1. Les comtes de Salm,
Les comtes de Salm. en Vosges descendent de la maison de Salm en Ardennes, dont l’un des membres, Hermann Ier, fut élu roi de Germanie en 1081. Le fils de ce dernier, Hermann II, devint voué de l’abbaye bénédictine de Senones (actuellement dans les Vosges) vers 1100. Sa vouerie s’étendait donc, entre autres, sur quatre communes situées aujourd’hui dans le Bas-Rhin : La Broque, Grandfontaine, Plaine et Saulxures. Le petit-fils de Hermann II, Henri Il de Salm, accompagna Frédéric Barberousse dans la croisade où celui-ci devait perdre la vie. Si on se fonde sur le cartulaire de Senones, c’est Henri II qui fit construire au-dessus de La Broque, à la fin du XIIe siècle, un château qui porte le nom de la famille et subit, évidemment,
des remaniements par la suite, si bien que les vestiges actuels sont plus tardifs. La biographie de ce comte et celle de son fils Henri III présentent bien des obscurités et des traits qui semblent légendaires. De nos jours, après avoir accordé à Henri II une longévité assez extraordinaire, on estime que la tradition lui a attribué certains traits concernant en fait son fils. Quoi qu’il en soit, il faut le reconnaître comme l’un des rares Salm à avoir vécu en bonne intelligence avec les moines de Senones. En 1244, la vouerie passa aux mains de Henri IV, personnage controversé s’il en fut : le plus généreux et le plus aimable des seigneurs selon le trouvère Jacques Bretex qui fut accueilli chez lui en 1285 ; le plus détestable d’après le chroniqueur Richer de Senones. Il faut avouer que les Bénédictins avaient quelques raisons de ne pas porter Henri IV dans leur cœur, car il respectait fort peu leurs droits et avait tendance à se les approprier plus qu’à les défendre. Avec le temps, la famille de Salm vit grandir son patrimoine et son importance. Les alliances brillantes ne manquèrent pas, ni la faveur des ducs de Lorraine. Parmi ces alliances, il faut en signaler trois, qui eurent des conséquences intéressant le comté vosgien. La première est le mariage de Jeannette de Salm avec Jean V Wild- et Rhingrave de Dhaun en 1459. Les Rhingraves portèrent le titre de comte de Salm. La seconde est celle de Frédéric Rhingrave, comte de Salm., précisément, et de Françoise, fille de feu Jean VIII de Salm, en 1570. À ce moment, le voué en titre était le frère de Françoise, Jean IX, maréchal de Lorraine et gouverneur de Nancy. En 1571, les deux beaux-frères — dont il peut être intéressant de savoir que l’un était protestant et l’autre catholique — s’allièrent pour réaliser un coup d’État par lequel ils devenaient, à la place de l’abbé de Senones, seigneurs régaliens du pays où ils avaient exercé la vouerie. La troisième alliance est celle de Christine, fille de Paul de Salm et de Marie Le Veneur de Tillières, donc nièce de Jean IX, avec François de Vaudémont en 1597. Jean IX, sans postérité, fit d’elle son héritière. Aussi, en 1598, pour que les choses soient claires, lui et le rhingrave Frédéric se partagèrent-ils les droits et revenus du pays de Salm, le fonds demeurant indivis. Lors du décès de Jean IX, avec qui prit fin la première dynastie de Salm en Vosges, la part de Jean IX passa à Christine. Comme son mari devint duc de Lorraine en 1625, le pays de Salm se trouva indivis entre les descendants du Rhingrave Frédéric et les ducs de Lorraine. Mais les Rhingraves n’étaient déjà plus « comtes de Salm ».
2. Les princes de Salm,
En effet, Philippe-Othon, fils du Rhingrave Frédéric et de Françoise de Salm, converti au catholicisme probablement en 1591, fut élevé au rang de prince d’Empire. Au moment où la part de Jean IX devint héritage du duc de Lorraine, son comparsonnier était le premier prince de Salm (1575-1634). Celui-ci eut trois successeurs : Léopold († 1663), Charles-Théodore-Othon (1645-1710) et Louis-Othon (1674-1738). Avec lui s’arrêta la seconde dynastie de Salm en Vosges, puisqu’il n’avait que des filles : Dorothée et Christine. Un nouveau mariage permit à la principauté de « rester dans la famille ».
