Dessinateur, graveur, illustrateur, (C) (★ Schrobenhausen 26.7.1867 † Munich 12.5.1931). Fils de Joseph Sattler, peintre-décorateur, et de Rosalie Lachner. La carrière de Sattler n’appartient que pour une part à l’Alsace. Après avoir collaboré un certain temps avec son père, Sattler se rendit à Munich pour y suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts tout en visitant assidûment les musées de cette ville où il s’imprégna du style des grands graveurs des années 1500 (Dürer, Baldung, Urs Graf) qu’il fit revivre dans ses séries de planches consacrées à la guerre des Paysans, aux Anabaptistes et aux Danses macabres. À Munich, Sattler fit la connaissance du peintre alsacien Léon Hornecker © qu’il suivit à Strasbourg lors de son retour en Alsace en 1891. Sattler enseigna pendant quelques mois à l’École des Arts décoratifs nouvellement créée, mais reprit bientôt son indépendance après avoir fait la connaissance de quelques membres du mouvement dit de Saint-Léonard et du Kunsthafe. Sattler commença par collaborer à des journaux humoristiques, puis publia en propre régie un recueil de dessins intitulé Die Quelle, où apparaît une grande diversité d’inspirations, dominées par une conception douloureuse de la vie, une propension à la tristesse et une obsédante préoccupation des problèmes sociaux. En 1893, Sattler publia sa première grande œuvre de longue haleine : 100 exemplaires d’une suite de 30 tableaux consacrés à la guerre des Paysans. À l’instar de Léo Schnug ©, il y dévoile sa passion des uniformes, des costumes extravagants, des lansquenets et des derniers chevaliers. Il se complaît dans le macabre et le morbide. Une partie des tableaux fut présentée la même année au salon des artistes français. Sattler y obtint la mention honorable et dans la presse les éloges des critiques les plus avisés, pour avoir su rendre avec une surprenante justesse les attitudes typiques, les physionomies grimaçantes, les accoutrements bizarres et les qualités d’une profonde psychologie. En 1894 on retrouve Sattler au Salon des Champs-Élysées avec quelques-uns des sujets qui composeront sa « danse macabre moderne ». Celle-ci trouva beaucoup d’attention et des comptes rendus élogieux dans la presse allemande. À la suite du succès des deux expositions parisiennes, Sattler exposa également en novembre 1894 au Musée des Arts décoratifs à Berlin. Après avoir évoqué les misères des paysans en 1893, Sattler raconte en 1895 avec un égal accent de vérité les horreurs du siège de Munster en Westphalie en 1535 dans un album intitulé Les Anabaptistes, dans lequel il décrit les scènes d’horreur dont étaient victimes les adhérents de cette secte et où se mêlent le grotesque et le tragique, avec l’atroce supplice de Jean de Leyde, « roi de la justice par toute la terre », et le pillage de la cathédrale. Cette œuvre assura à Sattler une renommée internationale. Elle révèla aussi la hantise permanente de la violence et de la mort dans laquelle il vécut. Entre 1895 et 1903, Sattler séjourna à Berlin où il réalisa pour l’État allemand l’illustration en couleur de la grande épopée nationale des Niebelungen (1898/1899) dont les premiers fascicules figurèrent à l’Exposition de 1900. Il collabora en même temps à la publication artistique Pan. En 1896, Sattler publia 30 planches satiriques bilingues intitulées Guerre artistique internationale (Bilder vom Internationalen Kunstkrieg). Sattler y raille la lutte héroï-comique entre anciens et modernes. Dans Mon harmonie, planches coloriées, parues également en 1896 et dédiées à Léo Battista Alberti, célèbrité de la Renaissance italienne (1404-1472), Sattler s’érige en théoricien et prétend établir une correspondance entre les couleurs, les sons, les éléments et certaines conditions de notre existence. De 1897 à 1901, Sattler collabora aux quatre volumes de l’Histoire de la civilisation dans les villes du Rhin, rédigée par Heinrich Boos. Ici, Sattler révèle ses dons de paysagiste, d’architecte et de metteur en scène en édifiant châteaux forts, palais, cathédrales et
monastères. Les grandes compositions de chaque chapitre sont harmonieusement complétées par des fleurons, des lettrines et des culs-de-lampe. Signalons enfin son recueil Durcheinander et son Elsässisch Bilderbogen (Images alsaciennes), dans lesquels Sattler a réuni des dessins divers parmi lesquels des pages de titres, des ex-libris, des fleurons, des frises, des menus, des adresses ; il y dévoile la diversité de son talent artistique. Sattler fut aussi un excellent dessinateur d’ex-libris en y interprétant d’une façon ingénieuse les professions, les caprices et les fantaisies de ses clients. Il y donna toute la mesure de son sens décoratif et de ses inépuisables ressources d’inventeur. Beaucoup d’ex-libris sont traités à la façon de camaïeux du XVIe siècle, relevés de discrètes colorations (attirails de médecins, hiboux perchés sur des livres, coqs chantant à tue-tête, phylactères et armoiries). Sattler quitta Strasbourg le 17 novembre 1918, peu avant l’entrée des troupes françaises dans la ville, et retourna à Munich où il publia encore le Niebelungenlied (1927), Glockenklänge aus dem Elsass d’Otto Michaelis, Zehn Bilder aus Doctor Martin Luthers Leben (1929) et Tristan und Isolde (1930). La liste complète de l’œuvre de Sattler a été publiée par Th. Knorr. On y trouve cités entre autres les ex-libris de Hugo Haug ©, Pierre Bucher ©, Ferdinand Dollinger ©, Fritz Maisenbacher ©, du sénateur Eugène Muller © et de Rodolphe Schwander ©. Des expositions consacrées à l’œuvre de Sattler eurent lieu à Strasbourg aux Amis des Arts en 1895, au 1er Salon des artistes strasbourgeois à l’Hôtel de Ville en 1897, au Musée des Beaux-Arts à Mulhouse en 1907. Une exposition rétrospective eut lieu au Palais des Rohan à Strasbourg en 1931, année de la mort de Sattler.
A. Moureau, « Joseph Sattler », Revue alsacienne illustrée, 8, 1906, p. 45-58 ; E.-A. Regener, « Joseph Sattler », ibidem, p. 71-89 ; G. Spetz, Le secours des morts. Légende alsacienne illustrée par Joseph Sattler, 1906 ; Th. Knorr, « Joseph Sattler », Elsass-Lotringisches Jahrbuch, XI, 1932, p. 279-308 ; idem, « Die Malerei und Bildhauerei im Elsass in der Zeit von 1871-1918 », Das Reichsland Elsass-Lothringen 1870-1918, Institut der Elsass-Lothringer im Reich an der Universität Frankfurt, Francfort, 3, 1934, p. 272-274 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, Leipzig, 29, 1935, p. 487 ; Saisons d’Alsace, n° 47, 1973, p. 16-17 et n° 78/79, 1983, p. 148 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1985, p. 6662-6663 ; François Lotz (en collabor. avec J. Fuchs, L. Kieffer, R. Metz), Artistes-peintres alsaciens de jadis et de naguère 1880-1982, Kaysersberg, p. 270-271.
† François-Joseph Fuchs (1998)