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VENER

Famille souabe dont plusieurs membres jouèrent un rôle actif dans l’histoire politique et ecclésiastique de l’Empire germanique et de l’Église à partir du XIVe siècle. Originaires de Schwäbisch-Gmünd, Wurtemberg, où les Vener détenaient l’office de jaugeage et de chargement (Eich- und Ladamt) comme fief d’empire, des membres de la famille vécurent à Strasbourg à partir de 1371, Spire, Heidelberg et Constance. L’apogée de l’activité culmina en la personnalité du protonotaire royal Job Vener.

  1. Reinbold l’aîné,

official de 1371 à 1393, puis avocat de l’officialité de Strasbourg (★ Schwäbisch-Gmünd † Strasbourg sans doute 14.11.1408). ∞ I vers 1363 Caecilia NN ; 5 enfants : Reinbolt © 2, Job © 3, Yvo © 4, Bernhard © 5 et Lya (pour Caecilia). ∞ II Margareta Spatzinger, une parente de Werner Spatzinger, secrétaire de la ville de Strasbourg : sans enfants. En plus, un enfant naturel : Johannes (Heimpel I, p. 132). Fit des études à Paris où il fut reçu magister en 1356. Il y exerça la fonction de procurator de la Natio anglica (Alémanie), à partir du 13 janvier 1357, et de nouveau à partir du 18 mars 1358, chaque fois pendant deux mois. En 1359, il se rendit à Bologne où on le trouve procurator de la nation germanique en 1360. Le 28 novembre 1362, le pape Urbain V réserva au jeune maître ès arts et étudiant en droit canon, un bénéfice allouable par le doyen de Saint-Pierre-le-Jeune. De retour à Strasbourg et n’ayant reçu que les ordres mineurs, Reinbold se maria. Il est mentionné comme official de l’évêché de Strasbourg à partir du 2 décembre 1371, comme chanoine de Saint-Pierre-le-Jeune (25 février 1378) et comme chanoine de Saint-Thomas (17 novembre 1378). Comme official, Reinbold fut mêlé de près à toutes les difficultés suscitées par la conduite des évêques Friedrich von Blankenheim © et Wilhelm von Diest ©, remous contradictoires entre évêques et chapitre cathédral, entre évêques et ville, entre chapitre cathédral et chapitres de Saint-Thomas et de Saint-Pierre-le-Jeune, et vécut les malheurs du Grand Schisme. Reinbold eut encore la malchance d’être emmené prisonnier au château de Lichtenberg dans la nuit du Nouvel An 1394 par deux chanoines, Ulrich et Sigmund, issus du lignage des Lichtenberg ©. Libéré après le 22 août 1394 contre paiement d’une forte rançon, Reinbold perdit sa fonction d’official. Il devint désormais avocat des tribunaux ecclésiastiques de Strasbourg (advocatus curiarum iudicialium ecclesiarum argentinensium), fonction que son frère, Nicolaus, exerçait à Constance. R. était aussi mêlé à la haute politique de l’Empire. Avec son fils, Job © 3, il soutint activement le nouveau roi Ruprecht le Palatin, successeur du roi Wenceslas, destitué, dont son ami Raban, évêque de Spire, était devenu le chancelier. Reinbold est probablement l’auteur des nouveaux statuts de l’officialité, rédigés en 1388, des plaintes de l’évêque Friedrich von Blankenheim, de février 1393, et des Suffragia legum dont on ne connaît pas la date de rédaction. Dans sa vieillesse, Reinbold réussit encore à acquérir des biens fonciers autour de Strasbourg en faveur de ses enfants et de son neveu et filleul Reinbolt Schlecht qui devint chanoine et chantre (cantor) de Saint-Pierre-le-Jeune et qui, comme chroniqueur, continua les Flores temporum franciscains.