3. Les princes de Salm-Salm, Philippe-Othon, premier prince de Salm, avait eu un frère, Frédéric, surnommé Magnus. L’arrière-petit-fils de celui-ci, Nicolas-Léopold de Salm., épousa Dorothée de Salm, fondant ainsi la lignée des princes de Salm-Salm, où troisième dynastie de Salm en Vosges, tandis que ses cousins, issus de Henri Gabriel Joseph Rhingrave, prince de Salm, et de Marie-Thérèse de Cray, formaient la seconde branche de Salm-Kyrburg. Nicolas-Léopold et Dorothée eurent 18 enfants. L’un d’eux, le prince Guillaume-Florentin (1745-1810), fut chanoine du Grand Chapitre de Strasbourg, évêque de Tournai, et mourut évêque de Prague. Un autre, Emmanuel-Henri-Nicolas-Léopold (1742-1808), fut mestre de camp, propriétaire à vie du régiment de Salm-Salm Infanterie, institué par Louis XVI en 1783 et dans lequel s’enrôlèrent de nombreux Alsaciens. À la mort de Dorothée en 1751, Nicolas-Léopold se remaria avec sa belle-soeur Christine, elle-même veuve du prince de Hesse-Rheinfels-Rothenbourg, mais leur couple resta sans postérité. L’œuvre remarquable de Nicolas-Léopold fut le partage de 1751. Le fait que le duc de Lorraine ne soit plus un descendant des Salm, mais l’ex-roi de Pologne Stanislas, et que, après lui, le duché doive passer au roi de France, ne laissait pas d’inquiéter le prince. Aussi s’efforça-t-il d’obtenir un découpage du pays qui lui permette de régner non plus sur une espèce de puzzle où les habitants pouvaient changer de seigneur, dans certaines localités, en allant loger de l’autre côté de la rue, mais sur un territoire homogène. Ainsi vit le jour la principauté autonome de Salm-Salm, dont la capitale fut Senones. Nicolas-Léopold n’avait pas voulu avoir comme successeur son aîné Louis-Charles-Othon, qu’il voua aux ordres à cause d’une difformité physique, et désigna son second fils, Maximilien-Frédéric-Ernest. Mais le prince Louis-Charles-Othon (1721-1778) parvint à évincer celui-ci et, plus tard, à se faire relever de ses voeux ecclésiastiques. Il épousa Marie-Anne-Félicité d’Horion, mais n’eut pas de descendance. C’est donc le fils du prince évincé qui lui succéda: Constantin-Alexandre-Joseph (1762-1828). Comme il était trop jeune pour régner, le gouvernement de la minuscule principauté fut assuré pendant un peu moins de dix ans par la Sérénissime Tutelle réunissant son oncle Guillaume-Florentin et sa mère Louise-Eléonore de Hesse-Rheinfels-Rothenbourg. En 1791, se sentant peu en sécurité dans sa principauté qui, coincée entre l’Alsace et la Lorraine, constituait une enclave dans le territoire de la France républicaine, le jeune souverain partit pour son château d’Anholt en Westphalie. Il ne revint plus jamais à Senones. En 1793, la principauté fut annexée par la France et incorporée au département des Vosges. Quatre communes en furent détachées par le traité de Francfort en 1871 et font aujourd’hui encore partie du Bas-Rhin. Veuf en 1786 de Victoire-Félicité de Loewenstein-Wertheim, le prince se remaria deux fois: avec Marie-Waldburgis de Sternberg-Manderscheid († 1806), puis avec Catherine Bender. Il mourut à Karlsruhe. Ses descendants habitent toujours le château d’Anholt.
