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STOSKOPF Gustave Jacques

Artiste-peintre, auteur dramatique, journaliste, (PI) (★ Brumath 8.7.1869 † Brumath 6.12.1944). Fils de Gustave Stoskopf, tanneur, et de Caroline Goetz. ∞ 11.10.1909 à Strasbourg Élisabeth Beile (★ 1883 † 1961), fille d’Emmanuel Beile, boulanger, et de Julie Mathilde Freysz; 2 enfants. Élève à la Oberrealschule de Strasbourg, Stoskopf manifesta très jeune des dons pour la comédie, la poésie et le dessin. Le peintre Louis Schutzenberger ©, séduit par ses premiers portraits convainquit ses parents de l’envoyer faire des études à Paris : il y passa quatre années, la première (1887-1888) à l’Académie Colarossi, les trois suivantes à l’Académie Julian où il fut l’élève de Jules Lefebvre, Benjamin Constant et Henri Doucet. Il partit ensuite pour Munich,  obtint une dispense militaire et s’initia au paysage à l’Académie royale sous la conduite de Paul Höcker (Le champ de choux par temps de pluie, exposé au Musée d’art moderne de Strasbourg date de cette époque). Après une nouvelle année à Paris, où il travailla à l’école des Beaux-Arts dans l’atelier de Jean-Paul Laurens, il se lia, de retour à Strasbourg en 1894, avec Léon Hornecker ©, puis Charles Spindler ©, Joseph Sattler ©, Alfred Marzolff ©, Paul Braunagel ©, et avec quelques autres jeunes artistes qui prirent l’habitude de se réunir chez Anselme Laugel ©, à Saint-Léonard, à partir de 1895. Ce groupe eut une influence considérable sur le renouvellement du paysage culturel alsacien autour de 1900. Stoskopf anima à cette époque les soirées de la Mehlkischt, cabaret où se retrouvaient artistes et étudiants francophiles, et, d’avril 1896 à 1906, les rencontres du Kunschthaffe chez le fabricant de foie gras Auguste Michel © à Schiltigheim : il fit en 1895, à l’intention des étudiants, un recueil de chansons françaises (non édité); ses monologues parurent d’abord dans H2S, organe des étudiants en pharmacie, avant d’être réunis dans deux ouvrages, Luschtig’s üss’m Elsass (1896) et G’spass un Ernscht (1897), qui connurent de multiples rééditions. Il poussa Spindler à transformer les Images alsaciennes et à créer la Revue alsacienne illustrée ; il en fut un des premiers collaborateurs, créant en 1899 une chronique artistique trimestrielle. Après une première exposition du groupe de Saint-Léonard en novembre 1897 à l’hôtel de ville, Stoskopf fonda à l’automne 1899 le Salon d’art de la Revue alsacienne illustrée à la galerie Bader-Nottin qui permit de faire connaître au public les jeunes artistes. De sa rencontre avec Julius Greber ©, Charles Hauss © et Alexandre Hessler, naquit le Théâtre alsacien de Strasbourg (TAS) en février 1898, initiative bientôt imitée dans plusieurs autres villes alsaciennes. Stoskopf prit la vice-présidence, mais surtout écrivit d’emblée le chef-d’œuvre du théâtre dialectal, D’r Herr Maire, accueilli triomphalement par le public strasbourgeois et la critique lors de la première du 27 novembre 1898. Reprise constamment par les troupes régionales, le succès de cette comédie, qui valut à son auteur d’être surnommé le Molière alsacien, ne s’est pas démenti tout au long du XXe siècle ; de plus, elle fut traduite en français, et donnée à Paris au théâtre Déjazet en 1902-1903, puis reprise en 1908, jouée le 4 septembre 1908 à Strasbourg devant Guillaume II, qui décora à l’issue de la représentation Stoskopf de l’ordre de l’Aigle rouge, filmée en version sous-titrée pour le cinéma par Jacques Séverac en 1939 et pour la télévision par FR3 Alsace en 1983. Jusqu’en 1907, le TAS, dont il devint président en 1901, créa chaque année une, voire deux nouvelles pièces de Stoskopf, pour la plupart des comédies, les unes étant de purs divertissements (D’ Pariser Reis, joué en traduction à Déjazet en 1902, In’s Ropfer Apothek), les autres avec une coloration politique plus marquée (E Demonstration, D’r Verbotte Fahne, D’r Hoflieferant), mais aussi deux drames (D’Heimet, en collaboration avec J. Greber, D’Prophet) ; Stoskopf écrivit en outre le livret d’un opéra pour Marie-Joseph Erb © (Abendglocken). Au total, le TAS donna 735 représentations de ses œuvres au cours du siècle. Ainsi Stoskopf peut être considéré comme le principal promoteur de ce mouvement culturel rare, s’appuyant sur une production dramatique en dialecte et mobilisant un grand nombre d’auteurs et d’acteurs amateurs. Il en fut aussi l’organisateur en tant que fondateur (1901) et président du syndicat des théâtres alsaciens.

