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WINSTEIN sires de

Les graphies Windstein et Weinstein reposent sur de fausses étymologies.

En 1205, les Winstein, ministériaux d’Empire cités depuis 1201 (Al. Meister, Die Hohenstaufen im Elsa?, 1890, 120 n° 6), tiennent le château de Winstein en fief du roi Philipp « et de ses prédécesseurs » (S. A. Würdtwein, Nova Subsidia dipl., X 214 n° 76) – c’est-à-dire, si cette source est à prendre au pied de la lettre, déjà de Friedrich le Borgne († 1147), ce qui ferait de Winstein le plus ancien château d’Alsace tenu par un ministériel. Friedrich von Winstein, cité depuis 1205, est Vogt de Haguenau dès 1231 (Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 66,1912, 344 n°
4), voire 1214 (Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 40,1886, 65), et réussit à transmettre cette fonction à ses descendants – mais dès son époque, elle a perdu l’essentiel de son importance au profit du Schulthei?. Son frère Heinrich, marié à Adelheid Zideler, a en 1233 un écu parti : au 1er une demi-aigle, au 2e trois fasces, comme les Fleckenstein © (Archives départementales du Bas-Rhin, H 2996/11). Dès 1256 (StA Marburg Y1/35), les Winstein usent d’un autre écu, chapé, qu’ils conserveront jusqu’à leur extinction (brisé, pour les descendants de Friedrich, d’une rose dans le canton senestre du chef). Il serait absurde d’en conclure avec Eyer qu’il s’agit d’un autre lignage. Bien que la généalogie des Winstein reste obscure, on entrevoit qu’ils se divisent en plusieurs branches dès le second tiers du XIIIe siècle: celle des Vögte de Haguenau, qui s’éteint en 1347 avec Wilhelm (RI VIII 516) ; celle des Burgmannen de La Petite-Pierre (Lützelstein), fondée par Dietrich (1268-76 : Frey Reg. 261 ; Archives départementales du Bas-Rhin G 5382/1), mais qui s’éteint avant 1324 avec son petit-fils Steinlin II (Urkb. Str. II n° 443) ; celle où domine le prénom de Peter, et à laquelle appartient N. Schmalenstein, fils de Peter von Winstein (1319 ; 1327 † : GA A 27 ; Frey Reg. 291). Les frères Petermann von Winstein (1335-67), Friedrich Schmalenstein von Winstein (1332-46) et Johann Ostertag von Winstein (1333-96) pourraient être ses neveux. On ne sait à qui rattacher d’autres Winstein : plusieurs Werner (1248-80), Heinrich (1284-94), Eberhard (1322-23), etc. Cette prolifération explique sans doute la construction de Neu-Winstein (que Biller date du 2e quart du XIIIe siècle), du château entre Alt- et Neu-Winstein (qui pourrait être Schmalenstein, si celui-ci n’est pas plutôt Wittschloessel : Biller 90-94) et de Ramstein (près de Baerenthal), qui apparaît en 1254 (Frey Reg. 68) avec Dietrich Zideler von Ramstein. Celui-ci pourrait être le fils de Heinrich von Winstein (1205-33, frère du Vogt Friedrich) et d’Adelheid Zideler ; en revanche, Werner, appelé advocatus de Ramenstein en 1269 (LU I 53) semblerait plutôt à rattacher aux Vögte von Winstein. En tout cas, les Winstein conservent des droits sur Ramstein au moins jusqu’en 1326 (Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 14.1862, 73), alors que les Ramstein constituent depuis longtemps un lignage distinct. Par mariage, les Winstein ont aussi un des châteaux de Dahn (le futur Grevendahn) de 1285 (CAOU V n° N279) à 1339 (J. Mötsch, Reg. d. Grafen v. Sponheim, n° 737), et ils ont part à celui de Falkenstein de 1327 (GA VIII Landsberg) à 1335 (RGS 251, 294-95) au moins. Ils ont ainsi une position très forte dans les Vosges du Nord – mais pas au-delà.

