Physicien, philosophe, universitaire (Pl). (★ Kiel, Schleswig-Holstein, 28.6.1912). Fils d’Ernst von Weizsäcker, alors capitaine de corvette, plus tard secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères du Reich (1938-1943), ambassadeur d’Allemagne auprès du Saint-Siège (1943-1945), membre du parti national-socialiste depuis 1938, et de Marianne von Graevenitz. Arrière-petit-neveu de Julius Ludwig Friedrich Weizsäcker ©. Frère de Richard von Weizsäcker, président de la République fédérale d’Allemagne (1984-1994). ∞ 30.3.1937 à Mariafeld, Suisse, Gundalena Inez Eliza Ida Wille (★ Zurich 1908), journaliste, fille d’Ulrich Wille, colonel de l’armée suisse ; 4 enfants. Il a commencé sa carrière scientifique et universitaire sous le IIIe Reich sans jamais adhérer au Parti national-socialiste. Disciple du physicien Werner Heisenberg, prix Nobel 1932, à Leipzig, il a été, de 1937 à 1942, chargé de cours (Dozent) de physique théorique à l’Université de Berlin. Spécialiste de physique nucléaire et d’astrophysique, il avait établi en 1938 une théorie sur l’origine de l’énergie stellaire. A l’automne de 1939, il a été chargé, par le Heereswaffenamt (service de l’armement de l’armée de terre), de la mise sur pied d’une « machine à uranium », c’est-à-dire d’un réacteur nucléaire, mais comme Heisenberg, il s’intéressait peu aux aspects pratiques du problème. Il a participé en novembre 1940 aux entretiens, dits « Münchener Religionsgespräche », qui réunirent les défenseurs de la physique théorique moderne (les quantas et la relativité), qualifiée de « physique juive » par les promoteurs nazis de la « physique allemande ». Lors de la création en 1941 de la Reichsuniversität implantée à Strasbourg par les Nazis dans les locaux de l’université française alors repliée à Clermont-Ferrand, les autorités universitaires ont voulu recruter Weizsäcker, mais sa candidature a d’abord été rejetée par la chancellerie du Parti, qui reprochait à ce physicien « rêveur » et « philosophe » de refuser l’engagement politique et d’appartenir à l’entourage d’Heisenberg qui défendait « la théorie de la relativité du juif Einstein ». Ernst von Weizsäcker demanda à cette institution de réexaminer la question en faisant valoir que son fils appartenait à la Ligue national-socialiste allemande des enseignants d’université (NSD-Dozentenbund). Cette démarche a été appuyée par le Dozentenbund, qui fit remarquer que Weizsäcker avait voulu s’engager dans la Wehrmacht en 1939, mais que c’était l’administration militaire qui l’avait classé « uk », unabkömmlich, indispensable dans ses activités civiles. Le bureau d’Alfred Rosenberg, l’idéologue du parti, a donné finalement son accord à son envoi à Strasbourg, du moins tant qu’on ne trouverait pas d’autre candidat politiquement plus sûr et d’une stature scientifique égale. D’octobre 1942 à octobre 1944, Weizsäcker a été professeur sans chaire (planmässiger ausserordentlicher Professor) de physique théorique à la Reichsuniversität. Il a également été directeur de l’Institut de physique théorique, installé provisoirement 2 rue Wimpheling, tout en restant chercheur associé à l’Institut Kaiser-Wilhelm de Physique à Berlin. S’intéressant désormais essentiellement aux problèmes cosmogoniques et à la philosophie de la nature, il a formulé en 1943 une hypothèse sur la formation des systèmes de planètes. Il a quitté Strasbourg avant la libération de la ville pour Hechingen (Wurtemberg), où s’était replié le Kaiser-Wilhelm-lnstitut für Physik de Berlin. C’est là qu’il a été fait prisonnier par les Américains (mission ALSOS) le 23 avril 1945 et interné avec neuf autres des principaux savants atomistes allemands à Farm Hall (Angleterre). En 1946, il est entré comme chef de département à l’Institut Max-Planck de physique de Göttingen avant d’occuper, de 1957 à 1969, une chaire de philosophie à Hambourg. De 1970 à 1980, il a été directeur de l’Institut Max-Planck de recherche sur les conditions de vie dans le monde scientifique et technique à Starnberg.
Œuvres publiées pendant son séjour à Strasbourg : « Der Atombegriff in Chemie, Physik und Philosophie », Chemiker-Zeitung, t. 66, 1942, n° 9-10, p. 100-101 ; Zum Weltbild der Physik, Leipzig, 1943 (2e édition, 1944) ; « Über die Entstehung des Planetensystems », Zeitschrift für Astrophysik, t. 22, 1943, p. 319-355 ; « Die Frage der Unendlichkeit der Welt als Beispiel für symbolisches Denken », Chemiker-Zeitung, t. 67, 1943, n° 19, p. 234 ; « Die Unendlichkeit des Welt-Eine Studie über das Symbolische in der Naturwissenschaft », Die Chemie, t. 57, 1944, n° 1-2, p. 1-6, n° 3-4, p. 17-22 ; « Physique atomique et philosophie. Conférence prononcée à la Maison de la Chimie le 25 novembre 1943 », Cahiers de l’Institut allemand, Paris, 1944.
St. Richter, « Die « Deutsche Physik » », H. Mehrtens, St. Richter (dir.), Naturwissenschaft, Technik und NS-Ideologie, Francfort/M., 1980 ; A. Hermann, Wie die Wissenschaft ihre Unschuld verlor, Stuttgart, 1982 ; A. D. Beyerchen, Wisenschaftler unter Hitler. Physiker im Dritten Reich, Francfort/M., 1982 ; M. Wein, Die Weizsäckers – Geschichte einer deutschen Familie, Stuttgart, 1988 ; P. Ackermann, W. Eisenberg, H. Herwig, K. Kannegiesser (dir.), Erfahrung des Denkens-Wahrnehmung des Ganzen ; C. F. von Weizsäcker als Physiker und Philosoph, Berlin, 1989 ; M. Walker, German National Socialism and the Quest for Nuclear Power, 1939-1949, Cambridge, 1989 ; Th. Powers, Heisenbergs Krieg, Hambourg, 1993 ; M. Walker, « Une physique nazie ? », J. Olff-Nathan (dir.), La science sous le Troisième Reich, Paris, 1993, p. 103-132 ; M. Wein, « Carl Friedrich und Richard von Weizsäcker », Deutsche Brüder. Zwölf Doppelporträts, Berlin, 1994, p. 366-393 ; M. Schaaf, « C. F. von Weizsäcker, Physiker und Philosoph im Schatten der Atombombe », CENSIS-Report 21-96, Hamburg, 1996 ; R. von Weizsäcker, Vier Zeiten, Erinnerungen, Berlin, 1997 ; H. Kant, « Zur Geschichte der Physik an der Reichsuniversität Strassburg in der Zeit des Zweien Weltkrieges », Max-Planck-Institut für Wissenschaftsgeschichte, Preprint 73, Berlin, 1997.
Léon Strauss (2008)
† Stöcking (Allemagne) 28.4.2007
John Cornwell, Hitler’s Scientists : Science, War and the Devil’s Pact, Londres, Penguin Books, 2013, 2e éd.
Philippe Legin (juin 2022)