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SCHWENDI Lazarus von, Lazare de

Homme de guerre, (C) (★ Mittelbiberach, Souabe, 1522 † Kirchhofen, Bade-Wurtemberg, 27.5.1583; monument funéraire à Kientzheim). Fils de Ruland (Roland) von Schwendi († Ulm 30.6.1525) et de sa servante Apollonia Wenk. ∞ I 1552 (?) Anne Boecklin de Boecklinsau, fille de Guillaume/Wilhelm, conseiller impérial (séparés dès 1563); 1 fils unique. ∞ II 1573 Eleonora von Zimmern (Pl); remariée 1586 avec Johann von Limpurg († 1606). Légitimé par Charles-Quint le 3 août 1524, confié à la ville impériale de Memmingen qui en assura la tutelle à la mort de son père, L. de Schwendi s’inscrivit à l’Université de Bâle où il suivit les cours de Simon Grynaeus en 1536-1537. Il fréquenta ensuite la Haute École de Strasbourg, qui venait d’être fondée par Jean Sturm © (1538), puis se rendit vraisemblablement à Paris. Les années 1540-1545 furent consacrées à des voyages et à une vie insouciante que ses tuteurs lui reprochèrent vertement. À l’issue de cette période mal connue, il rejoignit la cour de Bruxelles où on lui confia les fonctions d’écuyer tranchant. La familiarité de l’empereur Charles-Quint lui valut des premières missions politiques dans un contexte très difficile. En juin 1546, il tenta vainement d’obtenir la participation des villes impériales d’Ulm, Augsbourg et Strasbourg à la diète de Ratisbonne — où l’avait accompagné le souverain — puis se rendit près du duc de Bavière où il obtint plus de succès. Chargé d’amener les renforts impériaux d’Autriche et du Tyrol, il prit part à la campagne du Danube, notamment à la bataille d’Ingolstadt (31 août. 1546). Sa participation à la victoire de Mühlberg n’est pas prouvée (24 avril 1547), mais il est sûr qu’il exerça dès lors d’importants commandements en tant que colonel de l’armée impériale. Fin mai 1547, il dirigea le siège de la ville de Gotha et de la forteresse de Grimmenstein où était enfermé le margrave Albert-Alcibiade de Brandebourg-Kulmbach, et en obtint la reddition (1er juin 1547) avant de procéder à leur démantèlement et de les restituer au duc Jean Frédéric de Saxe. La fidélité de Schwendi à la maison d’Autriche fut scellée de la manière la plus forte au moment de la « diète cuirassée » d’Augsburg (septembre 1547-juin 1548). En janvier 1548, en effet, Charles-Quint lui ordonna de se saisir de la personne de Sébastien Vogelsberger ©. L’arrestation eut lieu le 21 janvier 1548: le prisonnier et ses lieutenants furent emmenés à Augsbourg où ils passèrent en jugement et furent condamnés pour l’exemple, le 7 février 1548. Peu avant d’être livré au bourreau, Vogelsberger dénonça la traîtrise employée par L. de Schwendi pour se saisir de sa personne. Les princes protestants ne lui pardonnèrent jamais cette mauvaise action qui les visait directement en tant qu’alliés du roi de France. La polémique qui suivit fut marquée par l’intervention de Charles-Quint en faveur de L. de Schwendi qui se défendit dans un mémoire justificatif imprimé quelques semaines plus tard. Entre 1548 à 1551, L. de Schwendi prit une part très active au rétablissement de l’autorité impériale face aux coalisés de la Ligue de Smalkalde, chevauchant entre les Pays-Bas et l’Allemagne, notamment pour coordonner des opérations de guerre contre Magdeburg, alors au ban de l’Empire (1549). Il reçut la soumission de cette ville en qualité de commissaire de l’empereur, pour éviter que Maurice de Saxe ©, qui en avait mené le siège, n’en tirât un bénéfice personnel (9 novembre 1551). De fait, les deux hommes allaient rapidement se retrouver ennemis. Pendant l’hiver 1552, les manœuvres du premier lui apparurent plus nettement: L. de Schwendi, qui jouait alors un rôle d’émissaire entre l’empereur et son frère Ferdinand Ier, fut chargé de reprendre contact avec Maurice de Saxe et certains de ses amis, mais ne participa pas aux négociations de Passau. La «chevauchée d’Austrasie» le vit revenir de Bohême en Lorraine, où il prit part au siège de Metz (entre le 19 octobre 1552 et janvier suivant). Il fut alors fait chevalier (23 