On a voulu faire des Winstein une branche des Fleckenstein, en raison du sceau de Heinrich en 1233, mais ce n’est pas un argument suffisant. Les uns et les autres sont des ministériaux des Hohenstaufen, rattachés au palais de Haguenau, et qui dès le XIIe siècle bâtissent dans les Vosges du Nord un château, puis au XIIIe siècle d’autres à proximité. Mais la comparaison s’arrête là : dès le XIIIe siècle, les Fleckenstein ont une seigneurie étendue, incluant aussi des châteaux de plaine, et se marient de préférence dans la haute noblesse. Les Winstein se marient principalement à leur niveau, en particulier dans les familles châtelaines du voisinage (Hohenburg ©, Froensburg, Dahn, Wasigenstein ©, Falkenstein) ; il est vrai que l’évêque Heinrich von Stahleck les appelle ses cousins (Reg. Bisch. Str. II 1281) et que Wilhelm Vogt von Winstein épouse Elisabeth von Kirkel (RI, VIII 2535), mais ce sont les seules alliances qu’on leur connaisse avec des familles baroniales. Aussi bien les Winstein ne possèdent-ils que quelques villages – Langensoultzbach dès 1276 (LA Speyer, C 58/179), en fief des Ettendorf ©, mais ni en entier, ni sans interruption ; Engwiller, passé aux Ramstein en 1294 (CAOU V, n° N652), en fief des Ettendorf ; Climbach en fief des Geroldseck © (Archives départementales du Haut-Rhin E 835, p. 67); peut-être Stundwiller et Niederseebach, en fief des Zweibrücken, hérité des Dahn en 1308 (C. Pöhlmann & A. Doll, Reg. d. Grafen v. Zweibrücken, 1962, n° 487 = Pöhlmann n° 1) ; Aschbach et Oberroedern au XIVe siècle (Lehmann 219 ; Generallandesarchiv Karlsruhe 67/285 f° 100 ; Batt II 66), Bühl jusqu’en 1357, en fief d’Eberstein (J. D. Schoepfin, Alsatia Illustrata, II 231). Ainsi les Winstein avaient su se créer une seigneurie autour de Stundwiller (où ce sont peut-être eux qui ont érigé la motte qui apparaît, déjà désertée, en 1390 : Pöhlmann n° 36 et 38), mais pour un temps seulement. Leurs possessions sur les confins lorrains (à Bourscheid en 1248 : Archives départementales du Bas-Rhin H 1064/5 ; à Kourtzerode en 1314: Urkb. Str. II, n° 443), dans le comté de Sarrewerden (à Siewiller & Bischtroff en 1330: RGS, n° 261 & p. 660) et dans le Palatinat (à Edenkoben jusqu’en 1262 ; à Kapellen-Drusweiler et Pleisweiler-Oberhofen, en fief de Zweibrücken-Bitsch, jusqu’en 1341 : Wodli Georges Charles (pseudonyde 1301 à 1344: Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 8,1857, 176 ; Batt II 67) ne semblent pas non plus avoir été d’une grande longévité.

L’énumération de ces biens révèle en tout cas que les Winstein tenaient des fiefs de nombreux seigneurs. Il faut y ajouter les Lichtenberg © (jusqu’en 1256: A. Hessel, Els. Urkunden, 1915, 27 n° 23; au XV’ s.: Lehmann 240-41), les évêques de Spire (S. A. Würdtwein, Subsidia Diplom. V, 1775, 312 n° 125; Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 130, 1982, 32, n° 46) et de Strasbourg (Reg. Bisch. Str. Il 1951, probablement de 1269), le duc de Lorraine (J. D. Schoepflin, Alsatia Diplomatica, II 19), les comtes de Lützelstein ©, dont Dietrich von Winstein et son fils sont Burgmannen (Archives départementales du Bas-Rhin G 5382/1 : 1276), de Sarrewerden (RGS 286), sans doute aussi de Woerth © (CAOU I n° 343). De plus, ils n’hésitaient pas à accepter des fiefs de leurs égaux : Friedrich von Winstein de Wolfram von Dahn en 1285, Heinrich von Ramstein de Heinrich von Winstein en 1294 (CAOU V n° N279 & N652), Wilhelm von Winstein de Jakob von Falkenstein en 1327, Johann Ostertag de son cousin Walter von Winstein en 1371 (LU I 1092). Mais ils n’ont jamais su tirer parti de leurs relations féodales pour obtenir de leurs seigneurs un quelconque poste – sauf Johann Ostertag, qui sur ses vieux jours est devenu l’homme de confiance des Ettendorf et des Ochsenstein © (Pöhlmann, passim). Aussi bien est-ce le seul des Winstein à avoir des liquidités, avec lesquelles il rachète les biens de son cousin Walter et acquiert des gageries, surtout des Ochsenstein. Mais ses propres fils Paulus et Peter connaîtront une gêne croissante ; et avec les fils du premier, les Winstein s’éteignent – en 1484 selon Eyer – complètement ruinés.