Avec Laugel et Spindler, il lança l’idée en 1900 de la création d’un musée alsacien à Strasbourg et fit partie du groupe fondateur en novembre 1902. Il se mit par ailleurs au service des artistes, cherchant à les rassembler et négligeant provisoirement son œuvre personnelle: en mai 1903, il organisa une grande exposition collective au château des Rohan, prélude à la création en avril 1905 de la Société des artistes strasbourgeois (Verband der Strassburger Künstler), dont il assura le secrétariat (1905-1919), et le 10 décembre 1905 de la Maison d’art alsacienne, rue Brûlée, qui, sous sa direction et celle de Théodore Knorr © de 1905 à 1919, devint le centre de toutes les manifestations artistiques de l’époque et permit au public de découvrir les artistes alsaciens, mais aussi français et allemands. Stoskopf chercha constamment à désenclaver l’art alsacien et à promouvoir les échanges: c’est pourquoi, il encouragea les artistes alsaciens à adhérer au Verband der Kunstfreunde in den Ländern am Rhein et à exposer à Cologne (1907), à Berlin (1908) ou à Paris. Il les entraîna en 1905 dans une campagne pour la sauvegarde du Bain aux plantes, menacé de démolition, et fonda le 15 avril 1910, avec Théodore Knorr, J. Knauth ©, G. Oberthur © et le professeur Statsmann une première Société pour la conservation du Vieux Strasbourg. Stoskopf s’intéressa également à la presse: collaborateur de Léon Boll © et membre du conseil du Journal d’Alsace et de Lorraine à partir de 1905, il fonda en 1909 avec l’avocat S. Rosenthaler, ancien rédacteur en chef de la Bürgerzeitung, la Strassburger neue Zeitung. Une société d’édition, dont Stoskopf fut nommé gérant et rédacteur (Neue Strassburger Verlags-Anstalt), fut d’abord créée le 16 juin avec un capital de 150 000 marks apporté par les milieux d’affaires protestant et juif ; le journal parut le 18 septembre avec comme objectifs de promouvoir les idées démocratiques et de « combattre les entreprises réactionnaires, le cléricalisme ainsi que les incitations chauvines d’où qu’elles viennent ». Il fut le premier à Strasbourg à être imprimé pendant la nuit, à être porté le matin à domicile et à compter deux éditions quotidiennes ; il prit rapidement le premier rang dans la presse régionale avec un tirage de 45000 exemplaires. Stoskopf en assura la direction tandis que Rosenthaler et René Schickelé © furent successivement les premiers rédacteurs en chef ; parmi les collaborateurs permanents ou occasionnels avant 1914 on peut citer Otto Flacke ©, Ernst Stadler ©, Charles Frey ©, Theodor Heuss, Emma Muller ©. Stoskopf contribua de son côté à la rédaction en assurant la chronique littéraire et la critique artistique en publiant des contes en dialecte réunis partiellement dans Uss minnere Kneckeszytt (1922), et en signant, sous le pseudonyme de Rataplan, des satires rimées : ainsi prit-il vigoureureusement position dans les affaires de Graffenstaden (1912) et de Saverne (1913). Après guerre, Stoskopf conserva la gérance mais perdit la direction politique au profit de Charles Frey avec lequel il entra en conflit à propos de l’affaire des neutralistes en mai 1920 qui fit perdre, selon lui, au journal les deux tiers de ses lecteurs; il prit sa retraite en juin 1930 conservant un siège d’administrateur. Il fonda en novembre 1919 et présida le syndicat des éditeurs de journaux d’Alsace et de Lorraine qui rassembla la totalité des nombreux journaux paraissant à cette époque.

