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SCHWEIGHAEUSER Jean

Helléniste, (PI) (★ Strasbourg 26.6.1742 † Strasbourg 19.1.1830). Dernier enfant de Jean-Georges Schweighaeuser ©. ∞ 10.1.1775 à Strasbourg, Temple Neuf, Catherine Salomé Haering, fille de Jean Richard Haering, notaire à Strasbourg. Études au Gymnase dès l’âge de cinq ans. Immatriculé à l’Université protestante en 1755 qu’il fréquenta pendant douze années pour y apprendre les langues anciennes, la philosophie, l’histoire, les sciences naturelles et la théologie. Comme Jean Hermann ©, son camarade d’études, il réunit une collection de plantes et d’insectes; leurs collections formèrent plus tard le noyau du musée d’histoire naturelle de la ville. Maître ès arts en 1767, il fréquenta la Sorbonne et étudia le syriaque et l’arabe. Im nota en français dans son journal ses impressions et activités parisiennes. De Paris, il partit au printemps 1768 pour Göttingen où il fit la connaissance de plusieurs futurs savants. Il séjourna à Halle et à Leipzig (hiver 1768-1769) et dans d’autres villes allemandes avant de s’embarquer pour Londres et revenir à Strasbourg par les Pays- Bas. Il espérait obtenir une chaire à l’université protestante de sa ville natale, mais le Magistrat décida en 1770 de réduire leur nombre. Il ne put obtenir que le titre de professeur adjoint de logique et de métaphysique (15 novembre 1770). Se détachant des idées de l’école sensualiste, Schweighaeuser enseignait que l’homme se connaît d’abord lui-même avant de connaître les choses extérieures. Il obtint enfin la chaire de grec et de langues orientales en novembre 1778 à l’université protestante. Il en fut recteur en 1780 et 1788. Il soutint Richard Brunck, amateur strasbourgeois d’auteurs grecs, dans la publication de pièces de Sophocle et d’Euripide. Schweighaeuser fut associé par Samuel Musgrave de Londres à l’édition des récits historiques d’Appien. Le manuscrit conservé à Augsbourg fut transporté à cette fin à Strasbourg. Après la mort de Musgrave, Schweighaeuser entreprit la publication du texte avec une traduction latine en trois volumes à Leipzig en 1785. Schweighaeuser rédigeait aussi des dissertations qui servirent de sujets de thèse à ses étudiants. Le chapitre de Saint-Thomas le coopta comme chanoine. Schweighaeuser put alors vivre aisément grâce aux prébendes (sacs de céréales) et aux honoraires versés par les étudiants.

Schweighaeuser adhéra à la Révolution et fut membre du conseil de la commune. Il composa un projet de création de nouvelles universités en France ayant une aire de recrutement étendue à 15-20 dépar- tements. L’une de ces universités serait établie à
Strasbourg. Il signa les adresses de fidélité au roi et à l’assemblée approuvées par le conseil quelques jours avant la chute de la monarchie le 10 août 1792. Schweighaeuser devint suspect aux yeux des Jacobins bien que son fils aîné, Geoffroi, se fût enrôlé à l’âge de seize ans dans les armées qui combattaient au Palatinat. Destitué comme conseiller le 9 janvier 1793, arrêté et emprisonné au séminaire à l’automne. Sa femme obtint son élargissement, mais il dut aller résider dans une localité distante de vingt lieues. La famille passa les années de Terreur à Baccarat. Schweighaeuser continua à faire paraître Polybe à Leipzig avec une traduction latine (neuf volumes entre 1789 et 1795). Pour cette édition, il aurait sous-estimé l’importance d’un manuscrit conservé à Rome. Schweighaeuser publia le texte avec des annotations, des index historique et géographique et, ce qui fut une innovation, un lexique de la langue de l’auteur édité. Après son retour à Strasbourg, Schweighaeuser devint professeur des littératures anciennes à l’École centrale du département créée à la fin de 1795. Il enseigna le latin et le grec à quelques élèves (15-20) qui avaient choisi ces matières à option. Il prépara l’édition des œuvres d’Épictète à une époque où les idées stoïciennes avaient à nouveau la faveur du public. Il put obtenir les manuscrits conservés à la grande bibliothèque de Paris. Les divers volumes furent aussi imprimés à Leipzig (1798-1800). Jean Schweighaeuser avait été élu associé non résident de la section des langues anciennes, c’est-à-dire correspondant de l’Institut. À Paris, son fils Geoffroy © collationnait pour son père les manuscrits en particulier celui d’Athénée, emporté de Venise par Bonaparte. Une société de Deux-Ponts avait décidé de publier l’œuvre de l’écrivain grec. Schweighaeuser ne put obtenir l’aide de R. Brunck ni celle de Jean Hermann qui lui aurait été fort utile pour le vocabulaire scientifique. Les quatorze volumes parurent de 1801 à 1807. L’éditeur bipontin publia alors les dissertations que Schweighaeuser avait écrites dans le passé. Ainsi parurent les Opuscula academica en 1806. L’opinion se passionnait pour Kant, mais Schweighaeuser était convaincu que «tout ce que cette philosophie a de bon et de réel dans la partie théorique aussi bien que dans la partie critique, je l’avais dit, écrit et enseigné avant lui ou à côté de lui, en termes clairs et, qui plus est, je l’avais fait sans prétendre dire quelque chose de nouveau» (lettre à son fils, 27 novembre 1803).

