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VOLTZ (VOLZ, VOLZIUS) Paul

Humaniste, bénédictin, prédicateur, (C, puis PI) (★ Offenbourg, Bade, vers 1473 † Strasbourg 6.6.1544). Voltz fréquenta l’École humaniste de Sélestat sous Crato Hoffmann ©. Il étudia la théologie à Tübingen en 1496. Durant toute sa vie, Voltz resta lié à ses condisciples au sein de la « Sodalité » ou de la « Société littéraire » des anciens élèves de l’École humaniste de Sélestat. Les uns, comme Beatus Rhenanus ©, Jacob et Johann Spiegel ©, restèrent fidèles à l’Église médiévale traditionnelle. D’autres, comme Martin Bucer ©, Paul Phrygio (Seidensticker) ©, n’hésitèrent pas à faire le pas de l’humanisme à la Réforme. Poussé par les événements, plus que par une décision personnelle, Voltz franchit, malgré lui, le seuil entre l’ordre ancien et la nouvelle religion. Attiré à la fois par la quête de Dieu et l’attrait des lettres, il entra vers 1503 à l’abbaye bénédictine de Schuttern, dans l’Ortenau, alors au diocèse de Strasbourg. Le 19 janvier 1512, le chapitre de l’abbaye de Honcourt le postula comme abbé. Le nouveau supérieur devait rallier une abbaye décadente à la réforme monastique, dite de Bursfeld, du nom de ce centre de renouveau dans le Hanovre. Homme d’étude plus qu’homme d’action, il se complaisait davantage dans la compagnie des gens de lettres qu’il ne sut imposer une direction ferme, spirituelle et matérielle, à une communauté de religieux. Il restait en relation amicale et épistolaire avec Beatus Rhenanus qui lui dédiait en 1516 l’édition latine des Sentences de Xystus Pythagoricus. Il entretenait également une correspondance littéraire avec Erasme de Rotterdam © : celui-ci l’honora, non pas en lui dédiant, comme on le répète trop souvent par erreur, l’Enchiridion militis christianae, paru en 1501 chez Theodor Martinus à Anvers et dédicacé à Johann Poppenreuter de Nuremberg, mais en faisant précéder l’édition de 1518 chez Froben à Bâle de la fameuse Lettre à Paul Voltz, abbé du monastère de Honcourt, datée du 14 août 1518. Dans cette Épître à Voltz, Erasme « dégage les principes théologiques » de l’Enchiridion : cette introduction constitue « un lieu privilégié pour une étude
génétique de la pensée érasmienne » (Henri de Lubac). Les malheurs des temps obligèrent bientôt Voltz à descendre des hauteurs sereines de la contemplation philosophique. À Pâques 1525, des paysans du voisinage de Honcourt, en révolte, chassèrent l’abbé de sa retraite studieuse, pillèrent son monastère et le conduisirent sous escorte jusqu’aux abords de Sélestat. Le curé de la ville Paul Constantin Phrygio et le recteur de l’École humaniste Hans Sapidus (Witz) avaient pris position en faveur de la nouvelle doctrine religieuse. Ils se heurtaient à l’opposition du Magistrat et durent quitter la cité à la fin de 1525. Dans ces conditions, Voltz ne pouvait trouver refuge à Sélestat, ni fixer sa demeure dans son abbaye. Sur les conseils de son ami Caspar Hedio ©, Voltz se rendit en 1526 à Strasbourg et s’établit dans une ville définitivement gagnée à la Réforme. Il logeait dans l’ancien couvent de Saint-Guillaume, dont la communauté avait été dissoute par le Magistrat. Conservant son titre d’abbé ou d’ancien abbé (ex abbas), il y employa d’abord ses loisirs en travaillant à l’achèvement de la Chronique de Schuttern. Son ancien supérieur de tutelle, l’abbé de Schuttern, resté catholique, mais faisant preuve d’une tolérante largeur de vue, l’y encouragea vivement. À ce moment-là, les frontières confessionnelles étaient encore très mobiles et très malléables. En 1528 seulement, les prédicateurs protestants strasbourgeois lui trouvèrent un emploi à la mesure de ses capacités. Ils mirent à profit son goût pour la mystique et lui confièrent la charge d’aumônier du couvent des religieuses de Saint-Nicolas-aux-Ondes. Les nonnes, entêtées dans leur ancienne religion, firent la sourde oreille à ce moine transfuge, qu’une Ville et une Église, devenues protestantes, leur imposaient. Voltz s’approcha des mouvements spiritualistes et anabaptistes, proches de Caspar Schwenckfeld ©. Cette spiritualité populaire lui ouvrit le cœur et les oreilles des simples gens. Ce glissement vers les milieux sectaires le mit en difficulté avec le corps des pasteurs de l’Église officielle. Comme de surcroît il refusa de souscrire à la Concorde de Wittenberg (29 mai 1536), à laquelle l’Église de Strasbourg s’était ralliée, le Magistrat, sous la pression de Bucer, le démit de ses fonctions le 13 janvier 1537. Jean Calvin ©, au cours de son séjour à Strasbourg, sut ramener à la foi ce « jadis abbé, nommé Paul Volse, auquel Erasme avait dédié son Chevalier Chrétien l’an 1518 ; et lequel étant converti de l’anabaptisme est mort ministre de l’Église de Strasbourg » (Nicolas Colladon, Vie de Calvin). La conversion de Voltz par Calvin se situa entre septembre 1538 et l’été 1539. En juillet 1539, le repenti prononça en l’église Saint-Pierre-le-Jeune une profession de foi en allemand pour les simples fidèles. Aux pasteurs il remit une déclaration plus dogmatique. Cette démarche satisfit aux exigences de l’orthodoxie locale et Voltz fut réintégré dans le corps pastoral. Ses collègues surent utiliser sa vaste culture, en lui confiant l’éducation des étudiants étrangers au futur collège de Saint-Guillaume. À sa mort, Bucer scella la réconciliation et prononça son éloge funèbre, en latin et en allemand, au cimetière de Saint-Gall. Voltz avait composé lui-même son épitaphe mortuaire, en saluant de loin l’Éloge de la folie d’Erasme († 1536), qui lui avait légué dans son testament la somme de 100 florins d’or : Volzius hic stultus Paulus jacet abbas sepultus (Ci gît Paul Voltz, abbé, fol durant toute sa vie). Malmené par les conflits de son temps, ce bénédictin humaniste savait mourir à l’existence terrestre, se rire de ses contrariétés et sourire à ses vanités.

