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SCHULTHEISS (SCULTETUS) Wolfgang

Théologien et pasteur (★ Strasbourg 1491 ou 1492 † Saverne 20.5.1565). fils du batelier Hans Schultheiss, de la Krutenau. ∞ 16.11.1523 à Strasbourg, cathédrale (par M. Zell ©), sans doute Barbara Grostein, fille de Hans Grostein, employé du Conseil des Quinze. Entré probablement en 1505 au couvent des Augustins à Strasbourg, il fit des études théologiques dans l’école de l’ordre augustin, dirigé par le prieur Conrad Treger, qui devait devenir provincial en 1518, et son nom figure aussi sur les matricules de l’Université de Bâle en 1510. Il fut ordonné prêtre en 1511. Vers 1517-1518, les thèses de Luther étaient discutées dans le couvent et, dès le printemps 1518, plusieurs moines, dont Schultheiss, envisagèrent de quitter le couvent. Début 1519, Schultheiss et trois autres moines s’enfuirent et furent excommuniés. Ils trouvèrent refuge chez des chevaliers amis de Sickingen, les frères von Than, au château de Dahn, Palatinat, où ils furent nommés chapelains. Pendant plus de deux ans, Heinrich von Than et Conrad Treger eurent des échanges épistolaires de plus en plus violents à propos du dédommagement demandé par le chevalier pour ses protégés; le Sénat de Strasbourg, qui devait servir d’arbitre, était hésitant. Alors que le chevalier, malade, était admis à l’hôpital de Strasbourg, Schultheiss, qui l’accompagnait, fut enlevé par des Augustins lors d’une messe dans l’église de l’hôpital. C’en était trop pour la ville qui obtint la libération de Schultheiss et le prit sous sa protection. Revenu dans la ville, Schultheiss obtint le droit de bourgeoisie en 1523 et devint l’aide de M. Zell à la cathédrale. Lui-même et d’autres prêtres mariés de la ville répondirent à leur excommunication par une adresse à l’évêque. Le Sénat confirma officiellement les fonctions de Schultheiss auprès de Zell, puis le nomma en 1524 diacre auprès de Capiton © à Saint-Pierre-le-Jeune. La ville de Boersch fit également appel à lui, mais il déclina cette offre, sans doute pour rester à Strasbourg, et il fut finalement élu en 1528 pasteur à Schiltigheim, où il exerça jusqu’en 1538, tout en continuant à demeurer à Strasbourg. Ses paroissiens se plaignirent à plusieurs reprises de ses absences et de son peu de disponibilité, les anabaptistes Jörg Ziegler © et Adam von Mundolsheim, à qui il avait déjà eu affaire à Saint-Pierre-le-Jeune, se substituant parfois à lui pour aller visiter les malades et même prêcher. Il semble que Schultheiss ait de plus en plus évolué vers le spiritualisme dans ces années-là. Il publia un petit écrit polémique anti-papal en vers, à l’occasion du Reichstag de Spire (1529), puis en 1531 une autre œuvre versifiée, sans doute influencée par la pensée de Sébastian Franck et prônant la liberté de conscience et le respect du pluralisme doctrinal. Le premier heurt public entre Schultheiss et Bucer © se produisit à propos de l’ouvrage de Servet, De Trinitatis Erroribus (Haguenau, J. Setzer, 1531): en décembre de cette année, Bucer tint une réunion pour dénoncer les erreurs de Servet, en présence notamment de Schwenckfeld © et de Schultheiss; ce dernier intervint avec véhémence contre les affirmations de Bucer et, selon une lettre de celui-ci à A. Blaurer, fut applaudi par une partie de l’assistance. Devant l’activité de plus en plus ouverte des divers groupes non-conformistes, les prédicateurs demandèrent au Sénat l’organisation d’un synode. Dès le début du pré-synode (3 juin 1533), Schultheiss comprit qu’il était illusoire d’espérer la restauration de l’unité des prédicateurs strasbourgeois; il rejoignit ainsi le groupe des «épicuriens», où se retrouvaient Anton Engelbrecht, Otto Brunfels © et Johann Sapidus ©. Schultheiss affirma sa méfiance vis-à-vis de la contrainte ecclésiastique et plus encore du pouvoir des autorités civiles dans le domaine religieux, tout en restant prudent dans l’ensemble. Il fut accusé de ne guère participer aux réunions communes des prédicateurs et de s’abstenir de la Cène. Mais seul Engelbrecht fut démis de ses fonctions en février 1534, bien que le Sénat ait pris la même décision vis-à-vis de Schultheiss, mais cela resta sans suite. La rupture finale entre les prédicateurs strasbourgeois et Schultheiss fut la conséquence du refus de celui-ci de signer la concorde de Wittenberg, conclue à l’initiative de Bucer et de Luther, le point d’achoppement étant évidemment l’article sur la Cène. Mais il fallut encore environ un an et demi avant que, dans des conditions peu claires, Schultheiss fût démis de ses fonctions, sans doute en début 1538, le Sénat lui octroyant cependant une pension. Pendant une dizaine d’années, Schultheiss fut régisseur d’un patricien strasbourgeois, dont le nom ne nous est pas connu. Mais il continua à intervenir dans le débat public, prônant la tolérance et allant jusqu’à nier, selon ses adversaires, que la croyance au Christ était indispensable au salut. Il fut à plusieurs reprises convoqué devant le Sénat et blâmé, sans que cela semble avoir entraîné de conséquences. Il revint progressivement à l’ancienne Église et, lors de la crise de l’Intérim, prit le parti de l’évêque, qu’il rejoignit à Saverne en 1548. Lors de l’introduction de l’Intérim en 1550, il fut nommé prêtre à Saint-Pierre-le-Vieux, mais il ne semble pas avoir abandonné ses vues hétérodoxes, puisqu’il eut à nouveau maille à partir à ce sujet avec ses anciens collègues et le Sénat. Il semble en tout cas qu’il soit revenu assez rapidement à Saverne, où il devint prédicateur du chapitre et où il mourut. Sa fille Agnès hérita de lui.