Tout en continuant à assurer d’importantes fonctions comme président-directeur du TAS et du syndicat des théâtres alsaciens jusqu’en 1940, vice-président jusqu’en 1929, puis président de la Société des artistes indépendants d’Alsace, président de la Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine de sa fondation en 1927 à 1944, président du Comité des fêtes de Strasbourg dont il avait été l’instigateur en 1925, administrateur de la Caisse d’épargne de Strasbourg et de l’Assistance publique, Stoskopf put se consacrer davantage à sa carrière de peintre : c’est à partir de 1922 qu’il peignit ces grands portraits de paysans alsaciens qui firent sa réputation; il exposa régulièrement au Salon des artistes français de 1922 à 1939 ainsi qu’au salon des Tuileries. Il fut récompensé par une médaille d’or au Salon de 1929 et à l’Exposition de 1937. Ses œuvres figurèrent dans des sélections d’art français présentées à Bruxelles, Barcelone, en Amérique latine, au pavillon de France de l’exposition de New York en 1939, à la fondation Carnegie de Pittsburgh (1939). Elles entrèrent dans les collections des musées de la ville de Paris, de Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Fribourg en Brisgau, Karlsruhe, Darmstadt. Deux de ses tableaux furent achetés par l’État, en 1926 et 1928. Le second fut exposé à Paris, d’abord au musée du Luxembourg, puis à partir de 1937 au Musée d’art moderne du Palais de Tokyo. Dans les années trente, Stoskopf prit de nouvelles initiatives: membre du comité directeur de Radio-Strasbourg dès sa fondation en 1930, il fut un pionnier de la radio, assurant quelque 225 soirées dialectales alsaciennes jusqu’en 1939. Il fonda en 1935, lors des fêtes folkloriques du lundi de Pentecôte à Wissembourg, la Société pour la Conservation du costume paysan alsacien dont il assura la présidence. Il redressa la Maison d’art alsacienne, tombée dans une situation calamiteuse, et la rouvrit en juin 1936. Son soixante-dixième anniversaire en juillet 1939 fut l’objet d’un hommage public au Wacken où lui fut remise la médaille d’or de la Renaissance française. Réfugié à Saint-Dié en septembre 1939, il revint à Strasbourg en 1940, mais privé de ressources à la suite des différents séquestres décidés par les nazis, il se retira à Brumath où il consacra ses dernières années à la peinture. Après sa mort, la ville de Strasbourg fit placer son buste sur la façade de la Maison d’art alsacienne, 6 rue Brûlée; une plaque commémorative et un médaillon, inaugurés en 1954, rappellent son souvenir sur sa maison natale à Brumath où son fils a constitué un musée. Chevalier de la Légion d’honneur en janvier 1931.

Bibliographie complète dans Saisons d’Alsace n° 24 (1ère série), 1954, p. 300 ; C. Huber, L’art dramatique de Gustave Stoskopf, thèse dact., USHS, 1993, p. 422-424.

Archives familiales conservées à Brumath ; A. Laugel, « Genèse du théâtre alsacien contemporain », Revue alsacienne illustrée, 1900-1901 ; E. Straus, « La nouvelle Alsace », La critique, n° 161, 5.11.1901, p. 162-164; « Elsässisches Museum », Bürgerzeitung, 20,12.1902 ; F. Hauser, « Le théâtre alsacien », Le Monde illustré, 28.3.1903, p. 300-301 ; idem, « Une comédie satirique à Strasbourg (E Demonstration) », Le Matin du 26.12.1903 ; Journal des Débats du 29.12.1903 ; H. Schoen, Le théâtre alsacien, Strasbourg, 1903 ; C. Haussmann, « Gustav Stoskopf und das elsässische Dialektlustspiel », Frankfurter Zeitung du 25.4.1905 ; L. Roehrich, « L’Alsace nouvelle, Gustave Stoskopf », Foi et vie, n° 11, juin 1906, p. 335-346 ; G. Koehler, Das Elsass und sein Theater, Strasbourg, 1907 ; L. Boll, « L’empereur et le Herr Maire », Journal d’Alsace-Lorraine du 5.9.1908 ; idem, Serrons les rangs, Journal d’Alsace-Lorraine du 15.1.1909 ; idem, « L’art alsacien et M. J.