Prêtre, journaliste, homme politique, (C) (★ Colmar 2.4.1861 † Ouchy près de Lausanne, Suisse, 24.7.1931). Fils de Jean-Baptiste Wetterlé, propriétaire d’une petite entreprise de serrurerie-mécanique pour le bâtiment, et de Marie Catherine Wertz, fille de Laurent Wertz, secrétaire à la préfecture. Wetterlé reçut une éducation française au collège libre de Colmar (1871-1873). En 1873, il suivit le collège transféré à Lachapelle-sous-Rougemont. Il termina ses études secondaires au collège libre d’Aix-en-Provence de 1878 à 1880. En 1880, il entra au noviciat dominicain de Saint-Maximin du Var qui fut transféré, peu après, à la suite des décrets Ferry sur les congrégations religieuses, à Salamanque, en Espagne. Wetterlé poursuivit des études de théologie et de philosophie à l’Université de Salamanque. Il reçut les ordres mineurs. Malade, il quitta le noviciat en 1883 pour le Grand Séminaire de Strasbourg. Il acheva ses études à l’Université d’Innsbruck (1884-1885) et fut ordonné prêtre le 25 juillet 1885. Il n’eut ainsi aucune relation avec l’école et l’université allemandes. De 1885 à 1890, il fut précepteur chez le vicomte Dugon dans l’Isère, dans la famille Bertrand à Paris, chez la princesse de Sayn-Wittgenstein, une parente des Hohenlohe, à Rome, et, enfin, chez le comte Berthier en Lorraine. De cette période de sa vie, il garda un goût assez marqué pour les mondanités. Il avait une culture littéraire très vaste qui lui servit plus tard dans le journalisme. Le 24 avril 1890, il fut nommé vicaire à Lièpvre, puis, le 27 septembre 1890, vicaire de l’abbé Cetty © dans la paroisse ouvrière de Saint-Joseph à Mulhouse. C’est là qu’il prit goût au journalisme et à la politique. Dès 1890, il collabora à la Revue catholique d’Alsace de Nicolas Delsor ©. En 1892, il publia une brochure anonyme, La presse catholique en Alsace, qui fit beaucoup de bruit et décida Cetty à créer le Mülhauser Volksblatt. Wetterlé collabora au nouveau quotidien et se lança avec ardeur dans la campagne électorale pour le Reichstag de 1893. Après l’échec catholique à Mulhouse, il en tira la leçon dans une nouvelle brochure, Parti catholique et coteries, où il appelait les catholiques à s’organiser. Le 1er décembre 1893, il prit la direction du Journal de Colmar dont il fit rapidement un des organes politiques les plus influents. Entré en contact avec les « Jeunes libéraux » colmariens, Preiss © et Blumenthal ©, il les soutint en 1895 dans leur tentative pour lancer un parti alsacien-lorrain reprenant le programme d’autonomie de l’Alsace-Lorraine de Charles Grad © et de Jacques Kablé ©. Wetterlé était disposé à de larges concessions dans le domaine de l’école confessionnelle et de la séparation de l’Église et de l’État pour favoriser une très large union des Alsaciens-Lorrains. Un coup de semonce de l’évêque de Strasbourg et du Vatican le contraignit à faire marche arrière. Animé d’une grande ambition politique, Wetterlé fut élu conseiller général dans le canton de Colmar en 1897. En 1898, il succéda à J. I. Simonis © comme député au Reichstag de la circonscription de Ribeauvillé. Il fut réélu en 1903, 1907 et 1912. En 1900, il fut élu au Landesausschuss d’Alsace-Lorraine et devint membre du bureau de l’assemblée en 1910. Wetterlé était hostile au ralliement des catholiques alsaciens au Zentrum allemand et publia, en 1902, une nouvelle brochure, Irons-nous au Centre? dans laquelle il défendait l’idée d’un parti alsacien libéral, non confessionnel. Wetterlé entretenait de bonnes relations avec le secrétaire d’État du ministère d’Alsace-Lorraine, von Köller (1902-1908), et s’efforça, avec ses collègues, d’obtenir la transformation de l’Alsace-Lorraine en un État fédéral. Déçu par l’échec des divers projets et soucieux de réagir contre la politique de germanisation culturelle, il transforma, en décembre 1908, le Journal de Colmar en un quotidien sous le titre de Nouvelliste d’Alsace-Lorraine, et engagea une violente campagne contre l’« arrogance pangermaniste ». Elle lui valut une condamnation à deux mois d’emprisonnement en 1909. Son attitude se radicalisa alors et il relança l’idée d’une vaste union politique des Alsaciens-Lorrains pour obtenir l’autonomie. Dès la publication du projet de loi