Libraire, journaliste et homme politique, (Pl) (★ Sainte-Marie-aux-Mines 8.3.1749 † Strasbourg 7.10.1821). Fils de Jean-Rodolphe Salzmann, pasteur à Sainte-Marie-aux-Mines, puis au Temple Neuf à Strasbourg où son grand-père avait déjà exercé ce ministère, et de Marie-Élisabeth Sauer, fille d’un directeur des mines ∞ 12.1.1780 Marguerite-Salomé Muller (★ 30.11.1761 † ?). Salzmann fit des études au Gymnase protestant, puis à l’Université de Strasbourg, à la faculté de Théologie qu’il troqua contre celle de Droit, où il semble avoir rencontré Goethe, et se lia d’amitié avec Jung-Stilling, une amitié quelque peu orageuse à cause de conceptions religieuses divergentes, mais qui devait cependant rester intacte jusqu’à la mort de Salzmann. Licencié en droit, il occupa, en avril 1773, un poste de précepteur auprès du baron de Stein qui résidait à Nassau, Hesse, Allemagne. Il lui fut donné d’y faire la connaissance de la romancière Sophie de Laroche, auteur de Das Fräulein von Sternheim (1771). Il accompagna son élève à l’Université de Gottingen et y resta jusqu’en 1773. Selon son Autobiographie (p. 15, inédite à ce jour), des différends de plus en plus fréquents l’avaient amené à rompre avec son élève. Le principal bénéfice littéraire de ce séjour à Gottingen fut, de 1775 à 1777, la publication en langue française d’un Almanach des Muses, imité du Göttinger Musenalmanach, lui-même une imitation de l’Almanach des Muses de Paris. Il eut l’occasion, à Pyrmont, de s’entretenir avec Herder © et son épouse Caroline, née Flachsland. De retour à Strasbourg et s’étant lié d’amitié avec le poète Jakob Michael Reinhold Lenz, il fonda avec lui la « Deutsche Gesellschaft » dont il assura la direction après le départ de Lenz ©, à partir de 1776. Cette société littéraire se proposait de faire connaître les productions littéraires de France et d’Allemagne des deux côtés de la frontière. La majeure partie de ses publications, qui parurent dans le Bürgerfreund, l’organe de la Société, étaient cependant rédigées en langue allemande. L’élite de la jeunesse strasbourgeoise se rencontrait au sein de cette société. Bon nombre de ses membres participèrent à la rédaction de la revue héritière du Bürgerfreund, les Gelehrte und Kunstnachrichten dont Salzmann assurait la direction de la publication. Après son mariage, Salzmann fonda à l’angle de la rue des Serruriers, sa Librairie académique, augmentée d’une salle de lecture, d’une maison d’édition et d’une imprimerie. Il y publia, à partir de 1786, un Avant-coureur ou inventaire des livres les plus récents avec le prix et un petit résumé du contenu, suivi des nouvelles les plus intéressantes de Paris. En 1787, il fit l’acquisition de deux autres journaux : le Stra?burger Wochenblatt ou Affiches de Strasbourg et la Stra?burgische Privilegirte Zeitung. La tourmente révolutionnaire ne freina pas l’activité journalistique de Salzmann. En 1791, il fonda la Gazette de Strasbourg ou Stra?burgische Weltbote quidevint Niederrheinischer Kurier ou Courrier du Bas-Rhin. À la mort de Salzmann, son entreprise de presse passa dans les mains de son petit-fils, Gustave-Rodolphe-Henri Silbermann ©. Lorsque éclata la Révolution française, Salzmann et ses amis, les frères de Turckheim © et Blessig ©, les supérieurs de la Franc-maçonnerie templière à Strasbourg, n’ont guère dû hésiter à adhérer aux idéaux proclammés dans la Déclaration des Droits de l’Homme, semblables à ceux de la Maçonnerie. Salzmann fut élu représentant du Tiers État, puis l’un des commissaires élus le 23 mars . Il fit désormais partie du Magistrat de la ville de Strasbourg. Le 15 janvier 1790, il fut cofondateur de la Société de la Révolution qui prit le nom des Amis de la Constitution, dont il devint le vice-président. En cette qualité, il eut l’occasion de faire un vibrant panégyrique de la Révolution française : Aux élus du département du Bas-Rhin lors de l’achèvement de leurs travaux le 14 septembre. Il se situa du côté du maire de Dietrich © et de son parti, les Feuillants. Anticipant sur la décision de l’Assemblée Nationale d’accorder les droits civiques aux juifs, Salzmann, par la voix de la Stra?burgische Zeitung, et dans un climat général hostile aux juifs, prit publiquement parti contre les discriminations dont ils furent l’objet. Cela ne servit pas sa cause lorsque la lourde main des Jacobins s’abattit sur Strasbourg et l’Alsace. Ils demandèrent « que l’on interdise aux journalistes Saltzmann et Chayrou, qui jusqu’ici répandaient impunément leur poison royalistico-aristocratique, de continuer à semer l’ivraie ». Après avoir suspendu la Municipalité, les Jacobins sommèrent 15 de ses membres, dont Salzmann, à quitter le département. Dans sa lettre du 27 juillet 1793 au Club des Jacobins de Paris, Laveaux mettait ces derniers en garde contre Salzmann : « N’espérez pas qu’un Saltzmann se corrige jamais, le serpent meurt dans sa peau. Si vous le réchauffez dans votre sein, il vous perce le cœur. J’ose vous prédire que vous vous repentirez de votre indulgence pour ce coquin qui a une âme de terre ». Salzmann se réfugia à Tarare sans doute sur invitation d’un frère en maçonnerie, Jean-Baptiste Willermoz. Il rentra à Strasbourg après la chute de Robespierre. La tourmente révolutionnaire qui lui valut des mois d’exil et de menaces pour sa vie a finalement fait office de révélateur de sa vocation véritable. Dès 1792, il avait émis le voeu, une fois la révolution terminée, de pouvoir se mettre au service de la philosophie pure. Ce qu’il entendait par là, ses œuvres mystiques et théosophiques nous le disent.
