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VERMEIL Edmond Joachim

Universitaire, germaniste, (P méthodiste, puis libre penseur) (★ Vevey, Suisse, 29.5.1878 † Paris 14.4.1964). Fils de Joachim Vermeil, viticulteur, commerçant en vin et prédicateur méthodiste à Congénies, Gard, et de Sophie Chaudet, de Vevey. ∞ 1904 à Paris Madeleine Michel, fille d’André Michel, professeur au Collège de France, conservateur du Musée du Louvre et historien d’art, et d’Hélène Crosnier de Varigny ; 3 enfants dont Jacqueline ? René Paira ©. Vermeil grandit à Congénies. Son milieu familial méthodiste et son éducation piétiste expliquent, selon Roger Mehl ©, « son intérêt profond pour le mouvement des idées religieuses, sa rigueur morale et sa sévérité intellectuelle ». Son instituteur et le pasteur réformé du village convainquirent son père de l’envoyer au lycée de Nîmes. Alors qu’il se destinait au métier d’architecte, Vermeil s’orienta vers l’étude de l’allemand sous l’influence d’un de ses professeurs, Jules Isaac Rouge, qui fut beaucoup plus tard son collègue à la Sorbonne. Il passa la licence d’allemand à Montpellier. Après un premier séjour en Allemagne, il prépara l’agrégation à Paris, où il devint l’élève d’Henri Lichtenberger © et de Charles Andler ©. Reçu à l’agrégation en 1904, il fut lecteur à Gottingen, puis de 1907 à 1914, professeur à l’École alsacienne à Paris. Mobilisé en 1914 comme lieutenant, puis comme capitaine commandant une compagnie de mitrailleuses, il fut affecté en septembre 1917 au Deuxième Bureau (service de renseignements). Nommé à la faculté des Lettres de Strasbourg à partir d’avril 1919, il donna ses premiers cours en uniforme. Il fut nommé professeur titulaire de la chaire de civilisation allemande moderne en 1920. Son premier cours public fut consacré à l’œuvre et à la pensée de Richard Wagner. À partir de 1921, il enseigna également au Centre d’études germaniques à Mayence, transféré à Strasbourg à partir de 1930. Il joua un grand rôle au Comité alsacien d’études et d’information de Jules-Albert Jaeger ©, dont il dirigea la section allemande. Il y rédigeait une chronique allemande hebdomadaire dans L’Alsace française et dirigeait L’Allemagne contemporaine, bulletin d’informations politiques, économiques et culturelles publié à partir d’août 1926. Sa collaboration à de très nombreux périodiques (La Revue universelle, Le Correspondant, Revue des études coopératives, Le Christianisme social, L’Europe nouvelle, La Revue de Genève, L’année politique française et étrangère, L’union pour la vérité) et à la presse locale, où il traitait de l’actualité allemande, et même strasbourgeoise, le faisait considérer comme un journaliste, et non comme un savant, par certains de ses collègues historiens, ainsi Lucien Febvre © et Marc Bloch ©. Il milita aussi parmi les Compagnons de l’Université nouvelle, mouvement de rénovation pédagogique, dont il avait signé le premier manifeste paru le 9 février 1918. En 1932-1933, il fit un séjour d’études de six mois en Allemagne: il assista ainsi à l’effondrement du régime de Weimar, dont il avait analysé les faiblesses. Un de ses cours de 1933-1934 porta sur « Psychologie sociale et politique de l’Allemagne et du national-socialisme ». Dès l’arrivée de Hitler au pouvoir, il multiplia les mises en garde. Pierre Ayçoberry résume ainsi son analyse de l’histoire allemande : la combinaison entre la puissance des élites et les divagations d’un homme a engendré le IIIe Reich ; l’histoire allemande se résumait pour lui comme « le romantisme organisé » par l’esprit d’obéissance luthérien combiné avec l’appareil étatique prussien. « Organisés en nation, les Allemands deviennent insupportables ». « Vermeil va fournir à deux générations