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WERNER Ier (WERINHAR, WERINHAIRE, WERINHARIUS, WICELINUS)

Évêque de Strasbourg (1001-1028). Une littérature surabondante discute si par ses origines Werner appartient à la famille des comtes d’Altenbourg, ancêtres de la dynastie des Habsbourg ou à la maison des comtes de Metz et de Lorraine. Eduard Hlawitschka (1992) le rattache à la généalogie des Habsbourg. Son état civil s’établirait de la manière suivante: (★ 978-980 † Constantinople 28.10.1028). Fils de Lanzelin/Landolt, comte d’Altenbourg (★ 955-960 † 991), époux de Liutgart (★ vers 960-965), frère de Ratbot, comte du Klettgau († vers 1045), époux d’Ita de Lorraine († vers 1050), fondateurs de l’abbaye de Muri (Suisse, canton Argovie), et de Rodolphe, seigneur d’Ottmarsheim († vers 1053-1063), époux de Cunégonde († après 1064), fondateurs de l’abbaye d’Ottmarsheim. Ses origines aristocratiques mirent Werner en relation avec les plus hautes sphères de l’empire. Condisciple du futur empereur Henri II, sans doute à la célèbre école cathédrale de Hildesheim, il fut l’un des derniers évêques nommés par l’empereur Otton III. Il fut sacré évêque de Strasbourg le 4 mai 1001. Homme de très grande culture, Werner légua à la bibliothèque de la cathédrale une trentaine de manuscrits : la plupart traitaient de révélation biblique, quelques-uns de musique et de sciences naturelles. Werner fut un évêque impérial : choisi par l’empereur, il était un grand seigneur au service de l’empire. Il participa à l’élection d’Henri II de Bavière à Worms le 7 juin 1002. Évincé de la couronne impériale, Hermann, duc de Souabe, se vengea sournoisement : il envahit la ville de l’évêque et incendia sa cathédrale vers la mi-juin de la même année. À l’automne 1019, Henri II présida à Strasbourg une diète impériale en présence de nombreux seigneurs laïcs et d’ecclésiastiques de haut rang. Peu de temps après, Werner assista, en présence de l’empereur, à la consécration de la cathédrale de Bâle. En 1019-1020, il participa militairement à la démarche politique d’Henri II pour réunir la Bourgogne à l’Empire. L’évêque Werner fut présent à Bamberg, nouveau centre impérial sous Henri II, lorsque le pape Benoît VIII consacra le 24 avril 1020 l’église canoniale de Saint-Étienne. Quelques jours plus tard, il cosigna avec d’autres hauts dignitaires ecclésiastiques et laïcs le renouvellement du Pacte ottonien, conclu en 962 par l’empereur Otton Ier en faveur de l’Église romaine. Le 24 juillet 1024, il s’engagea, à la résidence impériale de Kamba, sur la rive gauche du Rhin en face d’Oppenheim, aux tractations préliminaires qui devaient conduire à l’élection du premier empereur salien, Conrad II. Il prit part aux longues chevauchées du nouvel élu pour maintenir sa présence souveraine dans les provinces. Il se rendit avec le roi à Rome et assista à son sacre le 26 mars 1027 par le pape Jean XIX. De retour au nord des Alpes, il prit part au concile germanique à Francfort les 23 et 24 septembre 1027. Peu après, l’empereur Conrad II l’envoya en légation à Constantinople pour demander en mariage à son fils Henri la fille du futur Basileus, Constantin IX (1042-1055). Le chargé de mission essaya d’abord à prendre le chemin des pèlerins de terre sainte par les Balkans. Le roi de Hongrie lui interdit le passage. Le légat revint à Venise et atteignit Constantinople par la mer. Le Basileus le reçut avec tous les honneurs dus à un ambassadeur impérial. Il l’éconduit avec autant de finesse. Le projet d’alliance matrimoniale entre la partie orientale et la partie occidentale de l’empire échoua. Atteint de fièvre, l’évêque diplomate, prévenu miraculeusement trois jours à l’avance, décéda sur les rives du Bosphore. Pour ces services rendus à la cause impériale, Werner avait été dûment récompensé de son vivant. Le 15 janvier 1003, il reçut l’abbaye Saint-Étienne de Strasbourg. Le 17 janvier 1014, il empocha l’abbaye de Schwarzach. Le 9 mai 1017, il toucha un vaste terrain de chasse, s’étendant entre Vosges et Rhin depuis la Scheer à Scherwiller jusqu’à la Moder à Pfaffenhoffen. Ses fréquentes absences lui laissaient peu de temps pour s’occuper effectivement de son diocèse. Il ne s’en désintéressait pas totalement. Il intervint dans la réglementation de quelques monastères. Il confirma l’immunité du chapitre canonial de la Hohenbourg, l’actuelle Sainte-Odile, et lui accorda la libre élection de l’abbesse (1016). Il ratifia de même les possessions et les droits, l’immunité et la libre élection à l’abbaye de Murbach (1025). Il régla la situation juridique de l’abbaye d’Altorf et lui confirma les dîmes. Grand bâtisseur, il inscrivit dans la pierre l’idéal de la rénovation de l’Empire, hérité des empereurs ottoniens. Il commença vers 1015 la cathédrale romane de Strasbourg, appelée la cathédrale wernérienne. Il conçut peut-être vers les années 1020 le projet de l’église octogonale d’Ottmarsheim, fondée par son frère
Rodolphe d’Altenbourg. Ces édifices grandioses devaient magnifier la puissance politico-religieuse de la Francie orientale. Ils devaient aussi symboliser l’origine divine du pouvoir impérial et le droit de son détenteur sur les églises et les abbayes. Ses services à l’Empire lui permettaient aussi de servir sa famille des comtes d’Altenbourg, en leur mettant le pied à l’étrier pour la fulgurante ascension de la dynastie des Habsbourg. Vers 1020, il construisit la Habichtsburg – le château de l’autour – en Argovie. Sous le nom de Habsburg, cette résidence devint le nid d’envol de l’aigle des Habsbourg. Comme pièce symétrique, il intervint dans la construction de l’abbaye de Muri, mausolée familial et appui religieux. L’histoire a retenu de Werner le souvenir « d’un évêque généreux dans les choses divines et appliqué aux affaires séculières ». Pour lui, dans la conception de son temps, religion et politique n’étaient pas séparables. Il servait les deux avec une constante persévérance et une même fidélité.

