Architecte (★ Bezau, Vorarlberg, Autriche, 18.12.1681 † Constance 4.3.1766). Fils de Michael Thumb, architecte, et de Christina Feuerstein. ∞ 13.11.1707 à Bezau Anna Maria Beer († 1754), fille de l’architecte Franz II Beer. Après la mort de ses parents en 1690, il fut probablement élevé par son oncle, l’architecte Christian I Thumb. Du 10 janvier 1697 au 10 janvier 1700, il fit son apprentissage de maçon et de tailleur de pierre auprès de Christoph Berwig (Berbig). De ses années de compagnonnage on ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’il travailla dès 1700 pour Franz Beer comme dessinateur (pour Ottobeuren) ou comme chef de chantier, en 1704, à Rheinau. Devenu maître, il éleva, de 1707 à 1711, avec son frère Gabriel, l’église de Lachen, dans le canton de Schwytz. Dès 1720, il chercha à s’établir à Constance où il fut reçu bourgeois en 1725 et où, après être entré en 1737 au Grand Conseil, il demeura jusqu’à sa mort. Thumb fut l’un des représentants les plus importants des maîtres du Vorarlberg, ces nombreux architectes-entrepreneurs de la corporation d’Au, qui furent actifs dans le sud de l’Empire, en Suisse et en Alsace pendant près d’un siècle, depuis la seconde moitié du XVIIe, élevant principalement des édifices religieux et privilégiant le parti dit « schéma du Vorarlberg », celui de l’église à contreforts intérieurs sur plan en croix latine. Thumb fut un architecte très occupé : nous connaissons de lui plus d’une cinquantaine d’œuvres, certaines étant restées au stade des plans, d’autres exécutées d’après les projets d’autres maîtres. Tout en dessinant épisodiquement pour son beau-père, Franz Beer, ou en dirigeant l’un de ses chantiers (par ex. Sankt Urban, canton de Lucerne, en 1713), Thumb commença sa carrière personnelle en Alsace. En 1709-1710 il éleva les deux tours de façade de l’abbatiale d’Ebersmunster qui avait été reconstruite à la fin du XVIIe siècle. En 1715, il entreprit les bâtiments conventuels d’Altorf (disparus), le clocher-porche de l’église d’Erstein et le château de Neuenburg, résidence des abbés de Murbach à Guebwiller, achevé en 1720 (reconstruit au XIXe siècle), sans que l’on sache, pour les deux derniers chantiers, dans quelle mesure il eut à tenir compte de plans préexistants. C’est ainsi qu’il édifia l’église-halle du prieuré de Thierenbach (1719-1723), d’après des plans que lui fournirent les religieux. Les bénédictins d’Altorf lui demandèrent de reconstruire le chœur et le transept de leur église (1724-1726) en conservant la nef romane. Vers 1720 il avait commencé l’édification des bâtiments conventuels d’Ebersmunster (dont une partie a disparu) qui dût s’achever vers 1726. De 1725 à 1727, il renouvela la nef et le transept de l’église de cette abbaye, en conservant les tours de façade de 1710 et le chœur du XVIIe siècle. En 1728, il effectua pour les bénédictins d’Ebersmunster des travaux dans leur maison de Sélestat (l’hôtel d’Ebersmunster). En 1729, il travailla à l’abbaye de Koenigsbruck (disparue), peut-être à la modernisation de l’église. Cette année, il avait, à la belle saison, quitté Bezau une dernière fois pour l’Alsace, avec une troupe de 200 ouvriers. Sans doute avait-il, en cours de route, réparti ceux-ci sur les différents chantiers qu’il dirigeait, car depuis une dizaine d’années, ces chantiers s’étaient multipliés, principalement dans le pays de Bade où il était intervenu pour la première fois en 1718, à Ettenheimmünster. Peu à peu la rive droite du Rhin était devenue son principal foyer d’activité. De 1722 à 1728, tout en menant ses chantiers alsaciens, il fut occupé à Schuttern, Schwarzach, Sankt Peter, Friedenweiler, Frauenalb, Rheinau, Tennenbach, Günterstal, Donaueschingen et Lichtental. Ensuite débutèrent ses années de maturité avec la multiplication des chantiers, lui assurant une brillante carrière qui trouva son couronnement avec l’églisede Tiengen (1753-1756) et surtout avec ses deux chefs d’œuvre de Birnau (1745-1751) et Saint-Gall (1749-1761). Formé à un art traditionnel qui remontait au XVIIe siècle, Thumb était devenu l’un des maîtres du rococo. Il appartenait d’ailleurs à la génération de J. M. Fischer, B. Neumann, C. D. Asam ou K. I. Dientzenhofer. Dans cette remarquable évolution, l’église d’Ebersmunster a constitué une étape capitale qui permit à Thumb de donner pour la première fois toute la mesure de son talent. En 1724 il avait entrepris avec l’abbatiale de Sankt Peter une œuvre scolaire, fidèle au « schéma du Vorarlberg ». L’année suivante, à Ebersmunster, il adopta ce même schéma, tout en s’en libérant par une série d’innovations qui étaient apparues de manière magistrale à l’église de Weingarten (1715-1724), de Franz Beer, que Thumb connaissait certainement et sur le chantier de laquelle il avait peut-être travaillé à partir de 1718. Du coup, certains auteurs (Boerlin, Eggenberger-Billerbeck) ont essayé, à tort, d’attribuer l’église alsacienne au beau-père de Thumb. En fait, Ebersmunster, sorte d’adaptation rustique de Weingarten, est bien l’œuvre de jeunesse la plus marquante de Thumb qui a constitué un tournant décisif dans sa longue et féconde carrière.
