Intendant d’Alsace, (C) (★ Nantes 11.11.1684 † Paris 16.8.1770). Son père était secrétaire du roi, grand audiencier de France. Études et carrière classiques: conseiller au Grand Conseil à 23 ans (1707), maître des requêtes (1722), intendant à Moulins (1729), intendant de Franche-Comté (1738), intendant d’Alsace (1744-1750), conseiller d’État (depuis le 21 juillet 1750). À sa mort, il laissait vacants deux bureaux, l’un de finances, l’autre « connu sous le nom de Compagnie des Indes ». Succédant à Julien Louis Bidé de La Granville qui n’était resté qu’un an, Vanolles apportait à Strasbourg l’expérience de la Franche-Comté : à Besançon ville capitale, archiépiscopale et vieille cité impériale, s’opposait Strasbourg qui échappait à sa juridiction mais où il résidait, cité luthérienne à reconquérir au catholicisme et ancienne république marchande aux traditions bien établies. Y régnait François Joseph de Klinglin ©, préteur royal, protégé du ministre de la Guerre, d’Argenson, dont dépendait la province. L’activité de Vanolles, administrateur scrupuleux, allait s’exercer surtout dans les domaines d’ordre militaire et économique. La guerre de la Succession d’Autriche battait son plein. Le 5 octobre 1744, le roi Louis XV faisait son entrée dans Strasbourg où Vanolles le recevait aux côtés du gouverneur, de l’évêque et du préteur royal qui avait organisé, avec l’appui de la bourgeoisie, la réception. Le calme fut maintenu jusqu’à la paix d’Aix-la-Chapelle, mais les questions de ravitaillement des troupes et des garnisons posèrent des problèmes journaliers à l’intendant. De plus longue échéance étaient les questions relatives aux grains, aux forêts, aux impôts, aux assemblées, aux constructions, à la santé et à la culture. Sans acrimonie, l’intendant s’inscrivit dans la ligne politique définie par ses prédécesseurs, mais s’abstint de participer aux intrigues et dissipations menées par le préteur royal comme à leur châtiment, besogne que mena à bien sous successeur Mégret de Sérilly ©. La régulation des marchés lui incombait. Pour rétablir la fréquentation des marchés d’Alsace, il interdit les livraisons à l’étranger (ordonnance du 19 décembre 1746), notamment pour les marchés de Huningue et de Habsheim, fréquentés par les Suisses. Il lutta contre la fraude et la contrebande. Les communautés le sollicitèrent pour que soit interdite la culture de la vigne dans la plaine, ce qui privait la province de ressources en grains. Les forêts étaient l’objet d’une exploitation quasi anarchique, à l’image de la mosaïque politique territoriale que constituait la province répartie en sept subdélégations. Dès 1745, Vanolles prescrivit l’arpentage des forêts communales: le règlement du 9 décembre fit obligation aux communes de fournir un plan et de préciser l’usage des forêts, souvent mises en coupe réglée par les négociants hollandais. Un règlement forestier fut mis au point. Les impôts, levés par les baillis en place, contrôlés par les subdélégués, virent la création en 1749 par le Contrôleur général des finances, du vingtième, qui se substituait au dixième et supposait un effort de recensement et de statistique. Aux assemblées des habitants, Vanolles préférait un régime représentatif avec des attributions plus limitées. Les juifs, soumis à l’ordonnance du 15 mai 1744, furent exemptés de la corvée des routes. L’environnement ne fut pas négligé: dégagement des eaux de la Souffel, obstruée. Contre la pollution, il proscrivit le rouissage dans les eaux paisibles et limita au rez-de-chaussée l’emploi de la pierre dans les nouvelles constructions fidèles au colombage traditionnel. Il lutta contre les dégradations commises par les riverains du Rhin, qui profitaient des déplacements successifs de son cours, et distribua, de la part d’Orry, contrôleur général, aux « pauvres et aux malades de la campagne » les remèdes d’Helvétius, « soit par les Sœurs grises, où il y en a d’établies, soit par des personnes les plus intelligentes et les plus charitables » : 12 boites étaient envoyées en 1744, une treizième en supplément; le quinquina supprimé, Helvétius l’ajouta à ses frais. Restaient la thériaque, le Lilium de Paracelse et l’onguent de Nuremberg « pour les plaies, clous, panaris, ulcères… ». L’ordonnance du 24 mars 1750 organisait, dans la campagne alsacienne, la mobilisation générale contre les souris qui ravageaient les récoltes.
De Boug, Recueil des édits, déclarations, lettres patentes, ordonnances d’Alsace, II ; Service historique de l’Armée de Terre, Al 3395 (Mémoire concernant les limites de la province d’Alsace) ; Archives municipales de Strasbourg, archives du préteur royal ; Archives départementales du Haut-Rhin, C 1101 et Archives départementales du Bas-Rhin (cotes in J.-M. Boehler) ; R. Reuss, Histoire de Strasbourg, p. 312-313 ; G. Livet, « Les intendants d’Alsace et leur œuvre », Deux siècles d’Alsace française, 1948, p. 79-131 ; M. Antoine, Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, Paris-Genève, 1970, p. 231, 257, 308 ; S. Pillorget, Claude-Henri Feydeau de Marville, lieutenant-général de police de Paris 1740-1747, Paris, 1978, p. 50-51, n. 42 ; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, p. 331-332 ; V. Chappuis, « François Bernardin Noblat (1714-1792), « commissaire aux limites » de la Province d’Alsace », Revue d’Alsace, n° 118, 1992, p. 50 ; idem, « Les baillis de département au XVIIIe siècle… », Revue d’Alsace, n° 121, 1995, p. 90 ; J.-M. Boehler, La paysannerie de la plaine d’Alsace, index, III, Strasbourg, 1995, p. 2435 (p. 93 : reproduction de l’ordonnance concernant les souris) ; C. Brossault, Les intendants de Franche-Comté, 1674-1790, Paris, 1999 ; A. J. Lemaître, « L’intendance en Alsace, Franche-Comté et Lorraine aux XVIIe et XVIIIe siècles », Annales de l’Est n° 2, 2000, p. 205-231.
† Georges Livet (2002)