Skip to main content

TRICART Jean Léon François

Professeur d’université (★ Montmorency, Val-d’Oise, 16.9.1920). Fils de François Tricart, cadre dans l’industrie chimique, et de Léa Cordonnier. ∞ 15.7.1944 Denise Casimir; 4 enfants. Études au lycée Rollin et à la faculté des Lettres à Paris. Affecté au Service géographique de l’Armée (1939-1940). Agrégé d’histoire et géographie en 1943, il a été professeur au Prytanée national de Briançon (1943-1944), puis au Prytanée militaire de La Flèche (1944-1945). Nommé assistant de géographie à la Sorbonne (1945-1948), il s’est lancé dans la recherche géomorphologique et a soutenu, dès 1948, sa thèse de doctorat d’État sur La partie orientale du bassin de Paris: c’est la première thèse consacrée en France à l’étude géomorphologique d’un bassin sédimentaire. Il a commencé alors sa longue carrière d’enseignant et de chercheur à l’Université de Strasbourg comme chargé de cours (octobre 1948), professeur sans chaire, puis professeur titulaire (1955) à la faculté des Lettres, dont il est devenu assesseur du doyen (1967-1970), ensuite à l’Université Louis Pasteur depuis 1971 où il a été longtemps membre du conseil scientifique. Il a occupé de nombreuses fonctions dans différents organismes nationaux et internationaux: secrétaire de la commission de géomorphologie périglaciaire (1952), président de la commission de géomorphologie appliquée de l’Union géographique internationale (1955-1969), consultant de l’UNESCO, du Programme des Nations Unies pour le développement (depuis 1969), président du Comité national français de l’INQUA (1976-1979), membre du Conseil supérieur des universités (1982-1983). Comme ses
recherches ont souvent un but pratique, il a créé, en 1956, le Centre de géographie appliquée et il en est resté le directeur jusqu’en 1985, date de son intégration dans le Centre d’études et de recherches éco-géographiques, nouvelle unité associée au CNRS. Les contacts et les missions d’études se sont multipliés, surtout en Afrique et en Amérique latine. Dans ce long parcours il a été notamment conseiller scientifique de la direction des travaux publics de l’AOF (1954-1960), expert de coopération technique du ministère des Affaires étrangères (depuis 1957), de la FAO (1968), conseiller de l’Institut de recherches d’agronomie tropicale, de Radambrasil (1975-1982), du comité national argentin pour l’aménagement des bassins-versants.

Grâce à cette activité inlassable, son œuvre est immense ; souvent novatrice, elle présente de multiples facettes et concerne de nombreux domaines de la géographie et des sciences de la nature. Ainsi il a été un des premiers en France à développer l’étude des mécanismes morphoclimatiques. Dans sa thèse d’État, il a déjà montré comment les multiples oscillations du climat pendant le Quaternaire ont engendré chacune un système d’érosion original auquel s’est adapté le relief avec ses pentes, ses sols superficiels, les profils de ses vallées et leur matériel alluvial. Ainsi se sont formées des terrasses climatiques qui sont devenues un élément majeur des recherches. Collaborateur principal au Service de la carte géologique de France, il a étudié et cartographié dans cette optique les « formations superficielles » de diverses régions. Dès 1950, il a fondé la Revue de géomorphologie dynamique, premier périodique français dans ce domaine, et l’a dirigée depuis lors, y publiant souvent des articles et de nombreux compte-rendus. Une mission de longue durée avec une équipe de jeunes chercheurs l’a amené, en 1954, dans le domaine tropical pour y étudier le delta du Sénégal à la demande d’un organisme d’aménagement. Il a établi une première carte géomorphologique de cette région et montré par différents articles l’intérêt d’un tel travail pour les études des pédologues, des agronomes et des ingénieurs ; un de ses élèves a poursuivi ces recherches dans le vaste ensemble des bassins du Sénégal et de la Gambie. Il a utilisé cette approche géomorphologique fondamentale, en l’améliorant sans cesse, dans le cadre de projets hydro-agricoles sur le Moyen-Niger au Mali, puis dans de nombreux pays d’Amérique du Sud et au Mexique. Ses recherches ont montré l’importance des fluctuations climatiques au Quaternaire dans le domaine tropical, avec la présence d’anciennes dunes au Sénégal et même en Amazonie. Dans le domaine hydrologique, il a étudié les crues dévastatrices de 1957 et leurs conséquences dans les bassins montagnards du Queyras et de l’Ubaye (Alpes françaises) et fait des investigations sur les ressources en eau au Pérou, au Chili, en Colombie, entre autres. Il a été aussi un des pionniers de la télédétection en géographie physique qu’il a expérimentée et appliquée, avec des collaborateurs, aussi bien en Alsace que dans certaines régions du Brésil. Une réflexion méthodologique, poursuivie au cours
de ces différentes missions, lui a permis d’acquérir une vue mieux intégrée et plus étendue du milieu écologique, indispensable pour l’aménager. Ainsi les intégrations binaires (géomorphologie/sols ou ressources en eau) ont abouti à l’approche systémique de l’éco-géographie, exposée dans un ouvrage de 1979, puis complétée dans un livre de 1994.

