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SCHULMEISTER Charles Louis

Espion, (PI) (★ Neu-Freistett, Bade, 5.8.1770 † Strasbourg 7.5.1853). Deuxième fils de Johann Gottfried Schulmeister, pasteur à Neu-Freistett et de Johanna Elisabetha Ritzhaub. ∞ 20.2.1792 à Sainte-Marie-aux-Mines Louise Charlotte Unger (★ 1773 † 1844), fille de Jean Charles Unger, directeur des mines d’argent, et de Marie Charlotte Schreiber; 1 fils et 2 filles. Il reçut une solide éducation, lui permettant d’entrer au service du landgrave de Hanau-Lichtenberg. Actuaire au bailliage de Kork jusqu’à la mort de son père, en juillet 1793, il regagna son village natal où il se distingua par ses idées jacobines. La politique semble n’avoir pas joué de rôle déterminant dans ce retour. Son beau-père lui avait offert l’opportunité d’ouvrir à Freistett un magasin de fer. Mais, derrière cette façade respectable, Schulmeister se livrait avec maîtrise à la contrebande entre la rive droite du Rhin et la France révolutionnaire. Au début de 1797, il essaya vainement de créer une manufacture de toiles de lin, marchandise de contrebande par excellence. Cet échec le poussa à se rendre au désir de ses beaux-parents de s’installer, avec sa femme et son fils, à Strasbourg. Certains expliquèrent ce déménagement par la volonté de fuir la justice badoise après le meurtre d’un douanier; d’autres y virent le signe d’un changement d’échelle de ses activités de contrebande. Schulmeister y ouvrit un commerce d’épicerie et de tabac, puis demanda des passeports à destination de cités du Rhin supérieur et de la Suisse du nord. Schulmeister fut ainsi absent de Strasbourg de longs mois en 1799 et 1800. Les raisons en sont obscures. Mais il semble que cette disparition fut liée à l’affaire du «Club des citoyens actifs», au printemps 1798. L’ancien jacobin aurait servi d’agitateur pour la police dans cette société secrète qui voulait exporter la révolution jusqu’aux bouches du Danube. Ce rôle de «mouche» de Fouché semble avoir été déterminant dans son expulsion par le préfet Shée, en août 1805, à la demande de ses ennemis. Elle n’était pas ignorée du général Savary, qui vint le trouver un mois plus tard pour l’employer à la partie secrète de la Grande Armée. La campagne d’Allemagne et la carrière d’espion de Schulmeister venaient de commencer. En 15 jours, il réussit à infiltrer, à Ulm, le service politique du feld-maréchal Mack, à désinformer son état-major et à obtenir, le 20 octobre 1805, la reddition de la ville. Savary l’envoya ensuite en mission vers l’est, dans la zone tenue par le corps russe de Koutouzov. Mais, reconnu à Linz comme espion, il ne dut qu’à son adresse d’éviter la pendaison. Au cours d’un transfert vers la Hongrie, il parvint à s’échapper et à gagner Vienne. Le 15 novembre 1805, il fut nommé pour la première fois commissaire de la police de sûreté au sein du gouvernement militaire de la capitale autrichienne, jusqu’à la paix de Presbourg, le 26 décembre. Lors de la campagne de Prusse, en 1806, il ne joua qu’un rôle mineur, se contentant d’accompagner Savary. Il put se distinguer dans les coups de main de Wismar, le 5 novembre, et de Friedland, le 14 juin 1807. Trois jours plus tard, il devint préfet de police de Koenigsberg, jusqu’à la paix de Tilsit, le 8 juillet. Fin septembre, Savary le rappela pour assurer la direction de la sûreté lors de l’entrevue d’Erfurt. Il reprit enfin du service lors de la campagne d’Autriche, redevenant, mi-mai 1809, après la prise de Vienne, commissaire de police. À ce titre, il dirigea l’interrogatoire du régicide allemand Staps. Lorsqu’il ne faisait pas la guerre, Schulmeister partageait son temps entre Strasbourg et Paris. La prise d’Ulm avait fait sa fortune, lui permettant d’acheter, en mai 1806, le domaine de la Canardière à Strasbourg-Meinau. En 1812, il acheta l’ancienne résidence du maréchal de Saxe, à Boissy-Saint-Léger. Dans ces deux domaines, il vécut une vie mondaine, recevant aussi bien l’impératrice Joséphine et sa fille, la reine Hortense, que Talleyrand et le duc Dalberg. Il y menait aussi une vie industrielle, cultivant ses champs et les dotant de manufactures de soude et de vitriol, de distilleries, de brasseries et de moulins à farine. Il se rendit encore acquéreur de deux maisons à Paris. Devenu un notable à Boissy-Saint-Léger, connu pour sa piété et son honnêteté, il tenta vainement de s’y faire proclamer maire, lors des Cent-Jours. Son sort resta encore intimement lié à celui de son ami, le général Savary. Le ministre de la Police en avait fait son fondé de pouvoir, lui donnant toute autorité sur ses domaines de Westphalie. Il lui assigna encore des parts dans la ferme des Jeux de Paris. Cette prospérité fut bien altérée par la chute de Napoléon. Dès lors, la police de Louis XVIII le surveillait ; les Russes, les Autrichiens et les Prussiens cherchaient à s’en saisir. Ces derniers réussirent à l’arrêter au lendemain des Cent-Jours. Après quelques mois passés en Prusse, Schulmeister revint à Paris, puis, en 1817, à Strasbourg. Le 30 décembre 1818, il dut se résoudre à vendre son château de Boissy-Saint-Léger au banquier Jean Conrad Holtinguer. Sa fortune atteignait ses limites. En 1824, ce fut le tour de sa maison parisienne, la seconde étant léguée à son fils. Il fut aussi contraint d’emprunter auprès de banquiers zurichois. Mais la culture de la garance lui procurait encore des revenus suffisants. Il ouvrit ainsi une maison de banque à Paris, confiée à son fils. Mais il eut moins de chance à Strasbourg, où l’échec de sa sucrerie, fondée en avril 1839, l’amena à se séparer de la Meinau en août 1843. Il se replia alors dans une maison de la place Broglie. Tombe et monument funéraire au cimetière Saint-Urbain.

