Grand rabbin de France, (I) (★ Traenheim 15.2.1876 d. Paris 21.7.1952). Fils de Séligman Schwartz, marchand et conseiller municipal à Traenheim, et de Julie Schwartz. ∞ 1910 Emma Frenkel, originaire de Saverne; 1 fils, Jacques ©. Après avoir fréquenté le collège de Wasselonne jusqu’à l’âge de 14 ans, il quitta l’Alsace pour Paris où il fit d’abord des études au petit séminaire israélite. Brillant élève de l’École rabbinique de la rue Vauquelin de 1895 à 1901, il en sortit avec le titre de rabbin. À une époque où il y avait plus de rabbins que de postes à pourvoir, il fut dans un premier temps nommé bibliothécaire chez le grand rabbin Zadok Kahn. En 1903, il assura les fonctions de l’intérim du grand rabbinat de Marseille. Puis en 1907, il fut nommé à Bayonne où il resta jusqu’en 1912. Il fut ensuite grand rabbin de Bordeaux de 1913 à 1919. Pendant la Première Guerre mondiale, il cumula avec ses fonctions rabbiniques, celle d’aumônier auprès de l’armée américaine dont la base était à Bordeaux. En 1919, le consistoire israélite du Bas-Rhin lui demanda de revenir en Alsace. En novembre, il s’installa dans ses nouvelles fonctions de grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin succédant à Emile Lévy. Durant 20 ans, ce prédicateur fougueux, nourri d’érudition théologique et pénétré d’un profond patriotisme, marqua de son empreinte la vie spirituelle de la synagogue consistoriale du quai Kléber. Son action sociale à Strasbourg et dans le Bas-Rhin fut des plus importantes comme président du Comité de l’orphelinat de jeunes filles, de la Société de secours aux malades, et surtout de la Société de la bienfaisance qui lui occasionna un travail de tous les instants. Il prêta encore un concours fidèle à l’École du travail, à l’Hospice Élisa et à la clinique Adassa. Schwartz se montra aussi favorable à la reconstruction de la Palestine, militant au KKL (Keren Kayemet Le Yisrael), au Fonds national juif de Strasbourg et participant activement à la commémoration du 75e anniversaire de l’Alliance israélite universelle en juin 1935. Aidé dans sa tâche par Georges Schmoll ©, président du Consistoire israélite du Bas-Rhin, Schwartz fit face avec fermeté
à la montée du nazisme et à la recrudescence des agissements antisémites en Alsace de 1933 à 1939. Il mobilisa la communauté juive de Strasbourg à venir en aide aux réfugiés allemands. Il fut élu grand rabbin de France le 8 mars 1939 par le collège électoral de l’Union des associations cultuelles israélites de France et d’Algérie. Presque aussitôt après son élection, ce fut la guerre. Obligé de quitter Paris le 10 juin 1940, il suivit le gouvernement d’abord à Bordeaux, ensuite à Vichy. Il y rassembla les membres du Consistoire central. Lors de la publication du statut des juifs et de la publication de la loi abrogeant le décret Crémieux qui avait accordé aux juifs d’Algérie la nationalité française (3 octobre 1940), il adressa au maréchal Pétain une lettre de protestation. Il insistait dans cette lettre du 22 octobre 1940 sur le fait que les Français israélites comme tous leurs concitoyens étaient de fidèles serviteurs de la patrie dans la paix comme dans la guerre et qu’il était impossible d’adhérer « au principe d’une législation raciale répudié par le judaïsme, nié par la science et condamné ex cathedra par le chef de l’Église catholique ». La lettre du grand rabbin de France s’achevait sur l’idée que les français israélites avaient pour devise la religion et la patrie et que cet idéal leur permettrait d’affronter l’avenir avec courage et espoir. Replié à Lyon en juin 1941, il continua d’agir avec courage et dévouement. Secondé par le rabbinat et le consistoire central, il eut la satisfaction de constater qu’en dépit des persécutions qui faisaient des ravages considérables, des synagogues demeuraient ouvertes