Par le nombre imposant et la grande diversité de ses travaux, il a marqué durablement de son empreinte, d’abord la géographie française, puis la géographie mondiale (680 publications : livres, articles et notes). Il a écrit des ouvrages de méthodologie pour l’enseignement supérieur et la recherche, dont un Traité de géomorphologie climatique et un Précis de géomorphologie en plusieurs volumes. Il a, en outre, collaboré à I’Encyclopaedia universalis et au Larousse du 20e siècle (rubrique géomorphologie). Il est depuis longtemps codirecteur des Annales de géographie, la plus ancienne revue géographique française, et membre des comités de rédaction de divers périodiques internationaux. Pédagogue et excellent conférencier, parlant couramment plusieurs langues, il a su montrer ses méthodes de recherche et exposer les résultats de ses travaux, aussi bien dans des stages de terrain ou des séminaires, que lors de congrès et des invitations de diverses universités ou académies. Chevalier de la Légion d’honneur, officier des Palmes académiques et nombreuses distinctions de pays européens et sud-américains ; il est notamment titulaire de la Busk Medal décernée par la Royal Geographical Society de Londres. Il a reçu le grade de docteur honoris causa des Universités de Lodz (Pologne) Salvador (Brésil) et Mérida (Venezuéla) et a été nommé membre de différentes sociétés savantes françaises et étrangères. Professeur émérite depuis 1987, Tricart poursuit ardemment ses recherches et continue les publications ; ainsi, à 80 ans il part encore pour des missions lointaines en Amérique latine ! Il a été l’initiateur et le moteur de la géographie physique et globale, enseignée à Strasbourg et appliquée avec ses élèves dans plusieurs continents.

Quelques travaux et ouvrages: « Méthode d’étude des terrasses, Bull. Soc. Géol. Fr., t. 17, 1947, p. 560-575 ; « Premier essai sur la géomorphologie et la pensée marxiste », La Pensée, 1953, n°47, p. 62-72 (rapport présenté par Jean Tricart aux cercles des géographes marxistes de Strasbourg et de Paris et dédié à Maurice Thorez, comme contribution à l’année d’études idéologiques du Parti communiste français); (avec M. Benchétrit et J. Vogt), « Algérie et Porto-Rico. Colonialisme français et colonialisme américain », La Pensée, 1954, n°54, p. 45-60, n°56, p. 56-70 ; « Carte géomorphologique du delta du Sénégal », Bull. Ass. Géogr. fr., n° 251-252, 1955, p. 98-117; « Situation et perspectives de l’économie alsacienne », A. Boosz, G. Cognot et alii, Analyse de l’Alsace, les essais de la nouvelle critique, Paris, Les éditions de la nouvelle critique, 1955, p. 53-97 ; (avec E, Juillard et M. Rochefort), L’économie alsacienne (Notes et études documentaires n° 2252), Paris, 1957 ; « Étude de la crue de la mi-juin 1957 dans les vallées du Guil, de l’Ubaye et de la Cerveyrette », Rev. Géogr. alpine, 1958, n° 4, p. 565-627 ; L’épiderme de la terre, Esquisse d’une géomorphologie appliquée, Paris, 1962 ; (avec A. Cailleux), Traité de géomorphologie, t. 1, Introduction à la géomorphologie climatique, Paris, 1965, t. 2, Le modelé des régions périglaciaires, Paris, 1967 ; Précis de géomorphologie, t. 1, Géomorphologie structurale, 1968, t. 2, Géomorphologie dynamique générale, 1977 ; Le modelé des régions chaudes, forêts et savanes (2e éd.), Paris, 1974 ; « Existence de périodes sèches au quaternaire en Amazonie et dans les régions voisines », Rev. Géom. dyn., 1974 n° 4, p. 145- 158 ; (avec J. Kilian), L’éco-géographie et l’aménagement du milieu naturel, Paris, 1979 ; L’écogéographie des espaces ruraux, Paris, 1994.

J. Vogt, « La géographie : lui échapper, en réchapper, aller de l’avant – Quelques souvenirs ou les joies d’un itinéraire interdisciplinaire », G. Nicolas (éd.), Géographief(s) et langagef(s). Interface, représentation, interdisciplinarité, Actes du Colloque IUKB-IRI (UNIL) de Sion 1997, Société scientifique Eratosthène. Institut universitaire Kurt Bösch, slnd, p. 83-88 ; G. Livet, 50 années à l’Université de Strasbourg, Strasbourg, 1998, p. 119, 188-190, 195, 349-350, 360.

Pierre Michel et Léon Strauss (2001)

† Strasbourg 6.5.2003.

Mainguet Monique, « Hommage à Jean Tricart (1920-2003) », Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2003, juillet-septembre, vol. 9, n°3, p. 191-195.

Philippe Legin (avril 2022)