Sources : Regesten der Bischöfe von Strassburg, Innsbruck, 1908, t. 1, n° 215-258, p. 260-272. Présentations générales : L. Spach, Lettres sur les archives départementales du Bas-Rhin, Strasbourg, 1862, passim (cf. index, p. 443) ; Ph. A. Grandidier, Œuvres historiques inédites, éd. J. Liblin, Colmar, t. 1, 1865, p. 409-526 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 976-977 ; E. Cl. Scherer, « Bischof Werner I. von Strassburg », Elsass-Lotringisches Jahrbuch, 2, 1923, p. 26-48 (partis pris discutables); Ch. Wackenheim, Les évêques de Strasbourg, témoins de leur temps, Strasbourg, 1976, p. 18-20; Encyclopédie de l’Alsace, XII, 1986, p. 7721 ; B. Metz, « Les origines de Butenheim et les Habsbourg : hypothèses et certitudes », Annuaire de la Société d’histoire sundgauvienne, Numéro spécial: Butenheim, une motte castrale en Alsace, 1986, p. 13-21 ; J.-J. Siegrist, « Muri », Helvetia sacra, III/1/2, 1986, p. 897-899 ; H. Seibert, « Libertas und Reichsabtei. Zur Klosterpolitik der salischen Herrscher », Die Salier und das Reich, t. 2, Die Reichskirche in der Salierzeit, hg. v. St. Schweinfurter und F. M. Siefarth, Sigmaringen, 1992, p. 503-569, surtout p. 509 ; Généalogie : E. Hlawitschka, « Zur Herkunft und zu Seitenverwandten des Gegenkönigs Rudolf von Rheinfelden. Genealogische und politisch – historische Untersuchungen », Die Salier und das Reich, t. 1, Salier, Adel und Reichsverfassung, hg. v. St. Schweinfurter und H. Kluger, Sigmaringen 1992, p. 175-220, p. 183, 197-202, bibliographie antérieure notes 1, 4, 85, cf aussi Regesten der Bischöfe von Strassburg, t. 1, p. 260-262, 385-386, Revue d’Alsace, 124, 1988, p. 9, n. 11 ; Constructions : R. Kautzsch, Romanische Kirchen im Elsass. Ein Beitrag zur Geschichte der oberrheinischen Baukunst im 12. Jahrhundert, Fribourg en Brisgau, 1927, p. 42-85; R. Kautzsch, Der romanische Kirchenbau im Elsass, Fribourg en Brisgau, 1944, p. 104-137 ; lettre de M Paris, 1962, p. 42, 216-217 ; R. Will, « Strasbourg. La cathédrale, joyau de l’architecture », Alsace romane (La nuit des temps, t. 22), 1970, p. 37-39 ; H. Reinhardt, La cathédrale de Strasbourg, Paris, 1972, p. 16-17, 35-45, 214-215 ; L. Grodecki, Le Moyen Âge retrouvé. De l’an mil à l’an 1200, Paris 1986, p. 189-191 ; Ph. Dollinger, « Strassburg in salischer Zeit », Die Salier und das Reich, t. 3, Gesellschaftlicher und ideengeschichtlicher Wandel im Reich der Salier, hg. v. St. Schweinfurter und H. Seibert, Sigmaringen 1992, p. 153-164, surtout p. 154 ; R. Bornert, « L’église octogonale d’Ottmarsheim et l’évêque Werner Ier de Strasbourg (1001-1028). Certitudes et hypothèses », Revue d’Alsace, 124, 1998, 7-22.

† René Bornert (2002)