-J. Waltz », Journal d’Alsace-Lorraine du 2.5.1909 ; Neueste Nachrichten des 13 et 16.4.1910 ; A. Sautter, « Gustave Stoskopf, Ein Gedenkblatt zu seinem 50. Geburtstag », Strassburger Neue Zeitung du 8.8.1919 ; Die Gartenlaube n° 8, 1929, Berlin, p. 157-159 ; C. Schneider, « Le rôle du peintre Gustave Stoskopf sur l’effort artistique de son temps », Comoedia du 8.8.1929 ; M. Lenossos, « Le 60e anniversaire de Gustave Stoskopf », Dernières Nouvelles d’Alsace du 14.7.1929 ; idem, « Physionomie d’artiste : Gustave Stoskopf », La Vie en Alsace, n° 9, 1929, p. 201-205 ; C. Knoertzer, « Gustave Stoskopf et le théâtre alsacien », La Vie en Alsace, 1932, 2, p. 35-39 ; J. R. Debrix, « « Maître Gustave Stoskopf raconte…, La Vie en Alsace, 1935, 12, p. 271-274 ; E. Langlade, Artistes de mon temps, Arras, 1938, p. 43-63 ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, I, 393, III p. 23, 253, 256 (portrait), 285, 289 ; M. Lenossos, « La célébration officielle du 70e anniversaire de Gustave Stoskopf », Dernières Nouvelles de Strasbourg, du 9.7.1939 ; R. d’Alsace et P. Casper, « Gustave Stoskopf à l’honneur », L’Alsace à l’œuvre, juillet 1939; P. Casper, Nouveau Journal de Strasbourg du 8.7.1939 ; idem, « Drei elsässischen Dichtern zum Gedächtnis », Strasburger Hinkende Botte, 1946, p. 63-65 ; Le Nouvel Alsacien du 13.1.1945 ; L. Minck, La Dépêche de Strasbourg du 14.10.1948; R. Ganghoffer, « Gustave Stoskopfs letzte Lebensjahre », Honneur et Patrie du 14.4.1950. À la mémoire de Gustave Stoskopf, Saisons d’Alsace n° 24 (1ère série), 1954 ; Élan, 1962, n° 1 ; A. Fischer, « « Trois grands hommes, Brumath, destin d’une ville, Strasbourg, 1968, p. 175-184 ; Pour le centième anniversaire de Gustave Stoskopf, Saisons d’Alsace n° 30, 1969, p. 143-180 ; Hommage à Gustave Stoskopf, Annuaire de la Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine, n° 10, 1969 ; R. Matzen, 75e anniversaire de la fondation du TAS, Strasbourg, 1972 ; idem, Élan n° 7-8, 1973 ; Ch. Fichter, René Schickelé et l’Alsace jusqu’en 1914, 1978 ; P. Dollinger, L’Alsace de 1900 à nos jours, Toulouse, 1979, p. 22-23 et 45; C. G. Stoskopf, Gustave Stoskopf, le peintre, Colmar, 1976 ; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981, p. 296 ; Musées de Strasbourg, Galerie alsacienne, Artistes d’Alsace de 1850 à nos jours, Strasbourg, 1984, p. 17 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, p. 7021-7023 ; A. Finck, Littérature alsacienne du XXe siècle, Strasbourg, 1990 ; C C. Huber, L’art dramatique de Gustave Stoskopf, thèse dact., USHS, 1993 ; Gustave Stoskopf 1869-1944, une certaine idée de l’Alsace, catalogue de l’exposition du Musée historique de Haguenau de 1994-1995, Haguenau, 1994 ; Saisons d’Alsace n° 126, 1994 (couverture) ; J. Tulard, Guide des films, Paris, 1997, t. 2, p. 305 ; C. Lorentz, La presse alsacienne du XXe siècle, Strasbourg, 1997, p. 378-391 ; A. Wackenheim, La littérature dialectale alsacienne, t. 3, 1997, p. 221-236 ; ETS-TAS : 1898-1998, les cent ans du Théâtre alsacien de Strasbourg, Strasbourg, 1998 ; Dernières Nouvelles d’Alsace du 29.11.1998 (centenaire du Herr Maire) ; N. Stoskopf, « Un étudiant alsacien à Paris , Saisons d’Alsace n° 4, 1999, p. 32-37 ; voir aussi la série des programmes annuels du TAS.

Nicolas Stoskopf (2000)