Évêque de Bâle (★ 1410 † Porrentruy 20.12.1478 ; inhumé à la cathédrale de Bâle). Fils de Hans von Venningen († 1432, au service du comte palatin), et de Margarethe von Lustadt († 1450), plusieurs frères dont Jost, maître de l’Ordre teutonique. Un neveu, Georg, adoubé à la bataille de Morat (1476) ; une nièce Margrede, moniale à Liechtenstein. Issu d’une famille noble du Kraichgau très présente dans l’entourage des comtes palatins, Venningen étudia à Heidelberg, puis obtint un canonicat à Spire (1433) qu’il cumula ensuite (1439) avec une prébende au chapitre cathédral de Bâle. Il fut élu le 17 mai 1458 au siège épiscopal laissé vacant par la mort d’Arnold de Rotberg, après avoir manqué de peu, en sa qualité de doyen (Domdekan) une première élection à Spire, où l’un de ses parents, Siegfried von Venningen, allait à son tour devenir évêque (1456-1459). Considéré comme l’un des membres le plus éminents du haut clergé rhénan acquis aux idées de réforme de l’Église, « grand et saint évêque » suivant l’historien L. Vautrey, il fut le véritable promoteur de l’Université de Bâle dont il obtint la bulle de création par le pape Pie II le 12 novembre 1459 et dont il présida l’ouverture solennelle l’année suivante (4 avril 1460), nommant à sa tête son premier recteur dans la personne de Georg von Andlau ©, annonçant l’établissement durable d’un centre intellectuel, illustré, dès 1470, par l’installation d’une première imprimerie. Son épiscopat fut marqué par un certain nombre d’initiatives dans les domaines disciplinaires ou institutionnels. Ainsi, dès 1463, il accepta l’usage du beurre par les fidèles pendant le temps du carême, puis instaura des indulgences pour les visiteurs ou pour les bienfaiteurs de la cathédrale de Bâle. De même, il encouragea le rétablissement de la règle la plus stricte dans les couvents dominicains de Guebwiller et clarifia le fonctionnement du chapitre de Saint-Ursanne. La remise en ordre du diocèse fut son oeuvre majeure, notamment avec la rédaction des nouveaux statuts du doyenné du Sundgau (1466), puis de statuts- synodaux plus larges (v. 1470) et un fonctionnement plus serré du tribunal diocésain. La Bibliothèque de Porrentruy conserve un Liber benedictionum, ordinatiorium et consecrationum qu’il fit réaliser vers 1460.
En tant que prince d’Empire, confirmé dans ses prérogatives (1460, 1471) par Frédéric III, qu’il reçut notamment à Bâle en septembre 1473, Venningen joua un rôle de premier plan à l’échelle régionale. Il stabilisa ses droits face au chapitre de Moutier-Granval, alors dirigé par le prévôt Johann von Fleckenstein, en acceptant l’arbitrage des Bernois et des Soleurois, puis clarifia la situation de Bienne, déjà en partie dans la mouvance de Berne, en sollicitant l’appui du margrave Rodolphe de Hochberg, comte de Neuchâtel (1470). L’apurement de ces vieux conflits lui permit de mener une politique plus active, aussi bien vis à vis de ses vassaux (renouvellement des fiefs des Morimont en 1468), qu’à l’égard des puissances voisines, proposant ses bons offices à la suite de l’invasion de l’Alsace autrichienne par les Confédérés suisses (juin-juillet 1468). En tant que seigneur temporel, il préféra l’affermissement de ses possessions du nord du Jura à un rétablissement effectif de ses droits sur la ville de Bâle, désormais considérée (par l’empereur) comme une ville d’Empire. Une mobilisation financière du diocèse (notamment des maisons religieuses) lui permit de racheter Porrentruy, détenue en gage par les comtes de Montbéliard, puis par les Wurtemberg pendant 75 ans (1461) : il en fit restaurer le château (1465) qu’il dota d’une chapelle (1478). À l’extinction des nobles de Ramstein (1459), la reprise de la seigneurie de Zwingen lui permit de consolider ses positions au nord du Jura, passant en outre de nouveaux accords avec Soleure et accordant de nouveaux privilèges aux bourgeois de Delémont et de Saint-Ursanne. Du fait de sa situation de part et d’autre de la limite linguistique et à la rencontre du temporel et du spirituel, Venningen fut particulièrement exposé aux convoitises de Charles le Téméraire entre 1469 et 1474. En 1473, des instructions adressées au bailli Pierre de Hagenbach © avaient prévu son remplacement par l’un des plus proches conseillers du duc, Antoine Haneron, et, par conséquent, l’intégration de ses territoires dans le « Grand-duché d’Occident ». S’il dénonça d’abord les empiètements bourguignons en matière de juridiction, comme le rapportent le chanoine Johann Knebel et son collègue bâlois Nicolaus Gerung, il ne tarda pas à s’engager plus activement dans la coalition formée en mars 1474 par l’archiduc Sigismond ©, ses alliés de la Basse-Union et les Confédérés suisses et à participer aux opérations militaires subséquentes. Commandés par des gentilshommes venus d’Alsace, Jacob Reich von Reichenstein, puis Hermann Waldner © et Vincenz von Uttenheim, ses contingents se distinguèrent au cours de l’automne 1474 à Franquemont et la Montagne de Trévilliers, puis prirent part à des accrochages avec les avant-postes bourguignons au cours du printemps suivant (capture de deux sires de Montjoie). La conquête du Haut-Jura lui permit d’envisager l’occupation de la seigneurie de Trévilliers, malgré la résistance de Maîche, qui ne capitula qu’en février 1477, mais ne se traduisit pas d’une manière durable. Seule compensation, l’annexion de Franquemont et le retour d’une poignée de villages échangés contre la place-forte de Blamont. Le véritable bénéfice de cette politique fut le rétablissement de l’ordre dans un secteur fragile et l’affermissement de la principauté épiscopale centrée sur Porrentruy et connue sous le nom d’« évêché de Bâle » (par opposition avec le diocèse, situé hors de ce territoire). Venningen peut être tenu pour le fondateur de ce petit État dissous en 1793.
L. Vautrey, Histoire des évêques de Bâle, t. III, Einsiedeln, 1886; J. Stoecklin, Johann VI von Venningen, Bischof von Basel, Soleure, 1902; H. Stein, « Un diplomate bourguignon du XVe siècle, Antoine Haneron », Bibliothèque de l’École des chartes, 1936 ; J.- P. Prongué, « La Montagne (Chauvilliers, Franquemont, Saint-Ursanne) dans les Guerres de Bourgogne », Le pays de Montbéliard et l’ancien évêché de Bâle dans l’Histoire, Soc. d’émulation de Montbéliard et Société jurassienne d’émulation, 1984 ; P. Pégeot, J.-P. Prongué, « Contribution à l’étude du clergé paroissial rural à la fin du moyen âge : les prêtres du Sundgau », Revue d’Alsace, t. 115, 1989 ; K. Andermann, « Die Jahrzeit Johanns von Venningen († 1478). Zur Biographie des Speyerer Domdekans und Basler Bischof », Palatia Sacra. Festschrift A. Doll, Mayence, 1994.
Georges Bischoff (2002)