de Strasbourg du 13.8.1937 ; La République du 13.8.1937 ; W. Bing, « Professor W. Wittich », Strassburger NeuesteNachrichten du 14.8.1937 ; W. Bing, « Le Tolstoï de l’Alsace vient de mourir », Paris-Midi du 15.8.1937 ; P. Bourson, « W. Wittich », Journal des Débats du 16.8.1937; La France de l’Est du 16.8.1937; Elsässer Kurier du 16.8.1937 ; Elsass-Lothringer Zeitung du 17.8.1937 ; R. Redslob, « W. Wittich in memoriam », Journal d’Alsace-Lorraine du 18.8.1937; W. Bing, « Erinnerungen an W. Wittich », Strassburger Neueste Nachrichten du 21.8.1937 ; Elsässer du 2.9.1937; P. de Quirielle, « W. Wittich », Journal des Débats du 7.9.1937 ; J. A. Jaeger, « W. Wittich », L’Alsace française du 10.9.1937 ; Die Heimat, n° 9, 1937, p. 244 ; F. Kiener, « W. Wittich und das Elsass », Schweizer Monatshefte, 7-10, 1937 et Strassburger Monatshefte, février 1938, p. 88-96; Ch. Rist, « W. Wittich », Revue d’économie politique, 1937, p. 1455-1458 ; E. Heuss-Knapp, Bürgerin zweier Welten. Aufzeichnungen, Tübingen, 1961, p. 97, 115, 152, 172 ; R. Heitz, Souvenirs de jadis et de naguère, Woerth, 1964; J. E. Craig, A Mission for German Learning : The University of Strasbourg and Alsatian Society, 1870-1918, Stanford, 1972 ; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981, 1981 (index); J. F. Craig, Scholarship and Nation Building. The Universities of Strasbourg and Alsatian Society 1870-1939, Chicago-Londres, 1984; M. Weber, Briefe 1906-1908, Tübingen, 1990; E. Heuss-Knapp, Souvenirs d’une Allemande de Strasbourg 1881-1934, Strasbourg, 1996, p. 57 et 144 (trad. fr. par J.-Y. Mariotte de Ausblick vom Münsterturm, 1934, 1941, 1953, 1961, 1971) ; G. Loth, Un rêve de France. Pierre Bucher, une passion française au cœur de l’Alsace allemande, Strasbourg, 2000 (index); Fr. Uberfill, La société strasbourgeoise entre France et Allemagne (1871-1924), Strasbourg, 2001 (index).
Léon Strauss, François Uberfill et Claus Wittich (2002)