Géologue, géographe (★ Wittslingen, Bavière, 6.2.1866 † 29.3.1945). Sapper est absent de l’Encyclopédie d’Alsace. Certes, cette absence peut s’expliquer par la brièveté du séjour de Sapper à Strasbourg, comme professeur de géographie, à partir de 1910, mais cette brièveté est compensée non seulement par l’originalité et l’envergure du personnage, mais aussi par le rôle qu’il joua, à son corps défendant, lors de la « révolution culturelle » qui affecta précisément en 1910 la sismologie à Strasbourg. Sapper n’est pas un pur produit de l’école géographique allemande de la fin du XIXe siècle. Ses études, à Munich, furent essentiellement naturalistes, géologie en tête. Bien plus, il vécut quelques années comme planteur de café en Alta Verapaz, Guatemala, en se familiarisant avec le monde indien. Par la suite, il parcourut l’Amérique centrale, par exemple, pour le compte du Service géologique du Mexique, au Yucatan. Fort d’une expérience multiforme de 12 ans, il rentra en Allemagne et se fit géographe, en s’habilitant à Leipzig en 1900. Professeur extraordinaire, en 1902, puis ordinaire, en 1907, à Tübingen, il fut nommé à Strasbourg en 1910, puis à Würzburg en 1919 jusqu’à sa retraite en 1932. À plusieurs reprises, il retourna en Amérique latine, entre 1902 et 1928, en visitant aussi le Nouveau-Mecklembourg. Cette carrière est jalonnée par une foule de publications que les esprits avertis ne cessent d’utiliser, par exemple en matière de volcanisme. Seul candidat à la chaire de Strasbourg, Sapper fut soutenu avec vigueur par la Philosophische Fakultät. Sa venue à Strasbourg fut l’une des « catalyses » d’une évolution brutale de la sismologie. Son prédécesseur, Gerland, cumulait en effet la chaire de géogra- phie avec la direction de la Hauptstation allemande et du Bureau central sismologique. En 1910, ce cumul fut mis en question par les géophysiciens allemands et étrangers, sévères pour le style de travail de l’école Gerland, insuffisamment scientifique à leur gré. Si von Drygalski, plein d’éloges pour Sapper, souhaita le maintien de ce cumul, il fut bien le seul. À vrai dire, cette discussion dépassa Sapper, affecté certes, « betroffen und betrübt », par la décision de confier la sismologie au géophysicien Hecker. Quoiqu’il en soit, la personnalité et les travaux de Sapper infligèrent un vigoureux démenti aux propos tenus par la suite par Baulig © au sujet de l’Institut de géographie de l’Université impériale.
Sapper fait partie de cette génération de géographes qui a vu le passage de sa discipline vers une science méthodologiquement fondée. Il œuvra dans des domaines très variés : géographie physique et économique, volcanologie, géographie régionale, ethnographie. Le début de sa carrière en Amérique centrale, accompagné de publications, en fit rapidement le spécialiste reconnu de cette région. En tant que tel et en partie sur la base de son expérience pratique, il fut recruté à Strasbourg. En témoigne la grande part qu’il donne dans ses écrits au problème très moderne de la conservation des sols. Si ses travaux de géographie économique et d’ethnographie restent assez descriptifs et déterministes, c’est en géomorphologie qu’il fut novateur en jetant les bases d’une géomorphologie des régions tropicales humides fondée sur la connaissance des processus, comme le montre sa thèse d’habilitation. Dès 1917, la deuxième partie de son petit manuel Geologischer Bau und Landschaftsblid constitue une esquisse de géomorphologie climatique. Cette tendance culmina dans sa Geomorphologie der feuchten Tropen (1935). Sans en atteindre l’excellence, il se place dans la lignée des Passarge et Hettner. Ses travaux volcanologiques privilégient également l’étude des processus. Vers la fin de sa vie il s’orienta surtout vers l’intérêt des tropiques pour l’exploitation économique. À partir de 1939 ses écrits font preuve de convictions national-socialistes.
Das nördliche Mittelamerika nebst einem Ausfiug nach dem Hochland von Anahuac. Reisen und Studien aus den Jahren 1888-1895, Braunschweig, 1897 ; Über die geologische Bedeutung der tropischen Vegetationsformen in Mittelamerika und Südmexiko, 1900 ; Geologischer Bau und Landschaftsblid (Die Wissenschaft, 51), Braunschweig, 1917; Allgemeine Wirtschafts- und Verkehrsgeographie, Leipzig, 1924 (2e éd. 1930) ; Vulkankunde, 1927 ; Geomorphologie derfeuchten Tropen (Geographische Schriften, 7), Leipzig, 1935 ; Die Verapaz im 16. und 17. Jahrundert. Ein Beitrag zur historischen Geographie und Ethnographie des nordöstlichen Guatemala (Abh. d. Bayerischen Ak. d. Wiss., Math.-naturwiss. Abt., NF, t. 57) Munich, 1936 ; Die Ernährungswirtschaft der Erde und ihre Zukunftsaussichten für die Menschheit, Stuttgart, 1939, (trad. française : L’alimentation de l’humanité. Son économie – sa répartition – ses possibilités, Paris 1942) ; Der Wirtschaftsgeist und die Arbeitsleistungen tropischer Kolonialvölker, Stuttgart, 1941.
Archives départementales du Bas-Rhin, AL 103/190, 191, 117 ; A. Weber, « Karl Sapper », Schwabenland, 1936, p. 374-377 ; Wer ist’s, 1935, p. 1355-1356 ; F. Termer, « Karl Sapper als Amerikanist », Ethnos, 1948, p. 54-62 ; idem, « Karl Sapper », Petermann’s Geographische Mitteilungen, 1948, p. 193-195.
Jean Vogt et Henri Vogt (1998)