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WEBER Jean Julien

Évêque-archevêque de Strasbourg (★ Lutterbach 13.2.1888 † Ribeauvillé 13.2.1981). Fils d’Albert Weber, capitaine d’infanterie originaire de Sausheim, et de Marie Hurler native de Lutterbach. Bien que né en Alsace annexée, Weber possédait la nationalité française, car son père avait opté pour la France en 1872. Son acte de naissance a été transcrit dans les registres de l’état civil de Belfort. Il fit des études à Besançon, d’abord au collège Saint-François- Xavier, tenu par les Eudistes (1898-1901), puis à l’Institution Sainte-Marie des Marianistes (1901-1905). Attiré par le sacerdoce, le jeune bachelier qui ne pouvait entrer au Séminaire de Strasbourg en raison de sa nationalité, entra- dans celui de la Compagnie de Saint-Sulpice à Issy-les-Moulineaux en octobre 1905. Au cours de ses deux années de philosophie, puis de ses deux années de théologie, il fut un moment attiré par le modernisme, dont il s’éloigna vite, déçu par ce qu’il appelait la « malhonnêteté intellectuelle » de son chef de file, l’abbé Alfred Loisy. Sur ces entrefaites, il effectua son service militaire au 35e régiment d’Infanterie de Belfort, puis au 21e de Langres (octobre 1909-octobre 1911), où il obtint le grade de sous-lieutenant de réserve. Ordonné prêtre par le cardinal Amette, archevêque de Paris, en l’église Saint-Sulpice de Paris le 29 juin 1912, Weber célébra sa première messe solennelle en la basilique du Sacré-Cœur de Lutterbach, sa paroisse d’origine, le 7 juillet 1912. Il entra dans la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Ayant opté pour l’enseignement, il fit alors une année de noviciat, ou « solitude », année de formation spéciale des Sulpiciens pour leur ministère de directeurs de séminaire, à Issy-les-Moulineaux, avant de passer l’année scolaire 1913-1914 à Rome, où il suivit les cours d’exégèse de l’Institut biblique et soutint sa thèse de théologie. La crise de l’été de 1914 le trouva en instance de départ pour la Terre Sainte. Weber quitta Lutterbach par l’un des tous derniers trains autorisés à rejoindre Belfort. Il fut mobilisé le 2 août 1914 au 21e régiment d’Infanterie. Engagé dans les opérations de la vallée de la Bruche, il fut légèrement blessé au cours du combat de Grendelbruch-Muckenbach, le 18 août. Il participa aux affaires du Petit Donon et du col de la Chipotte, avant d’être envoyé dans la Marne, où il fut choqué par l’attaque sanglante du Bois-Sabot (30 septembre ). Nommé lieutenant à titre temporaire le 30 novembre 1914 (et à titre définitif le 22 janvier 1915), il combattit dans le Nord et en Artois, où il fut grièvement blessé à l’œil à Notre-Dame de Lorette, le 11 mai 1915. Chevalier de la Légion d’honneur (décret du 2 juin 1915), il retrouva le front de Champagne en avril 1916, puis la Somme, où il fut nommé capitaine le 24 octobre 1916. Au cours d’une permission, en janvier 1917, il obtint une entrevue avec le pape Benoît XV. Sur l’Aisne, au printemps et à l’été de 1917, il assista aux mutineries et siégea aux conseils de guerre, où il fit preuve de mansuétude. Il fut blessé une troisième fois au cours de l’attaque de La Malmaison (23 octobre 1917). Affecté au Centre d’infanterie divisionnaire 13, il participa à la retraite du printemps de 1918, à la seconde bataille de la Marne et à l’offensive des Ardennes, où il fut intoxiqué au gaz le 27 septembre. Il stationna en Belgique et au Luxembourg après l’Armistice, avant de reprendre son ministère en juillet 1919. Le 15 juillet 1919, il retourna à Issy, où il fut nommé directeur du Séminaire, « communauté des Philosophes ». Il assura la formation des séminaristes comme professeur d’apologétique, de liturgie et d’exégèse. En 1926, il devint supérieur du même Séminaire, tout en dispensant un enseignement en philosophie, ceci jusqu’en 1939. Il forma plusieurs générations de prêtres. En même temps, il continua ses activités dans l’armée de réserve, animant notamment une préparation militaire supérieure pour les séminaristes. Il fut nommé chef de bataillon le 20 juin 1932. Mobilisé en août 1939 comme chef d’état-major d’un régiment de forteresse, il fut bientôt affecté au dépôt 204, puis détaché à l’état-major de la 20e division à Nancy, comme chef de bureau (4 avril 1940). Après la débâcle, il fut démobilisé à Villeneuve-sur-Lot (23 juillet). Revenu le 1er août 1940, il retrouve le Séminaire occupé par les Allemands. En juillet 1942, le supérieur général de la Compagnie lui confia la direction du Séminaire de Théologie de Saint-Sulpice à Paris, fonction qu’il conserva jusqu’en 1945. Il s’employa notamment à soustraire ses élèves au STO. Pour ses services au cours des deux guerres mondiales, il reçut le grade de commandeur de la Légion d’honneur à titre militaire le 19 août 1958. Durant son séjour à Paris, il ne perdit jamais le contact avec sa province d’origine, puisqu’il revenait régulièrement en Alsace à l’occasion des vacances, acceptant d’aider des prêtres dans leur ministère dans la région de Mulhouse.