Correspondance : Avec Beatus Rhenanus : Briefwechsel des Beatus Rhenanus, éd. A. Horawitz et K. Hartfelder, Leipzig, 1886 ; J. Ficker, Thesaurus Baumianus, Strasbourg, 1905, p. 166 ; R. Walter, Un grand humaniste alsacien et son époque : Beatus Rhenanus, citoyen de Sélestat, ami d’Erasme, Strasbourg, 1986. Avec Erasme de Rotterdam : P. S. Allen, Opus epistolarum Des. Erasmi Roterodami, 12 vol., Oxford, 1906-1958 (index, t. 12, p. 14, 184). Lettre d’Erasme à Paul Voltz : Erasmus von Rotterdam, Epistola ad Paulum Volzium. Brief an Paul Volz. Enchiridion militis christiani. Handbüchlein eines christlichen Streiters. Introduction, texte latin et traduction allemande par W. Welzig, Darmstadt, 1968, 2e éd. 1990 (Erasmus von Rotterdam. Ausgewählte Schriften, 1) ; Erasme de Rotterdam, Lettre à Paul Volz du 14 août 1518, trad. P. Mesnard, Revue thomiste 47, 1947, p. 534-549 ; G. Chantraine, « Mystère » et « Philosophie du Christ » selon Erasme : étude de la lettre à P. Volz et de la « Ratio verae theologiae », préface de H. de Lubac de l’Institut, Namur, 1971 (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et de Lettres de Namur, 49).

Participation à la « Chronique de Schuttern », éditée par F. J. Mone, Quellensammlung zur badischen Landesgeschichte, t. 3, Karlsruhe 1863, p. 41-132, 666-680, surtout p. 41-44, 667-669. J. May, « Zur Kritik der Annalen von Schuttern », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 47, NF 8, 1893, p. 256-288 ; J. May, Paul Volz von Offenburg und die Annalen von Schuttern, Leipzig 1898. Également dans le domaine de l’histoire monastique, Voltz rédigea en 1534 un Mémoire sur l’incorporation du prieuré de Saint-Alexandre de Lièpvre au chapitre canonial de Saint-Georges de Nancy, union ordonnée en 1502 par le pape Alexandre VI. Cf Grandidier, Histoire de l’Église et des évêques-princes de Strasbourg, t. 1, Strasbourg, 1776, p. 433. D’autres ouvrages archéologiques et historiques ont été perdus.

Notices biographiques : J. Rathgeber, « Un humaniste de l’École de Sélestat », Revue d’Alsace [21], NS 1, 1870, p. 155-166 ; Allgemeine deutsche Biographie, t. 40, 1896, réimpression 1971, p. 284-285 ; Grandidier, Nouvelles œuvres inédites, t. 2, Colmar 1898, p. 567-568, t. 3, 1899, p. 200 ; J. Ficker-O. Winckelmann, Handschriftenproben des sechzehnten Jahrhunderts nach Strassburger Originalen, t. 2, Strasbourg, 1905, n° 51. Recension par H. Kaiser dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 35, NF 21, 1906, p. 156 : Voltz est né vers 1473, non vers 1480. Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, 929-931 ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 5390, p. 563.

Séjour à Strasbourg : Lettre de Capito à Luther du 4 septembre 1536, WA Br, t. 7, n° 3075, p. 520-525. Caspar Schwenckfeld, Lettre au duc Frédéric II de Liegnitz du 23 mai 1540, Corpus Schwenckfeldianorum, t. 7, p. 85 ; N. Colladon, « Vie de Calvin », Théodore de Bèze, « Vie (latine) de Calvin », Corpus reformatorum 49, Calvin 21, c. 62, 130 ; T. W. Röhrich, Geschichte der Reformation im Elsass und besonders in Strassburg, t. 2, Strasbourg 1832, p. p. 112-113, 271-272 ; idem, « Der Abt Paulus Volzius, evangelischer Prediger in Strassburg », Mittheilungen aus der Geschichte der evangeüschen Kirchen des Elsasses, t. 3, Paris-Strasbourg, 1855, p. 203-230 ; J. Adam, Evangelische Kirchengeschichte der Stadt Strassburg, Strasbourg, 1922, p. 213 ; R. Stupperich, « Calvin und die Konfession des Paul Volz », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 44, 1964, p. 279-289 ; J. Rott, Investigationes historicae, Strasbourg, 1986, t. 1, p. 121, t. 2, p. 175 ; J.-M. Mayeur (dir.), Histoire du Christianisme, t. 7 : De la Réforme à la Réformation (1450-1530), 1994, p. 638-639.

† René Bornert (2002)