d’autonomie de 1911, il adopta un ton très critique, soulignant les insuffisances du projet, en particulier les limites à la souveraineté de l’Alsace-Lorraine. En février 1911, dans un article retentissant, intitulé « Nous sommes roulés », il dénonça l’entente préalable entre les partis et le gouvernement allemands pour n’octroyer qu’un semblant d’autonomie. Le 26 mai 1911, il vota contre le projet de loi d’autonomie au Reichstag. En juin 1911, dans la perspective des élections à la Seconde Chambre du Landtag d’Alsace-Lorraine, il lança, avec Preiss et Blumenthal, l’Union nationale d’Alsace-Lorraine (Nationalbund), conçue comme un cartel électoral pour la revendication d’une autonomie réelle. Il fut élu député par la circonscription de Ribeauvillé-Kaysersberg, grâce au soutien du Centre alsacien-lorrain, mais l’Union nationale fut un échec. Bien que membre du Comité directeur du Centre alsacien-lorrain du 1er mai 1910 au 6 avril 1913, Wetterlé fut toujours allergique à la discipline d’un parti et eut toujours une attitude indépendante et très personnelle. Au Reichstag, il intervint assez rarement, surtout après 1911, et refusa toujours d’adhérer à la fraction du Zentrum. En janvier 1913, Wetterlé fit une tournée de conférences en France sur la situation politique en Alsace-Lorraine. Certains passages de ses conférences furent interprétés dans un sens protestataire et suscitèrent de violentes attaques dans la presse allemande et les critiques de ses propres amis politiques.
Dès la déclaration de guerre, Wetterlé s’empressa de quitter l’Alsace et participa activement de Paris à la propagande de guerre de la France. Ses prises de position intempestives contraignirent ses amis politiques restés en Alsace à le désavouer publiquement en l’excluant du groupe parlementaire alsacien-lorrain du Reichstag et du groupe centriste au Landtag. Membre de la Conférence d’Alsace-Lorraine, présidée par A. Viviani, chargée de préparer la réintégration de l’Alsace-Lorraine à la France, il défendit l’idée d’une période transitoire en vue d’une assimilation totale. Il fut à l’origine du classement des populations vivant sur le sol d’Alsace-Lorraine en quatre catégories (futures cartes A, B, C et D) en saisissant la Conférence d’Alsace-Lorraine de la question dès 1915. De 1918 à 1920, Wetterlé fut membre du Conseil supérieur d’Alsace et de Lorraine. En novembre 1919, il fut élu député du Haut-Rhin sur une liste d’Union nationale. Sa candidature s’imposa à l’Union populaire républicaine (UPR), malgré de nombreuses hostilités, parce qu’il apparaissait en France comme le symbole de la « résistance » alsacienne à l’Allemagne. Membre du
Comité directeur de l’UPR de 1919 à 1924, il ne participa que rarement à ses réunions et se situa du côté de l’aile nationale du parti. De décembre 1918 à août 1923, il publia un quotidien de langue française, le Rhin Français, puis Nouveau Rhin Français. Il collabora également à L’Écho d’Alsace et de Lorraine, l’organe de l’aile nationale de l’UPR en 1923-1924. Son influence au sein du parti resta très limitée, car ses conceptions sur l’assimilation et son acceptation de l’introduction d’une législation laïque remaniée avaient peu de partisans, même parmi ses amis. En 1924, il dut renoncer à une nouvelle candidature à la députation, à cause de l’hostilité d’une grande majorité de l’UPR. Il fut alors nommé conseiller ecclésiastique à l’ambassade de France près le Saint-Siège, fonction qu’il exerça jusqu’à son décès.
Lendemains réparateurs, Paris, 1917.
Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, Alsatia, I, p. 116 (portrait) ; Revue catholique d’Alsace, mars 1931 ; Die Heimat, juillet et septembre 1931 ; G. et J.-R. Rémy, L’abbé Wetterlé, Paris, 1932 ; J.-M. Mayeur, Autonomie et politique en Alsace. La Constitution de 1911, Paris, 1970; Christian Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939. Du Reichsland à la République jacobine, Paris-Strasbourg, 1982, index; Chr. Baechler, « L’abbé Wetterlé, un prêtre patriote et libéral (1861-1931) », Archives de l’Église d’Alsace, 1986, p. 243-285 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, p. 7728-7729 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 458-460.
Christian Baechler (2002)