décembre 1552) et membre du conseil de l’empereur. Un premier séjour en Hongrie (décembre 1553) fut suivi d’un retour aux Pays-Bas, où il resta en garnison à Anvers (1555), avant de devenir l’un des principaux capitaines de Philippe II d’Espagne. Premier gouverneur de la forteresse de Philippeville, en Belgique actuelle (1555-1556), il fut l’un des artisans de la prise de Saint-Quentin (27 août 1557) et proposa alors de poursuivre l’offensive vers Paris. À la tête de contingents allemands, il participa à la victoire de Gravelines (14 juillet 1558) et à la défense de la Flandre contre les attaques françaises. Après le traité de paix de Cateau-Cambrésis (3 avril 1559), il demeura auprès de la régente Marguerite de Parme, tout en étant chargé de plusieurs nouvelles missions en Angleterre, en Allemagne du nord ou en Saxe. En 1564, l’Espagne accepta sa mise à la disposition de Ferdinand Ier et de son fils Maximilien II qui lui confièrent le commandement de l’armée impériale chargée de pénétrer en Hongrie pour combattre contre les Turcs et leurs alliés hongrois. Ouverte à la fin de l’année 1564, cette campagne fut marquée par la prise de Tokay (4 février 1565). L. de Schwendi organisa la défense du pays et, malgré sa mauvaise santé, y resta jusqu’aux lendemains de la paix d’Andrinople (17 février 1568). Élevé au titre de baron en 1564 et doté de nouvelles armoiries (1568) effaçant ses origines illégitimes, L. de Schwendi s’était constitué un vaste patrimoine dans la vallée du Rhin supérieur, notamment par l’acquisition de la seigneurie du Haut-Landsbourg, rachetée aux comtes de Lupfen en 1564. Son implantation dans les terres de l’Autriche antérieure s’explique par ses liens étroits avec les Habsbourg et par son mariage avec A. Boecklin de Boecklinsau. Dès le 20 août 1552, il exerçait la charge de châtelain (Burgvogt) de Brisach, ce qui lui donnait une responsabilité politique importante sur l’un des grands passages du Rhin. L’acquisition de seigneuries-gageries (Pfandherrschaften) situées pour l’essentiel dans le Brisgau — le Kaiserstuhl — Burckheim (1560), Triberg (1563), Kirchhofen (1572), et à l’ouest de Colmar (Haut-Landsbourg) lui permirent de mettre en œuvre ses propres conceptions du pouvoir: une réorganisation judiciaire, une meilleure gestion des revenus seigneuriaux, une politique paternaliste associant des mesures de charité publique (création d’hôpitaux, distributions de pain, etc.) et une réglementation morale plus sévère (répression de l’ivrognerie et du blasphème, règlements somptuaires, etc.). Installé dans les fonctions de Reichsvogt de Kaysersberg le 22 janvier. 1574, poste qu’il visait depuis une dizaine d’années, L. de Schwendi contribua très fortement à l’établissement d’un glacis militaire sur le piémont des Vosges: en 1580, il fut l’un des auteurs du règlement interdisant l’immigration welsche sur le versant alsacien du massif et réprimant les mariages entre immigrés et femmes alsaciennes. En tant que conseiller de la Régence d’Ensisheim, il lui revint de mettre en place plusieurs plans de défense (Landsrettungen) destinés à empêcher une invasion française à travers les vallées vosgiennes et d’expertiser les fortifications existantes. Sous son impulsion, d’importants travaux furent réalisés à Colmar, à Ensisheim, à Belfort et ailleurs. Le château du Haut-Landsbourg fut doté d’un bastion d’artillerie moderne tandis qu’on perfectionna les défenses de Kientzheim, où il résidait le plus fréquemment, et de Kaysersberg. Retiré dans ses terres après 1569, L. de Schwendi demeura l’un des principaux conseillers de l’empereur Maximilien II et tenta d’influer sur son successeur Rodolphe II. En 1578, un voyage de sept mois le conduisit à Vienne où il mit au point une ligne de défense des régions orientales de l’Empire. Expert en matière de défense, il rédigea plusieurs mémoires sur ces questions, depuis un premier rapport sur l’organisation des troupes vers 1547/1550 (Von Betrug in der Musterung) et un dialogue satirique entre deux lansquenets, le Vasguvillus jusqu’à des ouvrages plus élaborés contemporains