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WALDTEUFEL (alias LÉVY)

Famille (I) de musiciens dont le patriarche, Moïse © 1, juif errant, la musique dans le sang, battait péniblement les campagnes pour vivoter, avec sa famille, du produit de son archet. Mais ses fils et petits-fils se hissèrent jusqu’aux lustres éblouissants du Second Empire, jusqu’aux fastueux bals de l’Élysée et de la IIIe République. À
Bischheim, où se trouve leur berceau, ils sont recensés, à leur naissance, exclusivement sous le nom patronymique de « Lévy », à Strasbourg, on précise « Lévy dit Waldteufel » et ce ne fut que le 23 janvier 1877 que « Waldteufel » devint officiellement leur patronyme légal.

Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 945 (erreurs) ; J.-P. Zeder, Les Waldteufel et la valse française, Strasbourg, 1980 (2e édition 1997) ; M. Schmitt, 150e anniversaire Émile Waldteufel, Strasbourg, 1988 ; A. Lamb, Skaters Waltz/The Story of the Waldteufels, Croydon, 1995.

  1. Moïse,

« violoneux » ambulant, (I) (★ Bad Kreuznach, Rhénanie, entre 1766 et 1770 d. Bischheim 10.1.1848). ∞ à Bischheim Elle Lazare, alias Ève Loewenthal (★ vers 1777 d. 9.4.1830), fille de Lazare Loewenthal, colporteur, et de Sarah Abraham ; 6 enfants. ? II ( ?) Elle Schuster (d. avant 1848). Vint à Bischheim entre 1784 et
1792. Après la naissance de son dernier enfant, Moïse reprit sa vie errante, joua dans le canton de Phalsbourg en 1813, se produisit, avec ses fils, à Metz, Nancy, Dijon, Dole, Besançon et Fribourg. Revenu à Strasbourg en 1827, il habita avec sa famille rue du Foulon (actuelle rue Hannong). Inhumé à Bischheim où sa tombe (n° 168), au cimetière israélite, porte la représentation d’un violon.

  1. Lazare, alias Louis,

compositeur, chef d’orchestre (★ 11 messidor an IX = 30 juin 1801 d. Strasbourg 15.10.1884). Fils de 1. ∞ 9.2.1831 à Strasbourg Flora Neubauer (★ Munich 16.10.1805), pianiste; plusieurs enfants dont Achille (★ Strasbourg 25.5.1830), libraire à San Francisco, et Isaac Léon © 5. Virtuose du violon et de l’alto, il monnaya d’abord son talent, avec son frère cadet dans les cafés et guinguettes de Strasbourg. Avec son épouse, il créa, en 1835, rue des Dentelles à Strasbourg, une école de musique où il enseigna le violon et sa femme, le chant.
Devint chef d’orchestre des bals de la préfecture et du casino de Baden-Baden. Écrivit aussi de la musique et, dès 1834, apparurent ses premières œuvres dont une Composition religieuse pour la consécration de la synagogue, rue Sainte-Hélène; un Grand galop du chemin de fer lors de la mise en chantier de la ligne Paris-Strasbourg (1839); Brillantes valses Gutenberg pour l’inauguration du monument (1840). Il quitta, vers 1844, l’Alsace pour Paris où il devint chef d’orchestre des bals dansants de Paris, du Jardin d’hiver des Champs-Élysées, chef d’orchestre de la cour de Louis-Philippe. De cette époque royale date une série de polkas de sa facture: La Chinoise, Anna, Jenny, Henri IV, Apollo, Polka et une suite de valses pour la Belle saison à Bade. Au total, on lui connaît une cinquantaine de publications.

  1. Nathan,

violoncelliste, professeur de musique (★ Bischheim 18.1.1806 d. Strasbourg 5.6.1870). Frère de 2. ∞ Jeanne Silbermann (★ Rockenhausen, Palatinat, 21. 6. 1824 d. Paris 21.12.1896), cantatrice; 8 enfants dont Alice (★ Nancy 30.12.1842), pianiste et compagne du peintre Charles Pécrus, Valérie (★ Dijon 11.3.1844), pianiste, Isaac Justin (★ Dijon 18.1.1846), violoncelliste, Cécile Noémie (★ Dijon 24.5.1848), cantatrice harpiste, Clémence (★ Paris 1853), pianiste, OctavieVirginie (★ Strasbourg 10.7.1859 d. Paris 20.5.1886), tragédienne à l’Odéon. Étudia à Paris l’art musical grâce à une souscription initialement destinée à son frère cadet Salomon © 4 et fit carrière dans l’enseignement de la musique. Exerça à Nancy, Dijon, Lyon et Paris avant de devenir, en 1855, professeur au Conservatoire de Strasbourg nouvellement créé. Il se produisit avec son épouse dans des concerts, notamment à la « Réunion des Arts », 9, rue des Juifs, où, le 12 décembre 1840, il interpréta des œuvres de sa propre facture Fantaisie pour le violoncelle sur un thème suisse et Grande fantaisie pour le violoncelle sur les motifs du Domino noir. On lui connaît une quinzaine de compositions dont la moitié fut éditée à Strasbourg.