P. de La Condamine, Salm en Vosges, Paris, 1974 ; Fr. Seillère, Documents pour servir à l’histoire de la principauté de Salm en Vosges et de la ville de Senones, sa capitale, rééd. Barembach, 1982 ; ; G. et M. Th. Fisher, L’ancien Ban de Plaine au fil du temps, Obernai 1979 ; (collectif), Histoire des terres de Salm, recueil d’études consacrées au comté et à la principauté de Salm à l’occasion de la célébration du bicentenaire de la réunion de la principauté de Salm à la France ; idem, La Broque, ancienne terre de Salm, Strasbourg-Illkirch, 1988 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, article Salm-Salm ; G. Poull, articles sur Hermann II, Henri II, Henri III, dans Les Vosgiens célèbres, Vagney, 1990 ; G. et M. Th. Fischer, articles Henri IV, Jean IX, Frédéric Rhingrave, Philippe-Othon, Nicolas-Léopold, Louis-Charles-Othon, Guillaume-Florentin, Constantin-Alexandre-Joseph, ibidem.
4. Les Salm-Reifferscheid,
Cette famille tire son origine de la même souche que les Salm-Salm, à savoir les comtes de Salm en Ardennes. Pour ce qui est de sa présence en Alsace, plusieurs membres de cette famille firent partie du Grand-Chapitre de la cathédrale de Strasbourg. Le plus célèbre d’entre eux fut sans doute le comte Hermann-Adolphe de Salm-Reifferscheid. († Bettbur 13.1.1638). Son nom est lié à plusieurs épisodes guerriers en Alsace. Officier connu pour sa valeur militaire, il commandait déjà la garnison épiscopale de Molsheim en 1610, pendant la guerre de Succession de Juliers ; obligé de se rendre, il put cependant se replier avec ses hommes sur Saverne. On le retrouve gouverneur de cette ville lorsqu’éclata la guerre de Trente ans. En janvier 1622, assiégé par des troupes de l’armée de Mansfeld, il parvint à tenir tête à l’ennemi qui finit par se retirer. En mai 1622, lors du sanglant échec de l’archiduc Léopold, évêque de Strasbourg, sous les murs de Haguenau, c’est H.-A. de Salm qui fut chargé defaire passer les soldats épiscopaux sur la rive droite du Rhin pour y rejoindre l’armée de Tilly. L’entrée des Suédois en Alsace créa une situation qui suscita des confusions dans l’esprit de certains historiens. En effet, tous les officiers dits « suédois » ne venaient pas forcément de Suède, et on compte parmi eux des membres de la branche protestante de Salm, les Rhingraves Jean-Philippe, seigneur de Fénétrange, et Othon-Louis. D’où la perplexité de certains, qui « mélangent » les Salm et mettent parfois l’un ou l’autre dans une armée où il n’a que faire. Doyen du Grand Chapitre, H.-A. de Salm fut très préoccupé de défendre la cause catholique. C’est ce qui le poussa à traiter en 1634 avec la France — pourtant alliée des Suédois — pour mettre Saverne et Haguenau sous la protection du roi sous la condition que ces villes fussent rendues respectivement à l’évêque et à l’Empire quand la guerre serait terminée. En mars de la même année, il fut fait prisonnier à la bataille de Wattwiller et enfermé à Colmar. L’empereur, qui acceptait mal le fait qu’il ait mis deux villes sous protection française, ne se pressa pas de négocier sa libération, malgré l’intervention de la régence épiscopale de Saverne. De Colmar, H.-A. de Salm fut tranféré à Benfeld, et ne fut remis en liberté que dans le cadre d’un échange de prisonniers en août 1636. Son intense activité militaire ne l’empêcha pas d’avoir des préoccupations plus pacifiques. C’est par ses soins, comme l’atteste Hugues Peltre, que les Prémontrés du Mont Sainte-Odile, dont la maison avait été ravagée par un détachement mansfeldien en 1622, retrouvèrent un toit là où s’était dressé le monastère. C’est également lui qui fit restaurer le cœur de la chapelle Sainte-Odile, sérieusement endommagé par les mêmes soudards.
H. Peltre, La vie de Sainte Odile vierge, Strasbourg, 1699; D. Albrecht, History von Hohenburg oder St. Odilien-Berg, Sélestat, 1751; J. B. Ellerbach, Der dreissigjährige Krieg im Elsass, Mulhouse, 1925.
Gérard et Marie-Thérèse Fischer (1998)