de son commandement en Hongrie. Un mémoire sur L’art de la guerre (1564) s’intéresse à la logistique et à l’encadrement des effectifs, insistant sur les aspects matériels de la guerre, tandis qu’un texte plus ambitieux, rédigé en 1566, lance l’idée d’un service militaire obligatoire et du retour à une élite guerrière dans l’esprit chevaleresque, de manière à rompre avec le mercenariat. La guerre contre les Turcs s’inscrit dans une perspective de défense de l’Allemagne, en prévoyant un système de places fortes et de colonisation militaire. Les deux principaux traités de L. de Schwendi, son discours sur l’état de l’Empire (Diskurs und Bedenken über den Zustand des heiligen Reichs, 1570), puis son Kriegsdiskurs (1571-1575), partiellement repris sous le titre de Quomodo Turcis sit resistendum prolongent sa réflexion sur la nature de l’Empire et sur l’unité du peuple allemand autour de l’empereur face aux ennemis héréditaires de l’ouest (les Français) et de l’est (les Turcs). Son patriotisme se fonde sur une expérience personnelle et sur une philosophie de l’histoire nourries par ses lectures. Lettré, polyglotte (il sait le latin et le français, peut-être aussi le néerlandais), disposant d’une belle bibliothèque — Hugo Blotius, précepteur de son fils Jean-Guillaume devint le bibliothécaire de la cour de Vienne —, L. de Schwendi s’intéressa tout spécialement aux théoriciens du pouvoir politique, notamment à Commynes et à Machiavel. Entre le 1er décembre 1548 et le 3 avril de l’année suivante, il ne fit pas moins de 683 annotations sur son exemplaire des Discours de ce dernier qui venaient de paraître à Paris quelques semaines plus tôt: sa lecture est une réfutation des thèmes du Florentin dont il dénonce les conceptions trop séculières, et mêmes « païennes », et le cynisme, leur opposant une vision pacifique, providentialiste et chrétienne de la conduite des États. Son humanisme recoupe les préoccupations de nombreux contemporains avec lesquels il fut en relation épistolaire, qu’il s’agisse du «cercle de Breslau» (Rehdiger, les frères Monau, l’évêque Dudith) ou de penseurs des Pays-Bas avec lesquels il avait été en contact à la cour de Marguerite de Parme (Hubert Languet, Ogier Ghislain de Busbecq), ce qui lui donne une place originale entre ces deux foyers. En 1855, Roerich l’accueillait parmi les figures héroïques de la foi évangélique (Evangelische Ritterbilder) et l’annexait, de facto, au camp de la Réforme. De fait, sa formation strasbourgeoise sous la houlette de Jean Sturm et, peut-être de Calvin, et ses réticences à l’égard du catholicisme romain ont pu lui assurer des sympathies dans le camp protestant malgré son action contre la Ligue de Smalkalde. Dès 1555, son régiment en garnison aux Pays-Bas fut noyauté par des prédicateurs évangéliques. En Hongrie, en 1568, il présida un synode protestant. La politique de répression entreprise aux Pays-Bas et l’exécution de ses amis Egmont et Home (1568) ne furent pas étrangers à sa «rupture» avec Philippe II. Son amitié pour Guillaume d’Orange perdura malgré les choix de ce dernier. La concorde religieuse lui apparaît comme la meilleure façon de préserver l’unité, étant favorable à des concessions des deux partis — ce qu’il proposa à Spire en 1570, puis à la diète de Ratisbonne en 1576. Le massacre de la Saint-Barthélemy (1572), dont il avait pressenti la menace dès 1560, suscita son indignation la plus vive, notamment dans une lettre à l’empereur Maximilien II. En 1575, son intervention modératrice en tant que Reichsvogt de Kaysersberg permit aux Munstériens de s’affranchir du catholicisme (tout en normalisant leurs relations avec leur abbé) et facilita l’adhésion d’une majorité de Colmariens à la Réforme protestante. Dans ses propres seigneuries, L. de Schwendi semble avoir pratiqué une tolérance active, sa seconde femme étant ouvertement luthérienne tandis qu’il continuait à professer un catholicisme modéré, exigeant d’être inhumé suivant les rites traditionnels à l’église paroissiale de Kientzheim, tout en fondant une bourse au Gymnase protestant de Strasbourg.

