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VERMIGLI Petrus (Pietro Mariano)

Réformateur (★ Florence 8.9.1499 † Zurich 12.11.1562). ∞ I 1545 à Strasbourg Catherine Dammartin († 1553). ∞ II mai 1559 à Zurich Catherina Merenda, de Brescia; 1 fille posthume. Né dans une famille de la moyenne bourgeoisie, Vermigli entra au couvent augustin San Bartolomeo de Fiesole, près de Florence, à l’été de 1514, soit trois ans avant la querelle des Indulgences. Il prononça ses vœux en 1518, un an après la controverse déclenchée par Martin Luther, et prit le nom de Petrus Martyr. La même année, son ordre l’envoya étudier la philosophie aristotélicienne et la théologie à Padoue. En 1526, il fut promu docteur en théologie, et se vit confier la tâche de prêcher. Il exerça ses fonctions dans différentes villes d’Italie du Nord, enseignant par ailleurs dans les couvents de Ravenne et de Verceil. De 1530 à 1533, à Bologne, il fut le vicaire du prieur du couvent augustin San Giovanni à Monte. Il se forma également en hébreu avec l’aide d’un médecin juif. Au début de mai 1533, il fut nommé prieur de San Giulano à Spolète et il entreprit avec succès de réformer plusieurs maisons de l’Ordre. Dans cette tâche, il fit notamment la rencontre des cardinaux Reginald Pôle, Pietro Bembo et Gasparro Contarini. En 1537, il fut élu prieur du couvent San Pietro ad Aram de Naples ; là, il entra en contact étroit avec le cercle des Spirituali réuni autour de Juan Valdès (ce dernier avait fui, en Italie, l’inquisition espagnole; son christianisme non dogmatique se nourrissait des textes des Réformateurs, mais aussi d’Erasme et des mystiques du Moyen Âge), auquel appartenait Bernardino Ochino, le vicaire général des Capucins. Cette rencontre, ainsi que la lecture d’écrits de Zwingli et de Martin Bucer ©, constitua un tournant dans sa théologie (nouvelle compréhension de la justification du pécheur, des sacrements de l’Église…), qui, à partir de la fin 1539, eut des répercussions sur sa prédication. Suspendu, puis rétabli (grâce au soutien de cardinaux réformistes) dans ses fonctions de prédicateur, il fut nommé, en 1540, visiteur, puis, en 1541, prieur de l’important couvent de San Frediano à Lucques. Toutefois, sa nouvelle orientation l’amena non seulement à entreprendre une réforme des mœurs dans le couvent, mais encore à se consacrer, par l’interprétation des livres bibliques, à l’enseignement des clercs comme des laïcs : San Frediano devint la première école réformatrice en Italie, Vermigli ayant réuni autour de lui des esprits brillants (par exemple Girolamo Zanchi, Celio Secondo Curione…) qui partageaient son intérêt pour les langues anciennes et la rhétorique. Cité devant le chapitre de son ordre en 1542, l’année de la réorganisation de l’Inquisition, Vermigli choisit de quitter la Toscane à la fin du mois d’août. Il arriva à Strasbourg après avoir cherché en vain un poste à Zurich, puis à Bâle : appelé par Bucer à la mi-octobre, il reçut, à la Haute École, la chaire d’Ancien Testament de Capiton ©. C’est à Strasbourg aussi qu’en 1545 il épousa Catherine Dammartin, ancienne religieuse de Metz, réfugiée dans la ville libre pour sa foi († 1553). Ses cours lui valurent une excellente réputation. Dès 1543, le Magistrat lui accorda le droit de bourgeoisie, et un an plus tard, il fut nommé chanoine de Saint-Thomas. Au plan théologique, quoique partisan de la conception zwinglienne de la Cène, il se garda d’exprimer ouvertement sa différence avec Bucer, de crainte de nuire à leur amitié. Avec ce dernier, il partagea en revanche l’insistance sur l’action du Saint-Esprit, sur le renouvellement intérieur du croyant justifié et sur la discipline. En 1544, il fit paraître à Bâle un résumé systématique de sa théologie (il y commenta le Symbole des Apôtres) sous le titre : Una semplice dichiaratione sopra gli XII articoli della fede christiana.

