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VIGNACOURT (WIGNACOURT)

Famille qui tire son nom d’une localité située dans l’Amiénois, département de la Somme, et qui, au fil des siècles, s’est installée en Champagne, en Artois et en Alsace. Au XVIIe siècle, la maison de Vignacourt donnait deux grands maîtres à l’Ordre de Malte, Alof (1601-1622), et son petit-neveu, Adrien, premier gentilhomme de la Chambre du roi, qui fut élu en 1690 et disparut en 1697. Le chevalier Robert de Vignacourt († 11.1.1683), lieutenant-colonel du régiment d’infanterie commandé par le comte de La Suze (avec lequel il s’était distingué à la prise de Belfort), était seigneur de Touligny, Pierre-Bont et Handres, commandant pour le roi dans les villes et châteaux de Porrentruy et de Saint-Ursanne, le prince-évêque de Bâle ayant sollicité la protection française contre les Suédois. Le chevalier reçut en don royal la « terre, seigneurie et fief vacant de Morimont », le 31 octobre 1641, converti en fief en 1654 (Archives départementales du Haut-Rhin, C 960, 54), c’est à dire le château du même nom, les « champs, prés, vergers, les trois villages de Courtavon (avec une maison), Large (Oberlarg) et Levoncourt, avec haute, moyenne et basse justice, le cours d’eau qui y passe, la grande dîme du village de Halle proche de Pourentruy et Cuene ». Le tout avait été enregistré le 29 janvier 1655 à Brisach par les « gouverneurs et gens de la Chambre de Justice du Roy dans province de haute et basse Alsace » (Archives départementales du Haut-Rhin, C 960, 5). Une autre donation royale avait confié, à l’extinction de la famille d’Ortembourg, les villages de Riedisheim et Brunstatt à Robert de Vignacourt. Les créanciers des Ortembourg obtinrent peu après la vente des biens de la famille éteinte et Vignacourt ne put jouir longtemps des biens et revenus aux portes de Mulhouse.

Les Vignacourt étaient, entre autres, les collateurs de l’église de Courtavon. Ils y possédaient la grande dîme, qui représentait 120 sacs d’épeautre et dont 90 revenaient au seigneur. Entre autres biens, signalons encore la digue du Grand étang, désaffecté depuis le XVIIIe, traversé par la Largue, et transformée en plan d’eau intercommunal vers 1990.

À sa mort, Robert eut pour héritier un de sesneveux, Antoine de Vignacourt, capitaine de grenadiers et seigneur de Monclin-Vauzelle et Château-Portien en Champagne et époux de Louise de Vars, fille de François de Vignacourt, chevalier et seigneur de Vauzelle et Bertranges. Décédés respectivement le 7 février 1711 à l’âge de 73 ans et le jour deNoël 1716 à 53 ans, ils reposent aux côtés de Robert de Vignacourt dans le chœur de l’ancienne église, actuelle chapelle du cimetière de Courtavon. Leurs fils se partagèrent, en 1723, la seigneurie de Morimont : Robert Conrad, dit Mr de Morimont, et lieutenant-colonel, eut le village d’Oberlarg ; Levoncourt échut à François Henri Joseph, dit Morimont de Vosel ; Courtavon fut partagé entre Humbert et Étienne alors que le cinquième frère eut le manoir de Courtavon, bâti au crépuscule du XVIIe siècle.

Le château des Vignacourt à Courtavon fut construit (ou très restauré) en 1687, peut-être à l’emplacement d’un plus ancien dont il subsisterait un niveau voûté, un escalier à limon hélicoïdal et quelques encadrements. Ce fut Morimont de Vosel qui, de concert avec son frère Étienne, fit bâtir, en 1755, le nouveau manoir de Morimont, actuelle ferme-auberge (commune d’Oberlarg). Les terres de Morimont furent une nouvelle fois partagées en 1777 entre Étienne, seigneur d’Oberlarg, Conrad Étienne, seigneur de Levoncourt, Louis Joseph, seigneur de Courtavon. À la Révolution, la famille de Vignacourt, émigra en Suisse. Toute la seigneurie fut confisquée au profit de la Nation en 1792.

Né à Courtavon en 1723, Conrad Robert de Vignacourt était major de cavalerie retraité en 1764, retiré à l’abbaye de Senones, Vosges, et, en 1791, à Nancy. Porté sur la liste des émigrés du Haut- Rhin le 24 février 1793 et rayé le 3 juillet par le département sur justification de résidence ininterrompue, il mourut à Nancy le 7 pluviôse an III. Né en 1725, Étienne de Vignacourt était seigneur de Courtavon, mais demeurait à Saint-Vrain. Il fut rayé provisoirement de ladite liste le 11 ventôse an III (1er mars 1795) par le district d’Altkirch au vu de son acte de décès établissant qu’il était mort à Saint-Vrain le 23 avril 1792. Coseigneur de Courtavon, Louis Joseph de Vignacourt avait vu le jour à Blesme, Marne, en 1773. Porté sur la liste des émigrés du Haut-Rhin du 27 août 1793, il fut amnistié le 22 brumaire de l’an X (13 novembre 1801) et fit promesse de fidélité à Châlons-en-Champagne le 29 floréal an X (19 mai 1802). Remis en possession du comté de Morimont par ordonnance royale du 16 janvier 1815, il mourut la même année, le 12 juin, à Saint-Dizier, Haute-Marne.

En 1792, Joseph Godat, ci-devant receveur des Vignacourt, s’était avisé de vendre du bois des anciennes forêts seigneuriales à des particuliers étrangers à Courtavon, et ce au profit toujours de ses maîtres. La municipalité du lieu engagea une procédure. Dans les dernières années de la Seconde Restauration, une procédure appelée à réintégrer la famille de Vignacourt, installée à Saint-Dizier, dans ses biens, notamment forestiers, et engagée en 1828 contre le préfet du Haut-Rhin, représentant l’État, n’apporta rien de tangible. Le jugement rendu le 30 août 1828 par le tribunal civil d’Altkirch fut tout de même porté en appel. En 1829, les héritiers des deux frères, Conrad et Étienne de Vignacourt, reçurent une indemnité de 97 564 francs au bénéfice de la loi dite du « milliard des émigrés ».

E. Antonin, Conclusions motivées pour les héritiers de Wignacourt, appelans, contre M. Le Préfet du Haut-Rhin, représentant l’État, intimé et en présence du sieur Henry Koechlin, aussi appelant, Colmar, s.d. Collection Gérard 1717, Bibliothèque municipale de Mulhouse (la terre du Morimont était-elle allodiale ou domaniale ?) ; J.-D. Schoepflin, L’Alsace illustrée, Mulhouse, 1852, p. 832; Lehr, L’Alsace noble, 1870, III, p. 207-210 (Wignacourt) ; T. Walter, Die Grabschriften des Bezirkes Oberelsass, Guebwiller, n° 283 et 324 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 920 ; F. Schaedelin, L’émigration révolutionnaire du Haut-Rhin, Colmar, 1937, p. 156 ; « Mémoire Colbert de Croissy », Études alsaciennes, Strasbourg, 1947, p. 186 ; J. Babé, « Courtavon », Annuaire de la Société d’histoire sundgauvienne, 1959, 25-27 ; L’Ordre de Malte en France, Catalogue de l’exposition au Musée national de la Légion d’honneur et des Ordres de chevalerie, Boulogne, 1988, p. 79 et 82 ; Brunstatt, ouvrage collectif, Rixheim, 1989, p. 360-402.

Paul-Bernard Munch (2002)