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WACKER Petrus (en religion dom Petrus ou dom Pierre)

Abbé trappiste ou cistercien d’Oelenberg, (C) (★ Kickenbach, Kreis Olpe, Nordrhein-Westphalen, 1.8.1868 † Oelenberg 1.1.1952). Fils d’Adam Wacker et de Caroline Münker. Arrivé à Oelenberg le 29 octobre 1891, prise d’habit le 1er décembre .1891, profession simple en 1893, profession solennelle en 1896, ordination presbytérale en 1897. Wacker fréquenta le gymnase de Paderborn et commença ses études théologiques à Münster en Westphalie. Après sa profession monastique et son ordination, il termina ses études à Rome par le doctorat en droit canonique en 1898. Il séjourna de nouveau à Rome à la maison générale des trappistes entre 1903 et 1908 comme définiteur de l’ordre, pro-fesseur de théologie et préfet des étudiants. Installé comme abbé le 30 janvier 1912, l’abbé élu se rendit aussitôt à Rome, pour y recevoir la bénédiction abbatiale le 11 février 1912 en la chapelle de la maison généralice des mains de l’abbé général, dom Augustin Marre. Ce choix s’explique pour une double raison. Dom P. Wacker avait de solides attaches romaines personnelles. Ce fut aussi un habile geste diplomatique : recourant directement à Rome, l’élu contournait toute intervention des abbés trappistes français. Le gouvernement du Reichsland et la forte proportion de religieux de nationalité allemande dans sa propre communauté auraient mal toléré une ingérence française trop marquée à cette époque de forte tension franco-allemande. Le nouvel abbé fut reçu en audience privée par le pape Pie X le 12 février 1912. Cette protection lui assurait une suprématie internationale et envers le gouvernement allemand et envers les trappes françaises. Wacker se trouvait à la tête d’une communauté importante. En 1912, les effectifs atteignirent leur sommet absolu : 90 frères convers, 3 frères donnés, 42 moines prêtres, 23 moines étudiants, 4 moines étrangers en séjour, soit un total de 162 religieux. Cette communauté était multinationale : 63 % d’Allemands, 18 % d’Alsaciens, 12 % de Suisses, 7 % d’autres pays européens, en revanche, point de Français. Le trappe d’Oelenberg s’était fortement germanisée. Cette tendance pro-allemande créait de difficultés de relations avec les trappes de France. L’abbé d’Oelenberg n’assistait pratiquement plus aux chapitres généraux de l’ordre. Les trappistes français étaient portés à regarder leur consœur alsacienne comme une trappe « prussienne ». L’abbé d’Oelenberg remplissait les fonctions de « père immédiat » des cisterciennes de Notre-Dame d’Altbronn à Ergersheim et jusqu’en 1920 de la Fille-Dieu au canton de Fribourg en Suisse. Il était le supérieur de tutelle de Mariaveen en Rhénanie du Nord Westphalie, commencée comme une œuvre sociale en 1888 pour assécher les marais de la région. Sur place, l’exploitation agricole s’étendait sur 200 hectares. Le moulin drainait les céréales de la région. De nombreux ateliers, où travaillaient les frères convers, permettaient à l’abbaye de vivre en autarcie. L’abbé était à la fois patron d’une vaste entreprise et maître spirituel d’une communauté diversifiée. Ses dons d’organisateur l’aidèrent à faire face à la situation. Sa théologie équilibrée lui permit de sortir la communauté d’une ascèse parfois excessive et d’une spiritualité à forte tendance dévotionnelle. Il préparait ainsi le retour des trappistes à l’authentique tradition cistercienne. Wacker dut reconstruire deux fois une abbaye et une église abbatiale complètement détruites par fait de guerre. Occupée par des troupes allemandes au début de la première guerre mondiale, l’abbaye d’Oelenberg fut bombardée à plusieurs reprises par l’artillerie française : en juin et juillet 1915, en janvier 1916 et surtout en février 1917. Au lendemain de l’armistice de 1918, il fallait tout reconstruire. La consécration de la nouvelle église abbatiale en 1927 par Mgr Ruch ©, marqua la fin de ces travaux de reconstruction. Le même scénario se reproduisit lors des combats de la Libération en décembre 1944 et en janvier 1945. Transformée en point d’appui par l’armée allemande, l’abbaye subit le feu de l’artillerie française. À la Libération, elle n’était plus qu’un amas de ruines. Avec l’aide financière du diocèse, Wacker reconstruisit une seconde fois le monastère à partir de 1947. Face au changement de nationalité en 1918 et en 1945, Wacker sut agir avec beaucoup d’habilité diplomatique. Les moines de nationalité allemande qui se trouvaient hors d’Alsace lors de l’armistice de 1918 n’eurent plus la permission de revenir dans leur monastère de profession. Wacker leur chercha et leur trouva une nouvelle résidence d’abord à Banz, une ancienne abbaye bénédictine en Bavière, puis en 1925 à Engelszell, Haute-Autriche. Cette scission forcée de la communauté provoqua une lente régression des effectifs. Wacker fut en butte à des intrigues de la part de quelques confrères trappistes alsaciens. Certains auraient souhaité son transfert à Engelszell et son remplacement par un trappiste alsacien. Wacker sut déjouer ces intrigues et renouer les contacts fraternels avec les cisterciens français, tout en gardant lui-même la nationalité allemande. En juillet 1943, la communauté d’Oelenberg encourut la menace de la déportation par la Gestapo, comme toutes les maisons religieuses d’Alsace. En 1946, Wacker présenta sa démission au chapitre général, qui la refusa. Sa résignation fut acceptée seulement en novembre 1949. L’abbé démissionnaire séjourna à Engelszell. Il revint dans son monastère pour y mourir. Sa devise abbatiale exprime le trait dominant de sa personnalité et de son action : In fide et mansuetudine (Dans la foi et la mansuétude). Sa foi lui donna la force de présider durant 37 ans aux destinées de l’abbaye d’Oelenberg dans des circonstances intérieures et extérieures particulièrement difficiles. Sa mansuétude lui permit de plier devant l’adversité, lorsqu’il ne pouvait faire autrement, mais sans rompre intérieurement, ni lui céder extérieurement.

Sources aux Archives de l’abbaye d’Oelenberg : Namensverzeichnis der Retigiosen und Conventsbrüder des Klosters Oelenberg, n° 374 ; Chronik von Oelenberg, t.12, (1909-1924) et 13 (1925-1928).

Sacerdos Friederich, Das Jubiläum in Oelenberg, 1825-1925, Strasbourg, 1925 ; idem, Le premier siècle de la trappe d’Oelenberg, 1825-1925, Mulhouse, 1926 ; P. Stintzi, Oelenberg. 900 Jahre Geschichte der Abtei, 1046-1954, Westmalle, 1962, surtout p. 171-210.

Diverses photos de Dom P. Wacker dans la Chronique d’Oelenberg aux Archives de l’abbaye.

† René Bornert (2002)