La popularité conservée par L. de Schwendi tient autant à sa personnalité véritable qu’à la légende suivant laquelle il est à l’origine du cépage de Tokay découvert lors de ses campagnes en Hongrie entre 1564 et 1569. En réalité, le pinot gris appelé ainsi est venu de Bourgogne au XVIIIe siècle (première mention, 1752, au Weinbach, entre Kientzheim et Kaysersberg). Le mythe, propagé par Rothmuller ©, mais peut-être inventé par Golbéry ©, a été illustré par le sculpteur Bartholdi © sur la fontaine du Koïfhus de Colmar. Une fédération des villes et des villages ayant fait partie de ses seigneuries de Schwendi a été constituée en 1983. La succession de L. de Schwendi fut reprise par son fils unique Hans Wilhelm/Jean-Guillaume (? 1557 † Kientzheim 17.1.1609), un personnage de médiocre stature, puis transmise à la fille de celui-ci, Hélène Éléonore, par laquelle elle échut à son mari Philippe-Nicolas de Leyen, au moment de la Guerre de Trente ans.

Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, I, n° 47, p. 261; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 753-754; E. Dollmann, Die Probleme der Reichspotitik in den Zeiten der Gegenreformation und die politischen Denkschriften des Lazarus von Schwendi, Munich, 1927; K. von Greyerz, The late city Reformation in Germany. The case of Colmar, Wiesbaden, 1980; E. Papierer, Kientzheim en Haute-Alsace, la ville de Lazare de Schwendi, Colmar, 1982; Chr. Wilsdorf, « La ville de Munster contre l’abbaye Saint-Grégoire: une longue querelle et son arbitrage par Schwendi en 1575 », Annuaire de la Société d’histoire du Val et de la Ville de Munster, 1985, p. 9-20; L. Baillet, « Schwendi lecteur de Machiavel », Revue d’Alsace, 1986, p. 119-197; A. Flesch-Heintz, Lazarus von Schwendi, Strasbourg, 1992 (mémoire de maîtrise inédit); K. von Greyerz, « Lazarus von Schwendi (1522-1583) and Late Humanism at Basel », The Harvest of Humanism in Central Europe. Essays in Honour of Lewis W. Spitz, sd. de Manfred P. Fleischer, St-Louis (USA), Concordia, 1992, p. 179-195; Th. Niklas, Um Macht und Einheit des Reiches. Konzeption und wirklichkeit der Politik bei Lazarus von Schwendi (1522-1583), Husum, 1995.

Portraits à Florence (Offices), à Innsbruck (château d’Ambras), gisant à l’église paroissiale de Kientzheim (M. Fuchs, « Le monument funéraire de Lazare de Schwendi », Annuaire de la vallée de la Weiss, 1986), gravures (entre autres dans Heinrich Pantaleon, Teutscher Nation Heldenbuch, Bâle, 1567), médailles (la première, au siège de Metz, 1553).

Georges Bischoff (1999)