Lorsque Mgr Ruch © prit l’initiative de demander un coadjuteur, des négociations secrètes furent ouvertes entre le gouvernement français et le Vatican. Plusieurs noms furent proposés au gouvernement qui retint celui de Jean Julien Weber. Contrairement à ce qui s’était passé en 1919, la procédure concordataire fut strictement respectée. Le 19 mars, le ministre de l’Intérieur et le 26 avril 1945, le nonce apostolique, Mgr Roncalli, signifièrent la nomination à l’intéressé. La nomination ratifiée par le général de Gaulle fut publiée au Journal officiel le 31 mai et Weber reçut la consécration épiscopale au cours d’une cérémonie célébrée en l’église Saint-Sulpice à Paris le 29 juin, présidée par le cardinal
Suhard, en présence de Mgr Roncalli. Quelques semaines seulement après avoir été présenté au clergé et au peuple d’Alsace, il succéda à Mgr Ruch, décédé brutalement (25 août 1945). Installé sur le siège épiscopal le 13 septembre, il lui fallut faire preuve de beaucoup de tact dans la liquidation des séquelles de la Seconde Guerre mondiale. Il parvint à une réconciliation du clergé, divisé avant le conflit entre plusieurs fractions. Face à la campagne de francisation, il défendit l’usage de l’allemand dans les paroisses dialectophones (« Problème des langues et pastorale », Bulletin ecclésiastique du diocèse de Strasbourg, 15 mars 1952). Il apparut comme l’une des consciences de l’Alsace au moment du douloureux procès de Bordeaux en janvier 1953. Il demeura intransigeant dans la défense du Concordat et du statut scolaire face aux tentatives de remise en cause. Lors de la discussion de l’article 13 du projet de la Constitution à l’Assemblée Constituante en mars 1946 stipulant que dans les départements de Rhin et Moselle « les relations entre l’Église et l’État d’une part, le statut scolaire d’autre part, devraient être réglées selon le principe d’une stricte laïcité », il s’adressa au commissaire pour alerter le gouvernement de la République. En 1956-1957, lorsqu’il apprit que des négociations secrètes avaient lieu entre le gouvernement Guy Mollet et le Vatican au sujet de la question scolaire et religieuse pour l’ensemble de la France, la législation concordataire risquant de « servir de- monnaie d’échange », il se rendit à Rome en janvier 1957, rencontra l’ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, Mgr Tardini, prosecrétaire d’État et le pape Pie XII. Il exposa son refus de signer « à moins que le Saint-Siège me le demande formellement. Ni le Pape, ni la Secrétairie d’&tat ne voulurent me forcer la main. » (Au soir d’une vie). Les négociations furent abandonnées après la chute du gouvernement.

Pasteur infatigable, il parcourut l’Alsace en tous sens, notamment à l’occasion des visites pastorales et des tournées de confirmation. Il laisse le souvenir d’un homme franc et direct, d’une grande humilité, à la fois profondément pénétré de sa fonction et très proche du peuple chrétien, n’hésitant pas à s’entretenir familièrement – en alsacien le plus souvent – avec les fidèles. Il réorganisa l’Action catholique générale qui se spécialisa peu à peu selon les tranches d’âge et les milieux sociaux. Il encouragea la prédication de missions paroissiales (Strasbourg en 1951). Grâce à la création de la Coopérative de reconstruction des églises sinistrées, environ 70 lieux de culte furent reconstruits ou restaurés. Sous son épiscopat qui correspondit à l’expansion urbaine de l’après-guerre, 70 nouvelles églises et chapelles furent édifiées, surtout dans les quartiers suburbains.

En 1945, se posait le problème de la réorganisation de l’enseignement religieux. Il confia ce secteur à l’abbé Elchinger ©, nommé directeur de l’Enseignement et de l’Éducation chrétienne. En 1947, il publia un nouveau Catéchisme diocésain et fit établir les Fiches Vérité et Vie pour aider à la formation des catéchistes. En 1961, il jeta les bases d’un Institut de pastorale catéchétique, qui devint le Centre de pédagogie religieuse. Acquis à la nécessité d’un renouveau liturgique, il institua un Office de pastorale liturgique qui organisait des sessions de formation pour prêtres et publia des recueils de prière et de chant liturgique. Enfin, comme ancien professeur de Saint-Sulpice, il veillait de très près à la formation des futurs prêtres, consacrant à leur édification spirituelle au Grand Séminaire une soirée par semaine. Durant son ministère épiscopal, il ordonna 460 nouveaux prêtres diocésains. Poussé par le sens de la justice dans l’Église, il se proposa d’accueillir dans sa ville épiscopale en décembre 1956 le P. Yves Congar ©, victime de sanctions répétées de la Congrégation du Saint-Office et l’autorisa à s’installer au couvent des Dominicains de Strasbourg. Il lui confia par la suite des missions de prédication, d’animation de retraites aux prêtres, alors qu’il était interdit d’enseignement par Rome. L’annonce du Concile fut pour lui une source de joie et il fit parvenir à Rome un long document où il formulait des principes qui devraient animer ses travaux. Dans le même sens, Mgr Weber entretint des rapports courtois avec les communautés protestantes et juives d’Alsace. Bien avant le Concile, il entama un dialogue avec des pasteurs et des théologiens protestants. Il fit des interventions remarquées au Concile Vatican II (1962-1965), notamment sur les questions de la Révélation, du dialogue avec les Églises d’Orient, du renouveau des séminaires et de la collégialité dans l’Église.