Après la défaite des Évangéliques lors de la guerre de Smalkalde et la soumission de Strasbourg à Charles Quint, il se rendit en Angleterre, sur l’invitation de Thomas Cranmer. Il y parvint en novembre 1548 et fut rejoint, quelques mois plus tard, par Bucer. En 1548 encore, il fut nommé professeur de théologie au Corpus Christi Collège (Oxford) ; il y commença ses enseignements par l’interprétation de la première épître aux Corinthiens, que suivit l’explication de l’épître aux Romains. Son rejet de la transsubstantiation lui valut l’opposition des partisans de la foi traditionnelle, encore très influents à Oxford, mais son érudition lui permit de faire triompher sa position (Tractatio de sacramento eucharistiae ; Disputatio de eucharistiae sacramento, Londres, 1549). Sa doctrine de la Cène exerça aussi une influence sur le second Book of Common Prayer (1552) et les 42 Articles (1553). Avec Bucer et Jean Lasci (Johannes a Lasco), il fut impliqué aussi dans la querelle relative aux vêtements liturgiques. Enfin, ses efforts portèrent sur la formation, au sens évangélique, d’une nouvelle génération de clercs anglais. Suite au décès d’Édouard VI, en 1553, et au couronnement de Marie Tudor, Vermigli fut emprisonné brièvement avant de quitter l’Angleterre pour Strasbourg, où il arriva le
30 octobre. Mais le temps du pluralisme dogmatique y était révolu et les querelles confessionnelles l’amenèrent à quitter la Haute École pour se rendre à Zurich (1556) : il y succéda à Conrad Pellican ©, comme professeur d’hébreu. Il y passa ses dernières années, extrêmement productives au plan littéraire (interprétation des livres de Samuel, des Rois, des Psaumes et des petits prophètes), refusant des offres de Genève et de Heidelberg. Contre l’évêque anglais Gardiner, il défendit la doctrine eucharistique réformée (Defensio doctrinae veteris et apostolicae de sacrosanto eucharistiae sacramento) ; il se disputa avec les luthériens Brenz et Westphal, mais aussi avec Bibliander au sujet de la prédestination (à la doctrine modérée de Bucer, il préféra celle de Calvin). Innombrables sont les mémoires théologiques et les lettres par lesquels il contribua à l’affermissement de la réformation zurichoise. Il se consacra par ailleurs aux réfugiés italiens, à l’Église d’Angleterre après la montée d’Élisabeth Ière sur le trône, et aux controverses religieuses en Pologne. En 1561, il représenta la Ville de Zurich au colloque religieux de Poissy, qui tenta vainement une union entre huguenots et catholiques. Rentré très affaibli de ce voyage en France, Vermigli tomba gravement malade et mourut.
Auparavant, en mai 1559, il avait épousé Caterina Merenda, réfugiée italienne originaire de Brescia; de cette union naquit une fille, Maria, après la mort de Vermigli. Son décès ne marqua pas la fin de son influence: comme l’ont établi des travaux récents, ses nombreux écrits (une partie d’entre eux furent rassemblés en 1576 par Robert Masson, et fréquemment imprimés depuis lors, sous le titre Loci communes) ont marqué durablement les protestants d’Europe et du Nouveau Monde — notamment par l’intermédiaire des Puritains.

Ch. Schmidt, Peter Martyr Vermigli. Leben und ausgewählte Schriften, Elberfeld, 1858 ; J. C. Me Lellend, The Visible Words of God. An Exposition of the Sacramental Theology of Peter Martyr Vermigli, A.D. 1500-1562, Edimbourg-Londres, 1957 ; P. Me Nair, Peter Martyr in Italy. An Anatomy of Apostasy, Oxford, 1967 ; K. Sturm, Die Théologie P. M. Vermigli. Während seines ersten Aufenthalts in Straßburg 1542-1547, Neukirchen, 1971 ; S. Corda, Veritas sacramenti. A study on Vermigli ‘s doctrin of the Lords Supper, Zurich, 1975 ; M. W. Anderson, A reformer in exile (1542 to 1562), Nieuwenkoop, 1975 ; R. Stupperich, Reformatorenlexikon, Gütersloh, 1984, p. 214-215 ; Frank A. James III, Peter Martyr Vermigli and Prédestination. The Augustinian inheritance of an italian Reformer, Oxford, 1998 ; J.-P. Kintz, « Strasbourg, cité refuge : mendiants, fugitifs, exilés », 350e anniversaire des Traités de Westphalie, Strasbourg, 1999, p. 488, 509 ; E. Campi, Petrus Martyr Vermigli (1499-1562). Europäische Wirkungsfelder eines italienischen Reformators », Zwingliana XXVII (2000), p. 29-46.

Matthieu Arnold (2002)