de Français leur image de l’Allemagne. Chez lui cette haine amoureuse résulte sans doute d’une profonde déception devant la montée de la barbarie dans le pays de Goethe. Mais il renforce ses lecteurs et les lecteurs de ses lecteurs dans les trompeuses certitudes de la psychologie intemporelle des peuples ». Chargé d’un cours à Paris en 1930, il fut candidat à la chaire d’Andler au Collège de France en 1933, mais celle-ci fut attribuée à Ernest Tonnelat, auquel il succéda à la Sorbonne en 1934. Il s’engagea désormais politiquement dans le camp de la Gauche antifasciste et antiraciste : il fit partie du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et, en décembre 1936, il signa une pétition pour l’Espagne républicaine. Animateur de la revue Races et racismes, il participa aussi aux cours de l’« Université allemande libre » à Paris. En juin 1940, il se réfugia à Congénies. Il ne rentra pas à Paris occupé par les Allemands, où sept de ses ouvrages furent interdits et mis au pilon dès septembre 1940, et il fut mis à la disposition de la faculté des Lettres de Montpellier, où il retrouva Marc Bloch en 1941. Il y participa au mouvement de résistance « Liberté » qu’animaient les professeurs Pierre-Henri Teitgen et René Courtin. Suspendu, puis révoqué par le gouvernement de Vichy en 1942, poursuivi par la Gestapo, il entra dans la clandestinité et fut caché par des amis, dans le Tarn, puis à Lyon chez son collègue Maurice Colleville. Ayant réussi à gagner Londres, il y représenta en août 1944 le gouvernement provisoire de la République française à une session de la Conférence des ministres de l’Éducation des pays alliés consacrée à la rééducation des Allemands. Il s’y montra particulièrement inquiet de l’avenir des jeunes, âgés de 14 à 25 ans et de la possibilité même de les rééduquer. Après la Libération de Paris, il retrouva son appartement pillé : sa bibliothèque, ses fichiers et ses notes avaient été emportés en Allemagne. En 1945, il fut désigné pour la présidence de la Commission de rééducation du peuple allemand créée par le ministère des Affaires étrangères : il rédigea un rapport sur ce sujet d’avril à juin 1945 préconisant une épuration sévère du corps enseignant avant toute réouverture des écoles et des universités. Comme il avait beaucoup d’influence sur Raymond Schmittlein, directeur de l’Éducation publique de la Zone française d’occupation, son rôle dans la politique française en Allemagne fut important. Il prit sa retraite en 1951, mais continua son cours sur l’Allemagne contemporaine à l’Institut d’études politiques de Paris jusqu’en 1954. L’âge et les infirmités ne lui permirent pas d’achever un grand ouvrage sur Nietzsche. Ses archives de la période 1916-1928 ont été retrouvées à Moscou.

Jean André Möhler et l’école catholique de Tubingue (1815-1840), étude sur la théologie romantique en Wurtemberg et les origines du modernisme, thèse principale, Paris, 1913 ; L’Allemagne contemporaine, Paris, 1919 (rééd. 1925) ; « La question d’Alsace-Lorraine », Bulletin de la presse allemande du 10.9.1921 ; « Le problème confessionnel en Allemagne (étude critique) », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 1921, p. 383-385 ; La philosophie religieuse d’Ernest Troeltsch, Strasbourg, 1923 (rééd. 1990) ; La Constitution de Weimar et le principe de la démocratie allemande. Essai d’histoire et de psychologie politiques, Strasbourg, 1923 ; Les origines de la guerre et la politique extérieure de l’Allemagne au début du XXe siècle, Paris, 1926 ; « L’autonomisme alsacien et ses horizons européens », L’Alsace française du 27.3.1926 ; « Conférence au Cercle Jean Macé sur l’enseignement des langues vivantes », Journal d’Alsace-Lorraine du 26.3.1928 ; « Discours