et des fidèles s’y rendaient quotidiennement pour prier. Soucieux de soulager la misère de ses coreligionnaires, dépouillés de leurs biens et de leur métier, il fonda le Comité de coordination des œuvres juives, puis la Collecte du grand rabbin de France. Il désigna des rabbins, dont René Hirschler ©, et des laïcs volontaires pour apporter les secours spirituels et matériels à ses coreligionnaires internés dans les différents camps de la zone Sud (Gurs, Le Vernet, Noë… ). Il demeura en contact avec les institutions juives et non juives, susceptibles de leur venir en aide. Il intervint de façon pressante auprès de Pétain et de Laval pour que le port de l’étoile ne fût pas imposé en zone Sud. Il exprima par la parole et par l’écrit tantôt en son nom personnel, tantôt conjointement avec le consistoire central auprès des autorités de Vichy la protestation du judaïsme devant l’injustice et la persécution. La copie d’une de ces protestations signée par lui et par Jacques Heilbronner, président du consistoire central, tomba entre les mains des Allemands. Ce dernier fut arrêté par la Gestapo et déporté, tandis que le grand rabbin absent des bureaux du consistoire de Lyon put provisoirement échapper à l’occupant. Quelque temps plus tard, arrêté par la Milice, il parvint en compagnie de son épouse à lui échapper. Il vécut dans la clandestinité dans un bourg d’Ardèche jusqu’à la Libération. Schwartz, après la Libération en 1945, dut faire face au terrible bilan du conflit: une communauté juive qui avait perdu le tiers de ses effectifs et la disparition de 19 rabbins consistoriaux déportés et deux fusillés sur le sol français. Entre 1945 et 1952, il participa à la reconstruction du judaïsme en France et en Algérie. Il voyagea deux mois en mars et avril 1948 au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Après sa mort, une imposante cérémonie funèbre eut lieu à la synagogue de la Victoire à Paris. L’inhumation définitive se fit le 24 juillet 1952 au cimetière de Westhoffen. C’est le seul grand rabbin de France à reposer en terre d’Alsace auprès d’une longue lignée d’ancêtres. Chevalier de la Légion d’honneur (1925) et officier (1948).
Archives du Consistoire israélite du Bas-Rhin (ACIB), registre des procès-verbaux 1919-1923 et 1924-1934 ; archives de la Communauté israélite de Strasbourg (ACIS), dossier des fêtes nationales 1919-1939 ; Le Juif, Strasbourg : « L’installation solennelle du grand rabbin Schwartz », n° 2, 22.11.1919 ; Tribune Juive, « Le 60e anniversaire de la naissance de M. le grand rabbin Schwartz », n° 8, 21.2.1936 ; « M. Isaïe Schwartz, grand rabbin de France », n° 10, 10.3.1939 ; « Installation de M. Isaïe Schwartz, Grand rabbin de France », n° 26, 30.6.1939 ; L’Univers israélite, « M. Isaïe Schwartz, grand rabbin de France », n° 25, 10.3.1939 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 22 et 25.7.1952 ; Bulletin de nos communautés, « Le grand rabbin Isaïe Schwartz n’est plus », n° 16, 1. 8. 1952 ; J. Cohen, Journal d’un rabbin, Paris, 1968, p. 87-92 ; Tribune juive Hebdo, Pinhas Yari, « Une rue de Traenheim porte le nom d’Isaïe Schwartz », n° 401, 5-11.3.1976, p. 23-24 ; M. Marrus, R. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, 1981; A. Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Paris, 1991; R. Berg, Histoire du rabbinat français (XVIe-XXe siècle), Paris, 1992; A. Cohen, Persécutions et sauvetages. Juifs et Français sous l’Occupation et sous Vichy, Paris, 1993; R. Poznanski, Être Juif pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, 1994; A. Grynberg, C. Nicault, « Le culte israélite en France pendant la Seconde Guerre mondiale: droit et réalités d’exercice », Archives juives, 28 (2), 2’ sem. 1995, p. 72-88; J. Daltroff, La synagogue consistoriale de Strasbourg, Strasbourg, 1996.
Jean Daltroff (1999)