Cantor, compositeur et pédagogue, (Pl) (★ Strasbourg 17.4.1568 † Strasbourg 26.4.1648). ∞ I 21.7.1601 Margareta Kieffer († fin 1633), fille de l’imprimeur Karl Kieffer ; 10 enfants, ∞ II 1634 Margaretha Seuppel. Son père, instituteur du même nom, musicien et auteur d’une mélodie de choral (Am End hilf mir, Herr Jesu Christ), quitta Nuremberg en 1566 et s’installa à Strasbourg pour enseigner à l’école allemande de Saint-Pierre-le-Jeune. Sa mère, Margaretha Offner, était la fille du pasteur de cette église. Le jeune Walliser fit des études classiques et humanistes à la « Scola argentinensis » (le Gymnase de Jean Sturm, devenu Académie en 1566). À partir de 1584, Walliser se tourna vers la musique et les arts libéraux et il entreprit plusieurs voyages en Bohême, Hongrie, Italie, Allemagne et en Suisse. À Spire, il étudia avec Melchior Vulpius et à Zittau avec Tobias Kindler. Les autorités strasbourgeoises lui accordèrent en 1595 une bourse pour se rendre à Bologne, où il devint l’élève du naturaliste Aldrovandus. En 1598, il retourna à Strasbourg et obtint, en avril 1600, le poste de précepteur de la VIIIe classe à la Haute École. Il y enseigna le latin, le catéchisme, la musique et dirigea le chant choral. La même année, il fut nommé vicaire à Saint-Thomas, obtint de ce fait une prébende, puis fut appelé à la fonction de « Figuralkantor ». Un an plus tard, il fut promu « magister artium liberalium ». Nommé « musicus ordinarius » en 1604, il fut chargé de nombreuses obligations : il était responsable des événements musicaux lors des
festivités de l’École et il composa et dirigea les chœurs lors des représentations théâtrales. À partir de 1605, il assuma la direction du « publicum exercitium musicum », un groupe d’étudiants de diverses écoles, qui se réunissaient pour chanter chaque samedi entre 12 et 13 heures à l’ancienne église des Dominicains. En 1606, il fut également nommé « Figuralkantor » à la cathédrale (protestante), où il fut chargé de la direction des chœurs pour le culte du dimanche après-midi. Cependant, l’introduction des instruments et de la polyphonie vocale dans l’église suscita une vive opposition de la part d’un groupe de protestants. L’exécution polyphonique des psaumes et cantiques spirituels par un chœur d’étudiants s’inscrit dans le cadre de la pratique de l’alternance en usage à Strasbourg. Le chant de l’assemblée étant un chant à l’unisson, a cappella le plus souvent, de rares fois soutenu par l’orgue, et la particularité du choral résidant dans ses nombreuses strophes chantées en entier, la pratique romaine de l’alternance fut reprise et adaptée par les luthériens strasbourgeois : le chant monodique des fidèles alternait non avec l’orgue, qualifié d’« instruments diabolique et papiste » par certains réformateurs, mais avec le chant d’un chœur, avec ou sans instruments. Ainsi les paroles étaient entendues et le contenu du psaume n’était pas amputé d’une partie de son sens.
Walliser connut son apogée dans les années 1610 et 1620. Le centenaire de la Réforme en 1617 fut célébré à la cathédrale avec un « Te Deum » à six voix, et il publia un grand nombre d’œuvres. En 1634, suite à des restrictions budgétaires dues à la guerre de Trente Ans, il perdit son poste de précepteur. Sa dernière œuvre, « Fons Israelis », un motet à double chœurs, fut composée en 1638 à l’occasion de la célébration du centenaire de la Haute École,. Ses dernières années furent marquées par la pauvreté et la maladie. Il dépendait désormais des dons de ses amis et légua sa bibliothèque au chapitre Saint-Thomas en échange de subsides. Walliser fut la personnalité musicale la plus marquante de la première moitié du XVIIe siècle à Strasbourg. Walliser fit le lien, par ses engagements au Gymnase et auprès de diverses paroisses, entre les institutions pédagogiques et ecclésiastiques de la ville. Sa production musicale fut remarquablement riche, et sa réputation se propagea bien au-delà de la ville. Dans ses compositions, Walliser reste le plus près possible de la mélodie et de la structure du psaume ou choral, avec une écriture essentiellement syllabique ; en cela, il demeure fidèle au dessein des réformateurs qui exigeaient la plus grande intelligibilité du texte pour conduire les hommes à Dieu et les préparer à vivre de sa grâce. Par ailleurs, et c’est en cela que réside l’élément moderne de sa musique, il affirme composer ses œuvres à la manière de madrigaux. Pour ce faire, il utilise le procédé de l’imitation sous toutes les formes possibles en traitant la mélodie du choral tout à fait librement au niveau rythmique. Cette dernière devient un matériau dont le compositeur se sert à sa guise : la parole est expliquée, commentée par d’expressifs figuralismes, répétée et amplifiée, caractéristique idiomatique de la musique protestante du XVIIe siècle. Le style de sa musique religieuse est plutôt conservateur. Dans les compositions théâtrales en revanche, il intégra le style moderne des madrigaux italiens.