  1. Reinbold le jeune,

juriste et professeur à Heidelberg (★ Strasbourg vers 1375 † Strasbourg après 26.10.1437). Fils de 1 et de Cecilia NN. Avait reçu les ordres mineurs et s’était marié en 1424. Son nom apparaît pour la première fois dans un document du 30 mai 1401 : le roi Ruprecht von der Pfalz y présente la candidature de Reinbold pour une prébende de la cathédrale. Le 23 juin 1403, on trouve Reinbold maître es arts à l’Université de Heidelberg. Du 23 juin au 20 décembre 1406, il était doyen de la faculté des Arts, et le 5 février 1408, Reinbold est cité comme bachelier en droit canon. Entre 1405 et 1410, il apparaît à plusieurs reprises comme examinateur. Le 19 avril 1409, Reinbold était à Pise où il signa comme premier témoin un appel de Conrad von Soest, professeur de théologie à Heidelberg, contre le concile de Pise. Par la suite, il fit partie d’une ambassade envoyée auprès du pape Grégoire XII à Rimini par le roi Ruprecht. Le 1er décembre 1411, il était de retour à Heidelberg. Il obtint alors la licence en droit canon et fit fonction de doyen à l’Université pendant six mois à partir du 23 juin 1412. En 1413, on apprend qu’il était prévôt du chapitre Saint-Étienne hors les murs de Wissembourg. Entre 1408 et 1417, il était aussi attesté comme détenteur d’une prébende à Saint-Germain hors les murs à Spire. En 1416, Reinbold fit partie de la délégation de l’Université de Heidelberg au concile de Constance. La même année, il négocia, comme secrétaire du comte palatin Ludwig, avec le roi Sigismond, qui séjournait en Angleterre. À l’instar de son père et de son frère Job © 3, Reinbold obtint le 8 décembre 1417, un canonicat et une prébende à Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg. En 1418, il sollicita auprès du pape Martin V également un canonicat auprès du chapitre Saint-Thomas, convoité par Bertold von Wildungen. Malgré ses multiples occupations à Heidelberg, à Strasbourg et ailleurs (conseiller du comte palatin Ludwig, conseiller juridique de la ville d’Augsbourg en contestation avec son évêque Anselm), Reinbold garda des liens avec son pays d’origine, Gmünd, où il exerça au moins temporairement en 1419 les fonctions d’avocat du couvent des Dominicaines de Gotteszell. En 1422, il occupa aussi temporairement le poste d’official à Strasbourg. En tant que tel, il vidima, sur la demande du secrétaire de la Ville, le traité de Spire, conclu la même année, qui mit fin à la guerre dite de Dachstein et aux démêlés sanglants entre l’évêque et la Ville qui coûtèrent jadis le poste d’official à son père. En 1425, Reinbold scella comme témoin la copie vidimée de la confirmation impériale des privilèges de la Ville du 1er novembre 1328. Enfin, au concile de Bâle, Reinbold défendit les intérêts du chapitre cathédral de Strasbourg et ceux de l’évêque Raban de Spire qui convoitait l’archevêché de Trêves à Ulrich von Manderscheid, défendu par Nicolaus von Cues. Son nom apparaît pour la dernière fois le 26 octobre 1437. Pendant toute sa vie, Reinbold travailla à l’ombre de son frère Job dont le nom est toujours lié et cité avec le sien.

  1. Job,

protonotaire dans la chancellerie royale de Ruprecht von der Pfalz (★ Strasbourg vers 1370 † Spire 9.4.1447). Frère de 2. Célibataire. Détenteur des ordres mineurs. Études à Paris avant 1387, à Heidelberg et à Bologne (1393) où il fut reçu licencié en droit vers 1395-1397 à l’unanimité du jury (quia valde valens). Très doué et bénéficiant des relations de son père, Job commença sa carrière comme protonotaire dans la chancellerie du roi Ruprecht le Palatin, dirigée par l’évêque Raban de Spire. Il se révéla tout de suite comme un éminent juriste et un excellent diplomate. Dès 1401, il fut envoyé à Chambéry pour négocier avec le comte Amédée de Savoie le soutien de celui-ci en vue du couronnement du roi Ruprecht à Rome ; en été de la même année, il obtint au château de Collioure, Pyrénées-Orientales, du roi d’Aragon- les galères nécessaires au nouveau roi ; profitant d’un arrêt du cortège royal à Padoue en 1402, il se rendit à Bologne pour y recevoir le diplôme de docteur utriusque juris ; fin août 1402, il eut des entretiens au Louvre, à Paris, avec la reine Isabeau; en novembre 1403, il s’entretint des problèmes italiens avec le duc Frédéric d’Autriche. Il prépara en septembre 1410 l’élection du roi Sigismond. Parallèlement aux questions politiques, liées à la réforme de l’Empire, Job s’occupa activement de la réforme de l’Église aux conciles de Pise (1409), de Constance (1414-1418) et de Bâle (1431-1439). La renommée de Job était telle qu’au premier tour du scrutin du conclave qui devait aboutir à l’élection du pape Martin V, il obtint toutes les voix de la natio germanica ! Les propositions qu’il fit en vue de la réforme du tribunal de l’Inquisition reflètent la peur que Job éprouvait devant cette institution. Job ressentit une grande admiration pour Bernard de Clairvaux : il annota les sermons de ce dernier sur le Cantique des Cantiques. Il traduisit en allemand son traité sur les Templiers. Il annota également d’arguments juridiques le traité réformateur du théologien Matthieu de Cracovie. Lors de la dispute pour le trône de l’archevêché de Trêves, Job défendit la candidature de l’évêque Raban de Spire contre celle d’Ulrich von Manderscheid, défendu par le jeune Nicolaus von Cues. À Bâle, Job intervint sur la demande du provincial Johann Nider en 1430 contre l’exploitation des paysans des alentours de la Ville par la bourgeoisie bâloise. Rappelons que Job fut aussi un bienfaiteur de la chartreuse de Bâle à laquelle il offrit, en 1414, son magnifique exemplaire de l’Historia ecclesiastica de Petrus Comestor, rédigée entre 1169 et 1173. Job passa les dernières années de sa vie à Spire.

