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SALINS (de MONTFORT) Nicolas Alexandre

Architecte (★ Versailles 6.2.1753 † Nantes 11.3.1839). Fils de Pierre-Antoine Salins, financier dans les sous-fermes du roi. ∞ à Strasbourg Christine-Caroline Rame. Bien que l’on ignore tout de sa formation, on peut supposer qu’elle se fit dans le milieu des architectes parisiens. Nous ne connaissons pas plus les raisons de sa venue en Alsace où la première manifestation de sa présence est un projet pour l’hôtel de ville de Saverne, de 1773, conservé au Musée historique de Francfort, dans le Fonds Salins qui réunit quelque 600 dessins. Ce même fonds comporte le plan du château de Hechingen et l’élévation de l’abbaye de Sankt Blasien, copiés d’après d’Ixnard. Pendant l’hiver 1776-1777 déjà, Salins avait fait un projet pour le château de Coblence dont d’Ixnard semble s’être inspiré par la suite. Il est donc possible que Salins ait commencé à travailler pour d’Ixnard, comme dessinateur, ou même comme collaborateur. Cette collaboration allait devenir rivalité. En 1779 la Tribu des Marchands de Strasbourg s’adressa à Salins pour l’agrandissement du Poêle du Miroir qu’elle confia finalement à d’Ixnard, non sans soumettre les plans de celui-ci au premier. En 1790 ils furent tous deux parmi les cinq architectes qui présentèrent des projets pour la grande place de Karlsruhe, dont aucun ne fut d’ailleurs retenu. Auparavant, Salins semble avoir déjà essayé de trouver des commandes dans l’Empire, en élaborant, vers 1775-1780, un projet pour le château de Wilhelmshöhe à Kassel (Musée historique de Francfort). Peu après, il réussit à occuper pour une dizaine d’années une place importante en Alsace en s’installant dans deux fonctions de premier plan, auprès de l’évêque et de l’intendant. Après l’incendie du château de Saverne en 1779, le cardinal Louis René de Rohan © lui confia le soin d’en reconstruire l’aile nord, détruite. En 1786 l’architecture grandiose du bâtiment fut critiquée par le Grand Chapitre qui s’appuyait sur des rapports de Pinot, de d’Ixnard et de Salins lui-même, ce qui n’empêcha pas la continuation du plan initial sous la conduite de son auteur. Celui-ci acheva pratiquement le gros œuvre avant août 1790. Alors que le cardinal avait émigré dès le mois de juillet, Salins continua à dessiner des projets pour le décor intérieur et le mobilier (deux dessins de cheminées et deux autres pour des lits d’apparat se trouvent à Francfort). On peut également attribuer à notre architecte la construction, entre 1783 et 1786, d’un kiosque chinois, de 25 m. de haut, dans un îlot du grand canal du parc. Démoli en 1794, l’édifice nous est connu par un dessin du Musée des arts décoratifs de Strasbourg. « Directeur des bâtiments du cardinal de Rohan », Salins fut aussi l’un des six « inspecteurs des bâtiments publics » nommés en 1780 par l’intendant d’Alsace. À ce titre il fut notamment amené à projeter, élever ou expertiser un certain nombre d’églises. Il aurait fait des plans pour celles d’Achenheim, Lampertheim, Neugartheim (1781) et Wolfgantzen qui ne furent pas réalisés. Il en fut de même pour le presbytère de Vendenheim, projeté en 1785 (Bibl. du Grand Séminairre de Strasbourg). En 1781 il fit le relevé de l’ancienne église de Barr, dans le but d’en construire une nouvelle (Archives départementales du Haut-Rhin). S’il intervint sur les chantiers des églises de Wuenheim (1785) et d’Orschwihr, ce fut sans doute en sa qualité d’architecte de l’évêque. Il subsiste heureusement un certain nombre d’édifices élevés d’après ses plans. L’église de Niederschaeffolsheim, de 1780, fut modifiée dans sa partie occidentale au XIXe siècle. De celle de Mertzwiller, projetée en 1781 et construite en 1783-1784, ne subsiste que la façade, sans doute transformée par la suite, la construction de celle de Weyersheim s’étendit de 1783 à 1791. À Dettwiller, église et presbytère furent élevés sur des plans de Salins (1783-1785). Le projet de 1781 pour Saint-Étienne de Rosheim fut exécuté entre 1783 et 1786. Enfin l’église protestante de Bischheim date de 1787-1790. Àces édifices on peut ajouter l’église deBatzendorf (1781-1782) qui peut être attribuée à Salins avec beaucoup de vraisemblance. Le dernier projet d’architecture religieuse de Salins prévoyait de remplacer la façade romane de l’abbatiale de Marmoutier par une nouvelle, de style néo-classique. Il date de 1788. La même année, l’architecte avait commencé à s’occuper de l’aménagement de l’imprimerie créée par Beaumarchais à Kehl où, à la suite des événements révolutionnaires, Salins se fixa sans doute vers la fin de 1790. De février 1792 à juin 1793, il servit d’informateur au prince de Condé. Ce fut à partir de cette époque qu’il signa « de Salins de Montfort ». Après le bombardement de Kehl, en septembre 1793, il se replia à Offenburg. Il servit ensuite comme capitaine dans le régiment de Rohan étranger. Réformé en 1797, il s’installa à Francfort où il était peut-être auparavant déjà intervenu comme architecte. Il commença alors la seconde partie de sa carrière, peut-être la plus importante, en élevant de nombreux édifices en ville et à la campagne, pour la grande bourgeoisie de Francfort. En 1806, il devint l’architecte officiel du Primat de la Confédération du Rhin, installé dans cette ville, puis, de 1807 à 1814, directeur des bâtiments de l’éphémère grand-duché de Wurtzbourg. Après quoi, il reprit son activité à Francfort jusqu’en 1821. À cette date, il regagna la France où il avait déjà effectué des voyages en 1802 et 1814, mais il ne semble plus y avoir exercé son art. Son œuvre en Allemagne fut considérable, mais il n’en reste pratiquement rien après les destructions provoquées par l’urbanisation des deux derniers siècles et la Seconde Guerre mondiale. Il avait, dans ces constructions, progressivement adapté le style Empire. Alors que son œuvre alsacienne reflète le premier néo-classicisme, tempéré, marqué par J. A. Gabriel, Soufflot, Chalgrin, Contant d’Ivry ou Victor Louis, une tendance vulgarisée par le recueil de Neufforge dont il pourrait parfois s’être inspiré.

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Roger Lehni (1998)