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WICKERSHEIMER Charles Adolphe Ernest

Historien de la médecine, bibliothécaire, (PI) (★ Bar-le-Duc 12.7.1880 † Schiltigheim ? 6.8.1965). Fils d’Ernest Wickersheimer (★ Handschuheim 7.7.1851), médecin militaire, et d’Emma Sophie Madeleine Stahl, sœur du peintre Émile Stahl ©. ∞ 1910 Edith Rudolph, de Crown Point, Indiana, États-Unis; sans enfant. Son père ayant abandonné la carrière militaire en 1885 pour exercer à Paris, il fut élève au lycée Janson-de-Sailly, puis étudiant à la faculté de Médecine de Paris. Il soutint en 1905 sa thèse de doctorat sur le sujet: La médecine et les médecins en France à l’époque de la Renaissance. La fréquentation des bibliothèques et des archives pour la rédaction de cette étude historique décida de la double carrière de Wickersheimer. Il fut un historien de la médecine de notoriété mondiale et un bibliothécaire s’illustrant par la direction, durant 30 ans, de la deuxième bibliothèque de France, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Après un stage à la Bibliothèque de la faculté de Médecine de Paris de 1906 à 1908, interrompu par un séjour de six mois à léna pour étudier les méthodes bibliothéconomiques allemandes, il obtint le certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire universitaire, major de sa promotion. D’abord bibliothécaire à la Sorbonne à partir du 1er décembre 1909 après un séjour à l’Université de Leipzig où son oncle Stahl © enseignait la botanique et où il devint l’élève de Karl Sudhoff, l’éminent historien de la médecine médiévale, il succéda le 1er novembre 1910 au docteur Laloy comme bibliothécaire de l’Académie de médecine. Il y prépara le Catalogue alphabétique des ouvrages imprimés depuis 1872 de cette bibliothèque dont les deux volumes ne parurent qu’après la guerre, en 1919. À signaler aussi, d’intérêt à la fois bibliographique et médical, son Index chronologique des périodiques médicaux de France de 1679 à 1856 paru en 1908 et ses Notes sur quelques bibliothèques américaines publiées en 1910 au retour d’un premier voyage aux États-Unis pendant lequel il prit contact avec les bibliothèques américaines en plein essor et noua des relations avec des collègues spécialistes de l’histoire de la médecine et des sciences. Mobilisé le 2 août 1914, il termina la guerre comme médecin major, décoré de la Légion d’honneur et de la croix de Guerre. Envoyé en mission à Strasbourg le 19 février 1919 pour y prendre en charge la Bibliothèque universitaire et régionale, l’ancienne Kaiserliche Universitäts- und Landesbibliothek zu Strassburg, il en fut nommé administrateur le 24 mars 1920 et le resta jusqu’au 30 avril 1950. Officier de la Légion d’honneur (1948).

Les travaux d’histoire de la médecine de Wickersheimer sont considérables et lui valurent un rayonnement scientifique mérité. Dès 1910, la Société française d’histoire de la médecine lui confia la fonction de secrétaire général qu’il garda jusqu’en 1919. Il fut nommé au Comité des travaux historiques et scientifiques en 1927, devint membre de l’Académie internationale d’histoire des sciences en 1930 et secrétaire perpétuel en 1964, de la Mainzer Akademie der Wissenschaften und der Literatur en 1950, de la Société internationale d’histoire de la pharmacie en 1951, de la Deutsche Akademie der Naturforscher (Leopoldina) en 1955, fut élu en 1954 président de la Société d’histoire de la médecine, puis, en 1964, président d’honneur. Ses publications lui valurent déjà en 1930 une notice dans le Biographisches Lexikon der hervorragenden Àrzte derletzten fünftzig Jahre. En 1960, un double honneur couronna sa carrière scientifique : le titre de docteur honoris causa conféré par l’Université J. W. Goethe de Francfort-sur-le Main et son jubilé scientifique célébré par le Comité national d’histoire et de philosophie des sciences et la Société française d’histoire de la médecine en une séance présidée par le prince Louis de Broglie, de l’Académie française. L’apport du docteur Wickersheimer à l’histoire de la médecine a été mis en lumière par ses pairs, les docteurs André Hahn et Théodore Vetter © et le professeur Marc Klein ©. Depuis la parution de sa thèse en 1906, ses publications s’enchaînèrent : près de 250 contributions à une cinquantaine de revues et huit ouvrages. Il était un spécialiste mondialement reconnu des problèmes concernant l’École de Salerne, l’histoire de la médecine au cours du Moyen-Âge et pendant la Renaissance, la biographie des médecins en France pendant ces périodes, l’inventaire des manuscrits latins du Haut Moyen Age dans les bibliothèques de France, l’histoire des hôpitaux. Une fois nommé en Alsace, il devint aussi progressivement un prestigieux historien local de sorte qu’il fut porté, en 1947, à la présidence de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, fonction qu’il assura jusqu’en 1960.

