Journaliste, (I) (★ Lunéville 1.11.1900 d. Strasbourg 21.12.1995). Fils de Salomon Jules Weill, de Krautergersheim, et d’Alice Weil, de Haguenau. À la fin des années 1890, la famille quitta l’Alsace pour Lunéville, Meurthe-et-Moselle, où son père prit le poste de ministre officiant à la synagogue et, au début des hostilités, en 1914, trouva la mort dans l’incendie du lieu de culte lors de l’attaque allemande. Pour Weill et sa mère commença une vie d’aventure, avec le retour à Krautergersheim et Ottrott, à Porrentruy, Suisse, puis à Nice où, à 16 ans, il fut choisi comme répétiteur à l’Opéra. Revenu en Alsace, au lendemain de la guerre, Weill occupa, après « quelques petits boulots », un emploi aux tanneries de Lingolsheim et collabora épisodiquement aux Dernières Nouvelles de Strasbourg. C’est ainsi qu’en 1929 il fut chargé de rapporter « quelques lignes » sur l’évacuation de la rive gauche du Rhin. Apprenant la visite à Kehl de l’ex-chancelier de la République de Weimar et personnalité badoise, Joseph Wirth, Weill se présenta comme « représentant de la presse française », obtint un rendez-vous et rapporta un entretien qui, dans les circonstances d’alors, fut un « beau scoop », d’autant plus que Wirth évitait en général la presse… Le directeur du quotidien, Jean Hoepffner ©, proposa à Weill de l’embaucher ; celui-ci n’accepta qu’après un temps de réflexion car, selon ses propres dires, « il avait bien l’ambition d’être journaliste, mais il croyait qu’il n’en avait pas les moyens, parce qu’il n’avait jamais été à l’école de sa vie ». Au fil des jours et des années, il tint les rubriques les plus variées, du carnet mondain aux cérémonies religieuses des trois cultes, des faits divers de la région à l’évolution inquiétante de la situation outre-Rhin, ce qui ne l’empêcha pas de s’imposer rapidement dans son domaine de prédilection, la musique, son père lui ayant beaucoup appris.
Cette première période du journaliste fut interrompue en septembre 1939. Mobilisé au service de presse des Armées, l’Armistice de juin 1940 le poussa à nouveau dans l’errance, dans des conditions bien plus difficiles qu’entre 1914 et 1918. Après un périple de Bordeaux à Nice, il fut, un temps, accueilli par l’ancien préfet du Bas-Rhin, Émile Roblot ©, ministre d’État auprès de la principauté de Monaco, avant de
trouver divers emplois et refuges dans le Limousin. En janvier 1945, il put reprendre la plume à Strasbourg. Sa culture musicale, doublée de ses talents de pianiste, la fréquentation des plus grands chefs, qui l’appréciaient, et des festivals internationaux confirmèrent son exigeante compétence ; parfois, sa plume acérée attira dans les locaux du journal ou dans son bureau quelques cantatrices ou autres interprètes, qui avaient oublié que « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». Officiellement à la retraite en 1969, celui qui avait choisi la dernière lettre de l’alphabet « parce qu’il avait douté au moment de son engagement et n’aimait pas parader » continua, comme avant 1929, en qualité de pigiste, jusqu’à quelques mois de sa mort. Officier de la Légion d’honneur ; officier du Mérite.
Dernières Nouvelles d’Alsace du 21.12.1945 ; D. G. Wirtz-Habermeyer, Histoire des Dernières Nouvelles d’Alsace, Strasbourg, 1987.
Alphonse Irjud (2002)