Appellation der Eelichen Priester…, Strasbourg, W. Köpfel, 1524 (également en édition latine) ; Werbung Christi…, Strasbourg, B. Beck, 1529 : Ermanung zum geistlichen urtheyl, Strasbourg, J. Knobloch le J., 1531.
J. W. Baum, Capito und Butzer, 1860, p. 250 et s., 270, 493 ; C. Gerbert, Geschichte der Strassburger Sectenbewegung 1524-1534, 1889, p. 160 et s. ; J. Adam, Evangelische Kirchengeschichte der Stadt Strassburg 1922, p. 62, 204, 209 ; F. Wendel, L’Église de Strasbourg. Sa constitution et son organisation 1532-1535, 1942 ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 499, n° 4786, p. 497, n° 4774 ; M. Krebs, H. G. Rott, Quellen zur Geschichte des Taufer : Elsass, I. Teil, Stadt Strassburg 1522-1532, t. VII, 1959, p. 66, 291, 297, 346, 394, 414, t. VIII, 1960, p. 36-45, 49-55, 61, 63, 72, 111, 117, 120, 269, 294-295, 467, t. XV, 1986, n° 721, 740, 746, 844, 856, 989, 1034, 1098, 1109, 1114, t. XVI, 1988, n° 1232, 1290, 1439, 1452, 1488, 1557, 1688, 1705, 1720, 1730, 1760, 1761; l. W. Bellardi, W. Schultheiss, Francfort/M., 1976 (avec documents et sources) ; idem, W. Schultheiss, Baden-Baden, 1982 (Bibl. Dissidentium, vol. 3); M. Lienhard, Glaube und Skepsis im 16. Jahrhundert, 1982, p. 164, 165, 167, 169-171, 173-177, repris in : idem, Un temps une ville, une Réforme. La Réformation à Strasbourg, 1990.

Frank Muller (1999)