R. Werneburg, Peter Thumb und seine Familie, Strasbourg, 1916 ; K. Obser, « Beiträge zur Baugeschichte des Klosters Frauenalb », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, NF XXXIII, 1918, p. 212-269 ; A. Gasser, « Le pèlerinage de Thierenbach », Revue d’Alsace, n° 69, 1922, p. 351-353, 433-448 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, Leipzig, XXXII, 1939, p. 114 ; A. Hacker, « Peter Thumb und das Vorarlberger Münsterschema », Schriften des Vereins für Geschichte des Bodensees, 68, 1941/42, p. 7-22 ; H. Ginter, « Die Kirche von Ebersmunster », Oberrheinische Kunst, X, 1942, p. 151 – 170 ; idem, « Peter Thumbs Kirchturmbau in Erstein », Freiburger Diözesan Archiv, 70, 1950, p. 116-127 ; A. Sieffert, Altdorf. Geschichte von Abtei und Dorf, Strasbourg, 1950, p. 58-64 ; P. H. Boerlin, Die Stiftskirche St. Gallen, Bern, 1964, p. 83-89 ; H. R. Hitchcock, Rococo architecture in Southern Germany, Londres, 1968, p. 151-174 ; R. Lehni, « Aspects de l’art baroque en Alsace. Peter Thumb et les maîtres du Vorarlberg », Saisons d’Alsace, 32, 1969, p. 435-482 ; H. M. Gubler, Peter Thumb ein Vorarlberger Barockbaumeister, Sigmaringen, 1972 ; Die Vorarlberger Barockbaumeister, catalogue d’exposition, Einsiedeln-Bregenz, 1973, passim ; D. Eggenberger-Billerbeck, « Die ehemalige Benediktinerkirche Ebersmünster », Archives de l’Église d’Alsace, XXXVII, 1974, p. 169-216 ; H. M. Gubler, « Ebersmünster und Franz Beer », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach, Barr, Obernai, 9, 1975, p. 154-159 ; N. Lieb, Die Vorarlberger Barockbaumeister, Munich, 3e éd. rev., 1976, p. 29-31, 42-43, 120-121 et passim ; R. Lehni, « L’église d’Ebersmunster », Congrès archéologique de France, 136e session, 1978, Haute-Alsace, Paris, 1982, p. 75-90 ; idem, L’église abbatiale d’Ebersmunster, Munich, 3e éd., 1997 ; D. Büchner, Vorarlberger Baumeister in Vorderösterreich, catalogue d’exposition, Stuttgart, 1998, p. 290-303 ; M. Köhler, Peter Thumb – Architekt und Baumeister der Birnau, Barockjuwel am Bodensee. 250 Jahre Wallfahrtskirche Birnau, Lindenberg, 2000, p. 119-216.
Portrait : Huile sur toile anonyme, 1740. Constance, coll. part, (repr. dans Lieb, op. cit., pl. 3 ; Gubler, op. cit., pl. 1 ; Vorderösterreich op. cit., p. 293 ; en coul. dans Köhler, op. cit., p. 200).
Roger Lehni (2001)