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WICKRAM Peter

Ecclésiastique (★ Turckheim avant 1485 †  Saverne ? 12.5.1540). Fils de Johann Wickram et de Magdalena Geiler. Comme son frère Conrad, Peter consacra près de dix ans aux études. Immatriculé en 1501 à l’Université de   Fribourg en Brisgau, maître ès arts en 1504, tout en assurant des cours à la faculté des Arts, il entreprit de parcourir le cursus de la faculté de Théologie ; bachelier « biblique » en 1510, il commenta la Sainte Écriture comme son titre l’y autorisait, en même temps que son frère. Les revenus d’une chapellenie à Ensisheim lui servaient de bourse depuis 1509. Il avait reçu l’ordination sacerdotale l’année précédente. La mort de son oncle lui ouvrit une carrière dans laquelle il se lança sur le champ. Grâce à l’intervention du chapitre cathédral, il put franchir plus vite que ne le prévoyait I’alma mater les dernières étapes de ses études. En 1511, il acquit la licence, le même jour que son frère, et, peu de temps après, le doctorat. Il disposait donc des mêmes titres prestigieux que Geiler et le chapitre cathédral lui conféra les fonctions de prédicateur que l’illustre orateur avait remplies de 1478 à 1510. Le neveu n’était-il pas le digne successeur de son oncle ? À vrai dire, nous ne savons que peu de choses sur la manière dont il s’acquittait de sa tâche. Il avait le tempérament vif et s’emportait à tel point, que même en chaire, il s’en prenait à ceux qu’il considérait comme ses ennemis, comparant par exemple les chanoines de Saint-Thomas à des ânes. Ce que lui rapportait son office de prédicateur – et nous savons que cela représentait la somme considérable pour l’époque de 120 florins – ne lui semblait pas suffisant. Il se fit donner un summissariat du chapitre Saint-Thomas en 1517 – il est vrai qu’il avait dû résigner sa chapellenie d’Ensisheim en 1512 – et, en 1522, il obtint de prendre la place que son frère Conrad avait abandonnée, celle devicaire perpétuel d’Ensisheim, une charge curiale dont, pas plus que son frère, il ne s’acquitta personnellement. Comme son frère d’ailleurs, il eut maille à partir avec le chapelain et les autorités civiles d’Ensisheim ainsi qu’avec l’Université de Fribourg, à laquelle la paroisse avait été incorporée et dont Peter était en principe le vicaire. Même les devoirs de l’amitié ne mettaient pas de frein à la rapacité des frères Wickram. En 1518, ils avaient obtenu une provision apostolique pour la paroisse de Soultz-Ies-Bains ; Peter devint ainsi recteur de l’église à laquelle l’ami de son oncle, Wimpheling © – qui les avait qualifiés d’amis très chers – tenait tant. Lorsqu’il se fut assuré de la possession d’Ensisheim, Peter résigna le bénéfice dont il avait privé le vieil humaniste. Les attaques de Peter contre le franciscain Jean Pauli © sont une preuve de plus de son âpreté au gain. Pauli avait publié, chez Grüninger ©, entre 1515 et 1517, cinq séries de sermons donnés par Geiler ; ces textes, rédigés en allemand à partir de notes prises par le religieux, eurent du succès. Peter s’en offusqua: en 1518, il avait fait paraître les Sermones et varii tractatus ; il s’était servi des papiers de son oncle. Ces canevas n’étaient que le squelette de ce dont en chaire Geiler faisait une prédication chaleureuse et vigoureuse, en allemand, bien entendu. Peter avait en vain transformé à grand peine ces phrases sèches en formules tarabiscotées; le style latin ne changeait rien à la chose ; les Sermones ne se vendaient guère. Les imprécations de Peter firent assez d’impression sur les historiens pour que Pauli ne fût pas considéré comme un témoin sérieux de la prédication de Geiler.

Ses mœurs ne semblent pas avoir été tout à fait irréprochables. En 1516, le Magistrat déplora sa conduite: le prédicateur de la cathédrale est « si fort attaché à une certaine Dietrichin qu’il en est incapable de prêcher ». Ce fut Conrad qui régla l’affaire: il pria les édiles d’expulser cette femme.

En 1518, Wickram, qui pourtant, l’année précédente, avait été chargé de proposer des indulgences en Alsace, prit parti pour Luther; il resta favorable au mouvement évangélique jusqu’en 1521 ; dans une lettre à Zwingli, il manifesta une vive sympathie pour ce réformateur; il désapprouva l’excommunication et la mise au ban de Martin Luther. Puis il changea de camp: en 1522, il s’en prit à Zell © en termes si vifs que le Magistrat pria les deux adversaires de ne plus étaler leur différend en chaire. Un peu plus tard, il était évident que le prédicateur était du côté de Rome: un pamphlet l’associa, dans une critique acerbe, à deux adversaires résolus du luthéranisme, Murner © et Gebwiller ©. En 1523, moyennant pension, il abandonna l’office de prédicature. Une chapellenie au couvent Saintes-Marguerite et Agnès lui procura quelques recettes complémentaires. L’année suivante, il reconnut qu’il n’était plus en sûreté à Strasbourg. Peut-être s’établit-il, dès cette époque, à Saverne. En 1527, il obtint dans la collégiale de cette ville le canonicat auquel étaient annexées les fonctions curiales. Comme il était interdit de cumuler deux bénéfices avec charge d’âme, il résigna celui d’Ensisheim, tout en se réservant sur ses revenus une pension de 20 florins. Il s’était ainsi mis à l’abri du besoin pour les 13 ans qui lui restaient à vivre.

Archives du Chapitre de Saint-Thomas, déposées aux Archives municipales de Strasbourg, 12, 1518, 40 (lettre à Capiton), 43 (lettre à Martin Herlin), 100 (dénonce la corruption à la monnaie) ; J. A. Riegger, Amoenitates litterariae Friburgenses, Ulm, 1775-1776, p.127- 135 ; Ch. Schmitt, Histoire littéraire de l’Alsace…, I,1879, p. 337, 374 ; H. Mayer, Die Matrikel der Universität Freiburg i. B., Fribourg en Brisgau, 1907, I, p. 116, 144 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 988-990 ; L. Pfleger, « Peter Wickram, der letzte katholische Münsterprediger des Mittelalters », Bulletin ecclésiastique de Strasbourg, 1920, p.146-154, 175-183; idem, « Der Franziskaner Johannes Pauli u. die Ausgabe der Geilerschen Predigten », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 1928, p. 47-96 ; L. Pfleger, Kirchengeschichte der Stadt Strassburg im Mittelalter, Colmar, 1941, p. 146, 205 ; J. Bücking, « Die Ensisheimer Pfarrer Conrad u. Peter Wickram. Eine Skizze zur Bildung u. Amtsführung des Klerus in der Reformationszeit », Archives de l’Église d’Alsace, 1969, p. 59-70 ; O. Herding, D. Mertens, J. Wimpfeling, B. Rhenanus. Das Leben von J. Geiler von Kaysersberg, Munich, 1970, p. 10-12, 15, 23-26 ; F. Rapp, Réformes et Réformation à Strasbourg, 1974, p. 165, 190 et 472; M. Lienhard, « Un temps, une ville, une Réforme », Variorum, 1990, I p. 55-56, II p. 97, VII p. 131, VIII p. 57-58.

† Francis Rapp (2002)