Les causes de ce déclin ne sont guère apparentes. Les guerres auxquelles les Winstein ont été mêlés ne suffisent pas à l’expliquer. La première dont on ait connaissance oppose Friedrich Vogt von Winstein à l’évêque de Strasbourg (1269) et ébranle la solidarité familiale : contre un fief de 30 marcs d’argent, Werner von Winstein abandonne le parti de son parent (Reg. Bisch. Str. II 1889, 1917, 1951) avec les Froensburg et le Wildgraf Emicho, qui semble avoir son mot à dire à Winstein (or en 1362, les Wildgrafen ont part à Neu-Winstein [Generallandesarchiv Karlsruhe 67/285 f° 57] : continuité ?). Plus grave est le conflit qui mène au siège et à la destruction d’Alt-Winstein en 1332 par l’évêque de Strasbourg, les Lichtenberg, le Landvogt et la ville de Haguenau (Monumenta Germaniae Historica Scriptores n.s. 4, 518 ; Archives municipales de Haguenau EE 19). Ses causes ne sont qu’en partie connues. Friedrich Schmalenstein avait ouvert le château à un ennemi de l’évêque et aurait nui à Haguenau, mais cela n’explique pas l’intervention des Lichtenberg contre les Winstein, ni des Ochsenstein pour eux (Archives départementales du Bas-Rhin, G 121/2). Les vainqueurs avaient juré d’empêcher la reconstruction de Winstein (LU I 395), mais elle a eu lieu avant 1362 (Pöhlmann n° 7). En tout état de cause, le déclin des Winstein a des racines plus profondes, parmi lesquelles on peut songer à la crise agraire du XIVe siècle, au morcellement excessif de leur patrimoine et à leur incapacité à se mettre au service de princes.

Archiv der Freiherren Gayling von Altheim im Schlo? Ebnet b. Freiburg (cité GA). J. Fr. Böhmer & alii, Regesta Imperii, 1831-2002 (cité RI) ; J. M. Frey, Regesten des [1870 verbrannten] Stürzelbronner Kopialbuches, ms., Pfälzische Landesbibl. Speyer, Nachla? Frey, Karton 2 ; J. G. Lehmann, Dreizehn Burgen des Unter-Elsasses und Bad Niederbronn, 1878, 216-41 [n’utilise que des archives extra-alsaciennes] ; Fr. Batt, Das Eigenthum zu Hagenau, II, 1881, 54-106 & tableau généal. II ; Fr. Wilhelm & alii, éd., Corpus der altdeutschen Originalurkunden bis 1300, 5 vol. 1929-1990 (cité CAOU). H. W. Herrmann, Gesch. d. Grafschaft Saarwerden, I, Regesten, 1957 (cité RGS). Carl Pöhlmann, Die Regesten der Urkunden des Winsteiner Kopialbuches, 1962 [reprogr.j ; F. Eyer, « Neues über einige Burgen in den Nordvogesen », Pfälzer Heimat 26.1975, 50-52 (peu sûr) ; Th.
Biller, Die Burgengruppe Windstein (Veröff. d. Abt. Architektur d. Kunsthist. Instituts der Univ. Köln, 30), 1985). Peter Muller, Die Herren von Fleckenstein im späten Mittelalter Geschichtl. (Landeskunde), 34, 1990 (index). Fr. Battenberg, Lichtenberger Urkunden, 5 vol. 1994-96 (index au t. 5; cité LU).

Bernhard Metz (2002)