  1. Yvo,

prêtre, chanoine de Saint-Pierre-le-Jeune (★ Strasbourg milieu ? du XIVe s. † Strasbourg début septembre 1421). Frère de 3. Yvo obtint en 1400 la cure de Truchtersheim de l’abbé de Neuwiller, sans encore avoir l’âge canonique de 25 ans. En 1405, il fut immatriculé gratuitement à l’Université de Heidelberg comme clerc du diocèse de Strasbourg en référence à maître Job © 3.

  1. Bernhard,

domicilié à Strasbourg au plus tard à partir de 1409. ? Margaretha Zorn-Heilant (charte de l’Œuvre Notre-Dame, Sermersheim 27 avril 1442). Le comte palatin Ludwig III intervint auprès de Hans Heilmann, ancien ammeistre, en faveur de Bernhard qui avait en 1411 des démêlés non autrement précisés. À partir de 1422, et de nouveau en 1442, Bernhard est détenteur du Eich- und Ladamt à Gmünd. Il participa à l’attaque de l’évêque Wilhelm von Diest à Molsheim le 3 décembre 1415. Ce Bernhard. n’est sans doute pas identique au Bernhard triumvir de la Tour aux Pfennigs en 1441 (Archives municipales de Strasbourg, III 86/9), constofler et membre du grand sénat en 1337, 1446, 1469, 1473 et 1474. Bernhard figure aussi sur la liste des Strasbourgeois mobilisés contre les Armagnacs en 1444. Détenteur du Trinkstubenrecht zum Brief (droit de fréquenter le poêle noble à l’enseigne zum Brief, charte du 28 avril 1447).

Ch. Schmidt, Histoire du chapitre de Saint-Thomas de Strasbourg…, Strasbourg, 1860, p. 26-38 ; Urkundenbuch der- Stadt Strassburg, t. 2, 1886, p. 442 ; t. 5, 1896, p. 956 ; t. 7,1900, p. 687 ; P. Ristelhuber, Heidelberg et Strasbourg, Recherches biographiques et littéraires sur les étudiants alsaciens immatriculés à l’Université de Heidelberg de 1386 à 1662, Paris, 1888, p. 1-2 ; idem, Strasbourg et Bologne. Recherches biographiques et littéraires sur les étudiants alsaciens immatriculés à l’Université de Bologne de 1289 à 1562, Paris, 1891, p. 90 et 99 ; L. Pfleger, Kirchengeschichte der Stadt Strassburg im Mittelalter, Colmar, 1941, p. 133, 207 ; H. Heimpel, « Der Benediktiner und Kanonist Nikolaus Vener aus Gmünd, Vorbericht zur Geschichte einer deutschen Juristen Familie des 14. und 15 Jh. », Savigny-Zeitschrift für Rechtsgeschichte 84, Kan. Abt. 1967,p. 46-76 ; idem, « Stadtadel und Gelehrsamkeit », Die Vener von Schwäbisch- Gmünd und Straßburg 1162-1447, Festgabe für G. Tellenbach, 1968, p. 417-435 ; H. Heimpel, « Die Vener von Schwäbisch Gmünd und Straßburg und die Anfänge der Basler Kartause », Basler Zeitschrift fur Geschichte und Altertumskunde, Bd. 69, 1969, p. 85-102 ; P. Levresse, L’Officialité de Strasbourg, de ses origines à son transfert à Molsheim (1248-1597), thèse de doctorat…, Institut de droit canonique…, Strasbourg, 1972 (dactylogr.) ; F. Rapp, Réforme et Réformation à Strasbourg… (1450-1525), Paris, 1974, p. 539 (passim) ; H. Heimpel, « Die Vener von Gmünd und Strassburg (1162-1447), Versuch einer Familiengeschichte aus Wiener Hs », in Anzeiger der phil.-hist. Klasse der Osterreichischen Akademie der Wissenschaften, 115. Jg., 1978, 15 p. ; idem, Die Vener von Gmünd und Strassburg 1162-1447, 1982, 3 vol. ; Ph. Dollinger, « Les plus anciens portraits connus d’Alsaciens: Job et Reinbold Vener (1426) », Saisons d’Alsace, t. 30, 1986, n° 93, p. 136-140; M. Alioth, Gruppen an der Macht. Zünfte und Patriziat in Strassburg im 14. und 15. Jh..., Bâle, Francfort /M., 1988, p. 245, 549 ; Lexikon des Mittelalters VIII, 1997, col. 1472 (Job).

† François-Joseph Fuchs (2002)