Mécanicien, criminel, (C) (★ Brunstatt 6.10.1849† Paris 19.1.1870 ; inhumé à Ivry). Fils de Joseph Troppmann et de Françoise Fromm. Habitait Cernay. Monteur en machines textiles dans l’affaire de son père, Troppmann fut envoyé à Roubaix. Durant l’été 1869, il fit la connaissance de Jean Kinck, originaire de Buhl, Haut-Rhin. Au matin du 20 septembre 1869, le cultivateur Langlois se rendit sur son champ, dans la plaine de Pantin, près de Paris. Il fut surpris de voir son terrain fraîchement remué. Il fouilla un peu la terre et vit sortir une main ensanglantée. Il appela les autorités. Ce fut le début d’une des plus grandes affaires criminelles du Second Empire en France. Elle tint en haleine la population pendant des mois. Dans le champ « du père Langlois » l’on découvrit les corps affreusement mutilés de Hortense Roussel, enceinte de six mois, l’épouse de Jean Kinck et de ses cinq enfants : Émile (★ 1856), Henri (★ 1859), Achille (★ 1861), Alfred (★ 1863) et Marie (★ 1867). Quelques jours plus tard l’on trouva au même endroit le corps d’un autre fils, Gustave (★ 1853). Présentée comme la famille modèle, face au tueur, leurs restes furent inhumés en grande pompe à Tourcoing et le gouvernement fit ériger un monument. En l’absence de Jean Kinck, le mari, ce dernier fut suspecté, mais rapidement l’on interpella au Havre un jeune homme qui tentait de fuir en Amérique. Il fut arrêté et l’on découvrit qu’il s’agissait de Troppmann portant sur lui les papiers de Jean Kinck. Durant l’instruction, Troppmann affirma avoir agi avec des complices, sans jamais citer de noms. Il affirma avoir voulu installer un atelier de fausse-monnaie en Alsace. Il fut soupçonné d’être à la solde de la Prusse. Coup de théâtre : sur ses vagues indications, l’on découvrit, le 1er décembre 1869 dans la forêt d’UffhoItz, sur le chemin du Herrenfluh, le corps de Jean Kinck. Troppmann l’avait empoisonné, le 25 août 1869, dans la montée vers la ruine du Herrenfluh où il comptait installer l’atelier de fausse-monnaie. Le corps fut inhumé à Guebwiller. Le procès de Troppmann s’ouvrit dès le 28 décembre 1869 devant les assises de la Seine. Salle comble avec des gens du peuple, mais aussi le tout-Paris qui s’y pressa. L’instruction fut bâclée et, le 31 décembre 1869, Troppmann fut condamné à mort. Durant le procès, on opposa la vertu de la famille Kinck au vice de ce jeune ouvrier qui portait beau, toujours poli, mais qui viola l’ordre établi. Son pourvoi en cassation fut rejeté le 13 janvier 1870. Napoléon III © lui refusa la grâce le 18 janvier 1870 et Troppmann fut guillotiné, le lendemain matin, devant la prison de la Roquette. Une foule incommensurable y assista dont Yvan Tourgueniev, George Sand ou Maxime du Camp. Cette exécution publique provoqua un débat à la Chambre des députés (20 et 21 janvier 1870) visant à faire exécuter les condamnés à l’intérieur des prisons, mais aussi à l’abolition de la peine de mort. « Troppmann » est devenu dans la littérature et les faits divers un qualificatif : on cite des « Troppmann belges » ou des « Troppmann anglais » (cf. J. Egen, Les tilleuls de Lautenbach, p. 171 par exemple). Une stèle a été érigée en forêt d’UffhoItz, au lieudit nommé depuis « Kinkpfad » (Le patrimoine des communes du Haut-Rhin, Charenton-le-Pont, 1998, p. 163).
Livres : Mémoires secrets de Troppmann autographe et portrait, révélations nouvelles, préface de C. Virmaitre, A. Duquesne, Paris, 1870 ; H. Escoffier, Troppmann, Paris, s.d., [vers 1885] ; C. Bellanger et alii, Histoire générale de la presse française, t. Il, Paris, 1969, p. 361, 377 ; P. Drachline, Le crime de Pantin, Paris, 1985 (avec bibliographie). Revues : M. Perrot, « L’affaire Troppmann », L’Histoire, n° 30, janvier 1981, p. 28-37, et n° 35, juin 1981 avec compléments (nombreuses références bibliographiques, historiques, sources) ; F. Kermina, Historama, L’argent des autres, hors-série n° 4, juillet 1988. Film : Le cri coupé, téléfilm réalisé par M. Courtois, 1994. Théâtre : Qui a assassiné Jean Kinck ? Animation théâtrale de rue par le Foyer Saint-Erasme d’UffhoItz le 18 novembre 1990. Exposition : Souvenir d’un grand criminel, Bibliothèque municipale de Colmar, juin 1997. Musée : moulage de la main de Troppmann au Musée des collections historiques de la Préfecture de police à Paris. Publications : collection du Petit journal ; « Les exploits d’un monstre : Troppmann », Journal pour tous, vers 1900, gravures ; G. Leroy, extraits de la plaidoirie de Me Lachaud, avocat de Troppmann dans Traité pratique de la diction française, s.d. ; J. Baumann, » Der Kinckstein bei der Ruine Herrenfluh », D’r Elsasser Kalender, 1948 ; « Troppmann », bandes dessinées de P. Gordeaux avec des dessins de Chancel, dans France Soir, septembre 1950 ; « L’assassin du Herrenfluh par G. T. (Guy Trendel ?) », Le Nouvel Alsacien du 9.9.1983 avec compléments dans celui du 18-19.9.1983 ; V. Gramfort, « Les crimes de Pantin : quand Troppmann défrayait la chronique », Romantisme n° 97, 1997/3, p. 16-30 (avec bibliographie) ; L’Alsace des 3 et 25.5, 12.6.1997 (éd. de Colmar), 18.1 (éd. de Thann) et 22.11.1998, 26.9, 7 et 14.10.2000 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 15 et 20.6.1997.
Tharcise Meyer (2001)