Œuvres musicales : Teutscher Psalmen (8 motets) à 5 voix, Nuremberg, 1602 (publiés à son insu) ; Honori et amori… M. Nicolai Ferberi à 6 voix, 1605, manuscrit autographe conservé aux Archives municipales de Strasbourg; Hexastichon à 6 voix, Liegnitz, 1610 ; Catecheticae Cantiones Odaeque spirituales Hymni et cantica, Strasbourg, 1611 (perdu) ; Musicae figuralis praecepta brevia, Strasbourg, 1611 (traité) ; Chori musici… in Andromede Tragoedia à 3, 5 et 6 voix, Strasbourg, 1612 ; In festum Nativitatis Domini (3 motets) à 5 voix, Strasbourg, 1613 ; Ecclesiodiae (50 motets) à 4, 5 et 6 voix, Strasbourg, 1614 (2e édition 1617), éditées par D. Guerrier Koegler, dans : Convivium Musicum, vol. 3/1 et 3/2, CV 90.007/10 et 20, Stuttgart, 1997 ; Te Deum laudamus à 6 voix, Strasbourg, 1617 ; Ecclesiodiae Novae (60 motets) de 4-7 voix, Strasbourg, 1625, éditées par D. Guerrier Koegler, dans Convivium Musicum, vol. 4/1, 4/2 et 4/3, CV 90.008/10, 20 et 30, Stuttgart, 2000 ; Herren Wilhelms Salusten von Bartas Triumph des Glaubens à 5 voix, Strasbourg, 1627 ; Chorus musicus… D. Leopoldo Austriae Archiduci à 3 voix et instruments, Strasbourg, 1628 ; 3 canons autographes, 1628, manuscrit conservé à la Bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles ; 2 canons dans : C. Demantius, Isagoge artis musicae, Jena, 1632 (2e édition 1656) ; Fons Israelis à 8 voix, Strasbourg, 1641 ; Hexaphonia, canon à 6 voix, 1643, conservé à la Bibliothèque du Conservatoire de Paris (Coll. Ch. Malherbe n° 5558) ; Concertatio modulatoria à 2 voix, dans : L. Erhardt, Harmonisches Chor- und Figural-Gesangbuch, Francfort/Main, 1659 ; tablatures d’orgue des chorals tirés d’Ecclesiodiae dans : D. Schmidt, Orgeltabulaturbuch, 1676, manuscrit conservé à la Staatsbibliothek de Berlin Preussischer Kulturbesitz ; divers motets à 5-8 voix dans des recueils (1603, 1611, 1613, 1617, 1618, 1621, 1672).
A. G. Ritter, « Die musikalischen Chöre des Christoph Thomas Walliser zur Tragödie ‘Andromeda’ (1612) », Monatshefte für Musikwissenschaft I, 1869, p. 134 et s. ; A. Bähre, Christoph Thomas Walliser, Festschrift zur Feier des 350 jährigen Bestehens des protestantischen Gymnasiums zu Strassburg, Strasbourg, 1888 ; H. Ludwig, « Christoph Thomas Walliser », Monatshefte für Musikwissenschaft XX, 1888, p. 186 et s. ; F. Munch, « Le chant scolaire sous Christophe Thomas Walliser », L’Humanisme en Alsace, Congrès de Strasbourg 20-22 avril 1938, publ. par l’Association Guillaume Budé, Paris, 1939, p. 215-222 ; E. Wagner, Akten-Material zu einer Geschichte der Protestantischen Kirchenmusik in Strassburg von 1524 bis 1681, 12 vol., manuscrit non publié (ca. 1907-1947), conservé aux Archives municipales de Strasbourg, Fonds Wagner, Inv. 133 ; U. P. C. Klein, Christoph Thomas Walliser (1568-1648). Ein Beitrag zur Musikgeschichte Strassburgs, Ph. Diss., University of Texas at Austin, 1964 ; Die Musik in Geschichte und Gegenwart, vol. 14, 1968, col. 173-177 (voir aussi les références bibliographiques) ; J. Noguès, « Cinq vieux maîtres alsaciens », dans : La musique en Alsace hier et aujourd’hui (= Publication de la Société Savante d’Alsace et des régions de l’est, X), Strasbourg, 1970, p. 73-75 ; M. Honegger, « La place de Strasbourg dans la musique au XVIe siècle », International Review for Aesthetics and Sociology in Music 13, 1982, cahier 1, p. 5-19 ; E. Weber, « Christophe Thomas Walliser (1568-1648) : Un musicien strasbourgeois à redécouvrir », Schütz-Jahrbuch 7/8, 1985-1986, p. 105-123 ; idem, « Antike Stoffe in den humanistischen Schulen jenseits des Rheins », dans : Die Quellen Johann Sebastian Bachs, Bachs Musik im Gottesdienst, Stuttgart, 1995, p. 439-448 ; idem, « L’apport de Christoph Thomas Walliser au théâtre scolaire », dans : Christoph-Hellmut Mahling zum 65. Geburtstag (= Mainzer Studien zur Musikwissenschaft, 37), publ. par A. Beer, K. Pfarr et W. Ruff, Tutzing, 1997, p. 1531-1540 ; D. Guerrier Koegler, « Christoph Thomas Walliser, 1568-1648, « Figuralkantor » à Saint-Thomas et à la cathédrale de Strasbourg », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, XXIII, Strasbourg, 1998, p. 107-122 ; The New Grove Dictionary of Music and Musicians, 2″ édition, vol. 27, 2001, p. 43-44.
Beat A. Föllmi (2002)