de distribution des prix au lycée Kléber », Dernières Nouvelles de Strasbourg du 13.7.1928 ; « À propos de l’étudiante alsacienne », Revue de la femme, décembre 1928 et Journal d’Alsace-Lorraine du 31.1.1929 ; « L’avenir de la musique à Strasbourg », Journal de l’Est du 4.2.1929 ; Beethoven, Paris, 1929 ; Goethe à Strasbourg, Strasbourg, 1932 ; L’Allemagne du Congrès de Vienne à la Révolution hitlérienne, Grandeur et décadence du IIe Reich, Paris, 1934 ; « Charles Andler », Union pour la vérité, octobre-novembre 1935, p. 3-99 ; Les doctrinaires de la Révolution allemande, Paris, 1938 (rééd. 1948) ; L’Allemagne, essai d’explication, Paris, 1939 (rééd. 1945) ; Hitler et le christianisme, Paris, 1940 ; « Le problème allemand, vue d’ensemble », E. Vermeil (dir.), Quelques aspects du problème allemand, Paris, 1945, p. 17-96 ; « Les Alliés et la rééducation des Allemands », Politique étrangère, décembre 1947, p. 599-622 ; « Notes sur la rééducation en zone française », H. Liddell, E. Vermeil, B. Suchodolski, L’éducation de l’Allemagne occupée, Paris, 1949, p. 57-69 ; E. Vermeil, etc… (dir.), Les Églises en Allemagne, Paris, 1949 ; L’Allemagne contemporaine, sociale, politique et culturelle 1890-1950, 2 vol., Paris, 1953-1954; « Nachbetraohtungen zur Institutseröffnung », H. M. Bock (dir.), Projekt deutsch-französische Verständigung. Die Rolle der Zivilgesellschaft am Beispiel des deutsch-franzäsischen Instituts in Ludwigsburg, Opladen, 1998. Travaux de l’Université de Strasbourg pendant l’année scolaire 1919-1920, Strasbourg, 1921, et ibidem jusqu’à 1933-1934; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, Alsatia, III, p. 191 ; A. Meyer, « Les germanistes français et l’Allemagne », Deutschland-Frankreich, n° 1, Paris, 1942, p. 68, sq. ; Grand Larousse encyclopédique, t. 7, 1963, non paginé ; « Une vie exemplaire: Edmond Vermeil », Réforme du 25.4.1964 (reproduit dans Allemagne. Bulletin trimestriel d’information du Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle, mai 1964) ; B. Lavergne, « In memoriam : Edmond Vermeil », L’année politique et économique, 1964, p. 242-243 ; R. Mehl, « Edmond Vermeil », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, XLIV, 1964, p. 263-265; R. Minder, « Nécrologie », Annales de l’Université de Paris, 1964, p. 606-610 ; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919-1936, Paris, 1969 (index) ; A. Gisselbrecht, « Quelques interprétations du phénomène nazi en France entre 1933 et 1939 », Les Relations franco-allemandes 1933-1939, Paris, 1976, p. 151-167; L. Mysyrowicz, « L’image de l’Allemagne à travers les publications françaises des années 1933-1939 », même ouvrage ; P. Ayçoberry, La question nazie. Les interprétations du national-socialisme 1922-1975, Paris, 1979 (en particulier p. 68-73) ; J.-M. Valentin, « La germanistique à Strasbourg après 1919: Ernest Tonnelat et Edmond Vermeil », Ch.-O. Carbonell et G. Livet, Au berceau des Annales, Toulouse, 1983, p. 29-32 ; J. Droz, Histoire de l’antifascisme en Europe 1923-1939, Paris, 1985 (index) ; P.-H. Teitgen, « Faites entrer le témoin suivant », 1940-1958. De la Résistance à la Ve République, Rennes, 1988, p. 30, 36, 43 ; P. Gruson, « Un aspect du développement de la germanistique française dans l’entre-deux-guerres. Les travaux d’Edmond Vermeil », M. Parisse (dir.), Les échanges universitaires franco-allemands du Moyen Age au XXe s., Paris, 1991, p. 203-238 ; ; Chr. Charle, La République des universitaires 1870-1940, Paris, 1994, p. 219, 220, 222, 314 ; C. Defrance, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin 1945-1955, Strasbourg, 1994 (index) ; M. Bloch, L. 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Léon Strauss et Monique Mombert (2002)