De 1802 à 1810 Salzmann publia une importante série d’articles divisés en sept volumineux cahiers réunis sous le titre : Es wird alles neu werden (Tout sera renouvelé) ; De 1805 à 1810 il fit paraître son Christliches Erbauungsblatt (Journal d’édification chrétienne) ; En 1806 : Bemerkungen über die letzten Zeiten und die zweyte sichtbare Zukunft Jesu Christi zur Errichtung seines herrlichen Reiches auf Erden, von einem Forscher der Wahrheit (Considérations sur les derniers temps et le second retour visible de Jésus-Christ pour l’établissement de son règne glorieux sur terre, par un chercheur de la vérité) ; En 1808 : Ein Wort der Vereinigung, oder Beantwortung der Frage : ist die Tradition eine zuverlä?ige Erkenntnisquelle der Lehre der christlichen Religion in unsern Zeiten ? (Une parole d’union ou réponse à la question : la Tradition constitue-t-elle à notre époque une source de connaissances fiables des enseignements de la religion chrétienne ?). En 1810 : Blicke in das Geheimnis des Rathschlusses Gottes über die Menschheit von der Schöpfung bis ans Ende der Welte, sous-titre : Hohe Würde des Menschen, sein Beruf, seine Hoffmungen (Aperçu des mystères du décret de la Divinité concernant l’humanité depuis sa création jusqu’à la fin de notre éon : Eminente dignité de l’homme, sa mission, son espérance). En 1811 : Religion der Bibel in Abhandlungen über einige Stellen der heiligen Schrift, zur Erbauung für gebildete Leser, nach den Bedürfnissen unserer Zeit (Religion de la Bible vue à travers des traités sur quelques passages bibliques pour l’édification de lecteurs instruits, conformément aux besoins de notre époque). En 1815 : Es ist die letzte Stunde. Es sind nunmehr viele Widerchristen geworden. Ein ernstes Wort an die Christen dieser Zeit (C’est la dernière heure. Bien des antéchrists se sont manifestés. Une parole grave à l’adresse des chrétiens de notre temps). En 1816 : Geist und Wahrheit, oder Religion der Geweihten. Von dem Verfasser des Blick’s in das Geheimnis des Rathschlusses Gottes über die Menschheit (Esprit et vérité ou religion des enfants de Dieu, par l’Auteur de l‘Aperçu des mystères du décret de la Divinité concernant l’humanité). Parmi ses œuvres de jeunesse, profanes, citons : Tables pour servir à l’histoire naturelle et à celle des Etats de l’Europe, Strasbourg, 1772 ; De partis successoriis, Argentorati, 1773. De nombreux articles parus dans le Bürgerfreund. Parmi ses œuvres demeurées manuscrites, une seule nous paraît d’une origine certaine, son
Autobiographie et le fragment de son Journal. Un grand nombre d’autres manuscrits, mentionnés dans sa correspondance, en particulier avec Jung-Stilling, semblent avoir disparu.
F. Lasch, « M. de Saint-Martin. Madame de Boecklin, les deux Saltzmann, Goethe », Revue d’Alsace, 2e série, 1ère année, 1860 ; idem, F. R. Saltzmann, Biographische Notiz, Strasbourg, 1862 ; F-C. Heitz, Les sociétés politiques de Strasbourg pendant les années 1790 à 1793, Strasbourg, 1863, p. 237 ; A. Seingerlet, Strasbourg pendant la Révolution française, 1881 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 643-645 ; A.-L. Salomon, Frédéric-Rodolphe Saltzmann (1749-1820), Paris, 1932, p. 31 ; Ph. Dollinger, Strasbourg et Colmar, foyer de la mystique rhénane, PUF, 1963 ; J. Keller, « Les sociétés culturelles à Strasbourg vers 1770 » Revue d’Allemagne, III/1, 1971 ; J. Voss, Universität, Geschichtswissenschaft und Diplomatie im Zeitalter der Aufklärung : Johann Daniel Schöpflin (1694-1771), Munich, 1979, p. 47 ; P. Claus, « Un centre de diffusion des « Lumières » à Strasbourg, la Librairie académique (1782-1799), Revue d’Alsace, n° 108, 1982 ; J. Keller, Le théosophe alsacien Frédéric-Rodolphe Saltzmann et les milieux spirituels de son temps, Bern, 1985, p. 703-714 (manuscrits de Frédéric-Rodolphe Saltzmann aujourd’hui disparus : p. 516 n° 13 ; La presse départementale en Révolution (1789-1799), ouvrage présenté par P. Albert et G. Feyel, 1992, p. 199-200 et 254-258.
Jules Keller (1998)