À côté de l’historien de la médecine qui tenait à continuer ses travaux personnels, il y avait en effet l’administrateur qui devait assumer la charge délicate d’adapter l’ancienne structure allemande de l’établissement aux méthodes françaises de bibliothéconomie. Avec l’appui de Henry Omont, inspecteur général des bibliothèques et des archives, il s’efforça de trouver pour cette difficile entreprise des solutions rapides et pratiques: abandon de la cotation systématique pour une cotation par ordre d’entrée inspirée de la réforme de Léopold Delisle à la Bibliothèque nationale ; mise à disposition des lecteurs du catalogue alphabétique des auteurs ; introduction du format international des fiches du catalogue et du classement selon les règles en usage en France ; abandon du catalogue systématique et mise en route, à partir de 1929, du catalogue alphabétique des matières. Parallèlement à ces travaux de réorganisation, le docteur Wickersheimer mena à bien la rédaction du catalogue des manuscrits qui paraît en 1923 comme tome 47 du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France, avec un supplément dans le tome 50 en 1954. Sous sa direction sont publiés le Répertoire des périodiques médicaux existant dans les diverses bibliothèques de Strasbourg (1923), le 3e tome du Catalogue de la section alsacienne et lorraine (1926), le Répertoire bibliographique des imprimés alsaciens du XVIe siècle de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (1934) et le Répertoire des incunables (1938), l’Inventaire des périodiques des bibliothèques de Strasbourg (1937).

Si en 1919, la transformation de l’université allemande en université française se fit rapidement et sans difficultés, il n’en fut pas de même de la Bibliothèque universitaire puisqu’elle était en même temps régionale et allait devenir ultérieurement nationale.
Tout en incorporant la bibliothèque dans le cadre des bibliothèques universitaires françaises, Wickersheimer sut lui conserver, malgré bien des obstacles, l’autonomie administrative et financière que justifiait l’importance exceptionnelle de ses collections. Le décret de 23 juillet 1926 consacra le statut spécial de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Un nouvel essor suivit la déflation et se manifesta par le réaménagement de la salle d’exposition (1934) et la création d’une salle des périodiques et d’une nouvelle salle des professeurs (1939), mais il fut brutalement interrompu par la guerre de 1939-1945. En automne 1939, Wickersheimer fut mobilisé comme médecin-commandant, puis revint dans la ville, complètement évacuée, pour organiser le transfert des collections au château de Cordès aux environs de Clermont-Ferrand. Après les événements de juin 1940, il rejoignit l’Université de Strasbourg dans cette ville. Malgré ses efforts, il ne put empêcher le retour à Strasbourg des collections réclamées par les Allemands. Après la guerre, les dommages causés au bâtiment par le bombardement de 1944 et la perte de 300 000 volumes du fait de ce bombardement et de l’incendie du dépôt de Barr posèrent de nouveaux et graves problèmes. Wickersheimer sut faire face à des situations souvent complexes tant pour l’organisation matérielle que pour les questions de personnel, avec bon sens et une grande largeur de vues. À sa retraite, une grande partie des tâches d’après-guerre était achevée et il put confier à son successeur Maurice Piquard une bibliothèque remise en ordre.

La médecine et les médecins en France à l’époque de la Renaissance, Paris, 1906 ; Commentaires de la Faculté de médecine de l’Université de Paris (1395-1516), Paris, 1915; Bibliothèque de l’Académie de médecine : Catalogue alphabétique des ouvrages imprimés depuis 1872, Paris, 1919 ; Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements, t. 47, Strasbourg, Paris, 1923, avec supplément, 1954, t. 50 ; Anatomies de Mondino dei Luzzi et de Guido de Vigevano, Paris, 1926, rééd. 1977 ; Recueil des plus célèbres astrologues et quelques hommes doctes faict par Symon de Phares du temps de Charles VIII, Paris, 1929 ; Dictionnaire biographique des médecins de France au Moyen Âge, Paris, 1936, 2 vol., rééd. 1979 ; Les manuscrits latins de médecine du Haut Moyen Age dans les bibliothèques de France, Paris, 1966.

La bibliographie chronologique de Wickersheimer donnée dans Histoire de la médecine : Communications présentées à Paris à la Société française d’histoire de la médecine en 1960 est complétée par Th. Vetter, Éloge du docteur Ernest Wickersheimer (1880-1965), L’hôpital et l’aide sociale à Paris, 1966, mars-avril, 7 p.

La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg possède tous les ouvrages et articles de Wickersheimer ainsi que ses papiers de travail déposés par son épouse.

Archives municipales de Strasbourg, Fonds du chanoine sénateur Muller; M. Klein, « Le docteur Ernest Wickersheimer (1880-1965), président d’honneur de l’Académie internationale d’histoire de la médecine », Clio medica, 1966, p. 351-370; R. Metz, « Ernest Wickersheimer (1880-1965) », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, 1965, p. 11-118 ; A. Irjud, « Une curieuse chasse au trésor », Saisons d’Alsace, n° 114, 1991, p. 79-94.

Gérard Littler (2002)