Le 7 décembre 1957, il choisit comme coadjuteur avec droit de succession le chanoine Léon-Arthur Elchinger (sacré le 16 janvier 1958). En 1972, il accepta la présidence du Comité pour la béatification de Franz Stock, le « Franciscain de Bourges ». Le 9 avril 1978, le prix Peter-Wurst, qui lui fut remis à Sarrebruck, vint récompenser ses efforts en faveur de la paix. Assistant au trône pontifical le 30 avril 1958, il fut nommé archevêque à titre personnel le 17 mars 1962. En 1962, il célébra son jubilé sacerdotal d’or en la cathédrale de Strasbourg, sous la présidence de Mgr Bertoli, nonce apostolique à Paris, et d’une trentaine d’évêques qu’il avait contribué à former au séminaire d’Issy. Il fut chanoine d’honneur des cathédrales de Paris, Besançon, Fréjus, Le Mans, Nancy, Metz, Autun, Clermont-Ferrand, Bâle, Verdun et Soissons. Atteint par la limite d’âge, il présenta sa démission et le 31 décembre 1966, il quitta le siège épiscopal de Strasbourg et se retira à Ribeauvillé, au couvent des Sœurs de la Divine Providence, dont il était l’assistant ecclésiastique depuis 1945. C’est là qu’il passa 13 années d’une retraite studieuse, publiant plusieurs ouvrages et de nombreux articles, avant de s’éteindre le jour même de son 93e anniversaire. Il est enterré dans le cimetière des Sœurs de Ribeauvillé.

Exégèse : Le Livre de Job. L’Ecclésiaste. Texte et commentaires, Tournai, 1947 ; La Bible, livre de Dieu et livre de l’homme, Strasbourg, 1948 ; Le Livre des Proverbes. Le Livre de la Sagesse. Le cantique des cantiques. Texte et commentaires, Tournai, 1949 ; La Vierge Marie dans le Nouveau Testament Étude exégétique et apologétique, Colmar, 1951 ; Où en sont les études bibliques ? Les grands problèmes actuels de l’exégèse, Paris, 1967 ; Cantique de l’office divin. Traduction et commen- taire, Paris, 1970.

Théologie et pastorale ; Le Psautier du bréviaire romain. Texte et commentaires, Tournai, 1948 ; Brèves études eucharistiques, Paris, 1961 ; Pour bâtir l’Église de Dieu. Retraites sacerdotales, Mulhouse, 1968 ; Le Psautier, Paris, 1968 ; Croyez à l’Évangile, Paris, 1972.

Souvenirs et réflexion ; Au soir d’une vie. Témoignages. Des remous du modernisme au renouveau conciliaire, Paris, 1970 ; Je me souviens…, Paris, 1976 ; L’Église et l’Alsace à la croisée des chemins, Griesheim-sur-Souffel, 1978 ; Sur les pentes du Golgotha. Un prêtre dans les tranchées (Carnets de guerre, édités par J.-N. Grandhomme), Strasbourg, 2001.

Archives de l’archevêché de Strasbourg ; Archives des Sœurs de la Divine Providence, Ribeauvillé ; Service historique de l’armée de terre (dossier 8 Ye 58 896) ; Mgr L.-A. Elchinger, Monseigneur Weber serviteur du sacerdoce et de la parole de Dieu, Parole de Dieu et sacerdoce. Études présentées à Son Excellence Mgr Weber, archevêque-évêque de Strasbourg, pour le cinquantenaire de son ordination sacerdotale, Paris, 1962, p. 1-19 ; R. Winling, « Reconstruction et renouveau pastoral. L’épiscopat de Mgr Weber », dans : F. Rapp, Histoire des diocèses de France. Strasbourg, Paris, 1982, p. 298-328 ; P. Koehler, Quelques aspects de l’épiscopat de Mgr Jean Julien Weber, évêque de Strasbourg, 1945-1967, mémoire de maîtrise, Faculté de Théologie catholique, Strasbourg, 1984 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, 1986, p. 7697-7698 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 451-453 ; G. Bihler et coll., Monseigneur Jean
Julien Weber, archevêque-évêque de Strasbourg, 1888-1981, Lutterbach, 1988.

Jean-Noël Grandhomme et François Uberfill (2002)