Bruchstücke aus dem Leben Charles Schulmeister von Meinau, als angeflagter hauptspion des Napoleon, Leipzig, 1817; Le courrier du Bas-Rhin de mai 1853; L. F. Dieffenbach, K. L. Schulmeister, der Hauptspion, Parteigänger, Polizeipräfekt und geheimer Agent Napoleons t., Leipzig, 1779; Allgemeine deutsche Biographie, t. 32, p. 688; P. Muller, L’espionnage militaire sous Napoléon Ier. Ch. Schulmeister, Paris, 1896; Le Gaulois du 19.8.1906; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 733; G. Teichmann, « L’espion de l’empereur », La Vie en Alsace, 1923, 1-1, 7 (portraits). A. Elmer, Napoleons Leibspion K. L. Schulmeister, Vienne, 1931; J. Savant, Les espions de Napoléon, Paris, 1957, p. 135-143; Z.-E. Harsany, « Ch. L. Schulmeister, citoyen de Strasbourg et espion de Napoléon Ier », Saisons d’Alsace, n° 51, 1974, p. 83-99 (portrait); idem, La vie à Strasbourg sous le Consulat et l’Empire, Strasbourg, 1976, p. 256-257, 449; L. Sittler, Les hommes célèbres d’Alsace, Colmar, 1982, p. 81; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, p. 612, 638, 644, 658; J. Tulard (dir. ), Dictionnaire Napoléon, Paris, 1989, p. 1545-1546; G. Hertault, A. Douay, Généalogies des familles d’Autane, de Badonenche, Douay, Garat, Schulmeister, 2 vol., s. I. n. d. (1996), avec portrait en couleurs.

Gérald Arboit (1999)