Philanthrope, fondatrice du Home israélite de jeunes filles, (I) (★ Strasbourg 23.5.1875 d. Strasbourg 21.3.1952). Fille de Maurice Weil, boucher, et de Célestine Weil. Célibataire. Dès l’âge de 18 ans, elle consacra tout son temps à protéger des enfants et des jeunes filles souffrants, délaissés et déshérités. En 1900, elle devint présidente de la vieille société de bienfaisance « Les Abeilles », installant un vestiaire pour les indigents, organisant la surveillance d’enfants pauvres ou isolés, s’occupant de leur faire apprendre un métier et à les placer ensuite. Elle institua des réunions du soir pour les jeunes filles travaillant le jour dans les magasins ou les bureaux et n’ayant ni famille ni amis en ville, leur donnant l’occasion de se distraire, de perfectionner leur culture générale et leurs connaissances techniques. En janvier 1908, elle fonda le Home israélite de jeunes filles, rue du Bouclier, à Strasbourg, qui passa progressivement de huit à 63 pensionnaires. Elle s’évertua à aider les infortunées que les hasards de la fortune risquaient de marginaliser. En 1920, elle accueillit une vague de réfugiés, rescapés des pogromes de Roumanie. Vers 1926, le cadre de la rue du Bouclier s’avérant trop étroit, elle recueillit franc par franc les sommes nécessaires pour la construction d’un home moderne qui porte aujourd’hui son nom, arrachant les aides à de grands donateurs américains comme Léonard Weil, natif de Hatten établi à New York, et Alphonse Meis, originaire d’Ingwiller vivant dans l’Illinois, et les subventions, dans un combat de tous les jours. La maison du 11, rue Sellénick, construite avec l’aide de l’architecte du gouvernement, Lucien Cromback, aidé de l’architecte Émile Wolff, fut inaugurée en septembre 1928, hébergeant très rapidement 100 pensionnaires dans des locaux pourvus du confort moderne. Les vastes locaux permirent de faire fonctionner l’une à côté de l’autre la section des cadettes, comprenant les élèves et les apprenties de 10 à 18 ans, avec l’organisation et le règlement d’une maison d’enfants à caractère social d’autre part, le foyer pour les jeunes filles à partir de 18 ans, travailleuses, élèves et quelques rares étudiantes des facultés. En 1933, elle ouvrit largement ses portes aux enfants allemands menacés par l’hitlérisme. À côté du Home qu’elle bâtit « pierre par pierre », elle fut pendant le premier tiers de ce siècle, l’animatrice de toutes les autres œuvres locales et, notamment, celle de l’Œuvre des colonies de vacances. Son activité ne s’arrêtait devant aucune barrière ni politique, ni confessionnelle, ni sociale. Elle était ainsi membre actif du Comité de prévoyance et de la jeunesse, de celui de l’Œuvre pour les pauvres honteux, de celui de l’assistance publique, du Jury de l’enfance, du Conseil national de la femme française dont elle avait été élue vice-présidente en 1919 ; du Comité de l’École de formation sociale. Avec la guerre, elle fut chassée de sa maison, privée de ses « filles » dispersées aux quatre coins du pays. Elle créa en 1939 à Périgueux, avec ses amis, le docteur Joseph Weill, Fanny Schwab, Andrée Salomon, le grand rabbin Hirschler ©, les rabbins Victor Marx et Élie Cyper, Michel Epstein, Lucien Cromback, Armand Ledermann et Arthur Blum, les Œuvres israélites d’assistance aux populations repliées d’Alsace et de Lorraine venant en aide aux juifs dispersés sur 16 départements, accueillant des dizaines de milliers de réfugiés du Nord et de Belgique. Elles couvrirent bientôt de leur réseau d’assistance la France non occupée tout entière. Laure Weil devint ainsi le soutien et le conseiller de milliers de réfugiés et d’évacués. Elle allait et venait entre Trélissac, Bergerac et Saint-Astier, des orphelinats repliés de Strasbourg et de Haguenau, aux hospices des personnes âgées. Cette activité fut doublée d’activités clandestines destinées à sauver des rafles le plus de victimes possibles et notamment des enfants, en collaboration avec les circuits de l’OSE. Le 4 avril 1944, la Gestapo arrêta les
collaborateurs et collaboratrices présents au bureau de la rue Thiers à Périgueux. Laure Weil échappa à cette rafle, car elle avait été cachée dans un couvent. À la Libération, Laure Weil réintégra le Home ravagé par les Allemands qui en avaient fait le siège de la Gestapo. Des taches de sang maculaient encore les murs et les sols des salles de torture et des cellules aménagées dans les caves et dans les étages ; toutes les installations avaient été volées. Le Home de la rue Sellénick fut réparé et put à nouveau accueillir, en novembre 1946, les jeunes filles victimes de la guerre et de la persécution qui avaient un besoin urgent d’un toit et d’un abri. Le Home reprit son ancienne structure ; moitié maison d’enfants à caractère social pour filles de 10 à 17 ans et moitié foyer qui reprit également son fonctionnement, recevant comme par le passé, travailleuses, élèves et étudiantes. Fanny Schwab succéda à Laure Weil en 1952. Le Home prit le nom de Home Laure Weil en 1953. Médaille de la Reconnaissance française.
La Tribune juive du 28.10.1938, p. 657, des 6.9-19.9.1968, p. 10-12 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 23-24 et 25.3.1952 ; Bulletin de nos communautés du 28.3 (p. 9-10), 9.4.1952 (p. 12), du 24.41953 (p. 10-11) ; F. Schwab, Laure Weil, sa vie, son œuvre, Strasbourg, 1969 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 453.
Jean Daltroff (2002)