Lorsqu’en 1802 l’École centrale fut remplacée par le lycée, Schweighaeuser pensa obtenir une nouvelle fonction, son patrimoine ayant été fortement amoindri lors de son exil à Baccarat. Non seulement il n’obtint pas l’introduction exceptionnelle pour Strasbourg d’un enseignement du grec, mais sa candidature fut écartée sous prétexte qu’un emploi au lycée était au-dessous de ses mérites alors qu’il l’aurait à l’Académie protestante en cours d’organisation (Séminaire protestant à partir de 1809). Schweighaeuser enseigna ainsi le grec aux étudiants en théologie protestante. Lorsque Jean Jérémie Oberlin © mourut en 1806, Schweighaeuser lui succéda comme conservateur des deux bibliothèques réunies dans le chœur du Temple Neuf, celle de l’ancienne université protestante et celle de la ville avec les livres confisqués dans les couvents lors de la Révolution. Schweighaeuser abandonna cette fonction à son fils Geoffroy en 1815. Napoléon ayant créé l’Université impériale en 1808, les facultés furent établies l’année suivante. Schweighaeuser obtint le 20 juillet 1809 « la place de professeur de littérature grecque ». Il fut également nommé doyen de la faculté de Lettres (1809-1824). Comme la fonction de professeur de faculté répondait au grade de docteur, Schweighaeuser obtint le diplôme de docteur en 1810. Ayant publié en 1809 les lettres (latines) de Sénèque à Lucilius dont la bibliothèque strasbourgeoise conservait les manuscrits, il édita Hérodote à Strasbourg (texte grec, traduction latine, lexique de vocabulaire) chez Treuttel et Wurtz © dans les années 1816-1824. Schweighaeuser continua à donner des cours au Séminaire protestant jusqu’en 1813. Il se fit alors remplacer par son fils qui le suppléait pendant le semestre d’été dès l’année précédente. Il prit sa retraite à l’âge de 82 ans. Les titres de professeur honoraire et de membre honoraire du Conseil académique lui furent accordés. Schweighaeuser avait été l’un des membres fondateurs de la Société libre des sciences et des arts de Strasbourg qu’il présida à partir de 1819. Dès 1802, il était entré à la Société de Nancy (future Académie Stanislas). Il avait obtenu le rang d’« académicien libre » de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Chevalier de la Légion d’honneur (1821).

Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 747-748; Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, n° 5 (portrait); Chr. Pfister, Les Schweighaeuser et la chaire de littérature grecque de Strasbourg, 1770-1855, Strasbourg, Publ. de la Faculté des Lettres, 1927 (avec portrait); Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 4823; Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972, p. 99 et 224; Histoire du Gymnase Jean Sturm, berceau de l’Université de Strasbourg 1538-1988, textes réunis par P. Schang et G.Livet, Strasbourg, 1988 (index); G. Livet, L’Université de Strasbourg de la Révolution française à la guerre de 1870, Strasbourg, 1996 (index).

† Jean-Pierre Kintz (1999)