  1. Salomon,

violoniste, pianiste, compositeur (★ Bischheim 6.3.1811 † Strasbourg 3.6.1831). Frère de 2 et de 3. Conrad Berg, considéré comme « le meilleur professeur de musique de son temps », au vu de l’immense talent du jeune homme, lança, en 1830, avec un rare succès, une souscription pour lui permettre de « cultiver, à Paris, convenablement les dispositions vraiment extraordinaires dont il était doué ». Salomon mourut sans pouvoir en profiter. Cette disparition prématurée du jeune virtuose souleva une infinie tristesse dans le monde des artistes et des amis de l’art musical. Le poète Gottlieb Stoeber © fit son oraison funèbre dite en vers et en allemand, le 5 juin 1831, devant la tombe de Salomon. On connaît de Salomon une seule composition: Variations sur un thème allemand pour violon avec piano.

  1. Isaac Léon,

violoniste (★ Strasbourg 11.2.1832 d. Paris 23.2.1884). Fils de 2 et de Flora Neubauer. Violoniste, il fréquenta le Conservatoire de Paris de 1844 à 1846. Chef d’orchestre du Casino de Biarritz en 1862, puis chef d’orchestre des Bals de la présidence de 1877 à 1883. Il produisit, à ce titre, une trentaine d’œuvres dont la marche Nicolas et les valses Aglae, Amazilia, Chant d’Antonia, Valse du duc de Mouchy, Élisabeth, Miroir de l’âme, Muses, Perle des salons, Tout cœur, Wilhelmina, entre autres.

  1. Salomon alias Édouard,

journaliste, écrivain (★ Strasbourg 22.6.1834). ? Caterina (Nina) Lebouys, violoniste; 4 enfants. Frère de 5. Il fut directeur politique adjoint de l’Opinion nationale, collabora à L‘Univers musical et fonda, en 1867, à l’intention des provinciaux venant à Paris, le journal gastronomique La Carte du jour. En 1873, il tança les « conspirateurs contre la République ». Patriote, il adressa, en 1892, à l’empereur Guillaume II, un Mémoire pour la rétrocession de l’Alsace-Lorraine.

7. Charles Émile,

surnommé le « roi (ou encore le Strauss) de la valse française », pianiste, compositeur, (I, puis C) (★ Strasbourg 9.12.1837 † Paris 12.2.1915; inhumé au Père Lachaise). Frère de 5 et 6. ∞ 1873 Célestine Antoinette Dufeau (★ Toulouse 5.10.1844 † Paris 1914); 3 enfants dont Berthe (★ 25.9.1883 † Cannes 16.1.1965), pianiste, ? Adolphe Doré, neveu de Gustave Doré ©. Il avait à peine sept ans quand ses parents quittèrent Strasbourg pour Paris où il devint, à 16 ans, d’abord auditeur libre de Marmontel, ensuite élève de Laurent avec, comme condisciples, Massenet et Bizet. En 1854, il écrivit sa première composition, Cadita, une polka-mazurka et, en 1859, sa première valse Joies et peines qui lui valut les encouragements de Charles Gounod et qui fut, 56 années plus tard, l’ultime mélodie jouée sur son piano. À 28 ans, l’impératrice Eugénie le nomma « directeur de la musique de danse de la cour impériale » et pianiste particulier pour ses « lundis intimes » — Manolo fut l’occasion d’une première rencontre avec le prince de Galles, le futur roi d’Angleterre Édouard VII, auquel, il dédia, par la suite, la valse Bien aimés. Le prince et son chef d’orchestre sont à l’origine des premiers contrats d’édition avec l’éditeur anglais Hopwood & Crew. E. connut la gloire: « les éditeurs l’attendaient contrats en main… ». Volontaire en 1870, il opta en 1871, conformément au traité de Francfort, pour la nationalité française et l’exil à vie. En 1895, il dirigea ses œuvres au Cowen Garden de Londres et triompha, en 1889, au Festival de musique de Berlin. En 1890-1891, il fut chef d’orchestre des Bals d’hiver et, de 1892 à 1897, chef d’orchestre des bals du Bazar de la charité. Biarritz, Tuileries, Fontainebleau, Compiègne, Émile fut de toutes les somptueuses fêtes du Second Empire et de la IIIe République. Il laissa quelque 300 compositions, d’impérissables mélodies dont les plus connues: À toi, Mon rêve, Toujours ou jamais, Pomone, Les sirènes, Dolorès, Estudiantina, España, Amour et printemps et surtout Les patineurs, une des valses les plus célèbres au monde. Chevalier de l’ordre royal d’Isabelle-la-Catholique d’Espagne (1872).

Le Gaulois des 26.3.1869 et 29.2.1884 ; Le Petit Poucet du 20.7.1900 ; The Jewish Encyclopedia, New York-Londres, 1906 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 3, 1984, p. 94 (erreurs) ; Les nouveaux cahiers du Second Empire n° 24-25, 1989, p. 23-24 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 25.3.1990, 24.8.1991, 6.12.1992, 22.1.1993 ; A. Lamb, Skaters’Waltz, Londres, 1995.

Jean-Pierre Zeder (2002)