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ROSSÉ Joseph Victor

Homme politique, (C) (★ Montreux-Vieux 26.8.1892 † Villeneuve-sur-Lot, Lot-et-Garonne, 24.10.1951). Fils de Joseph Rossé, boulanger, et d’Eugénie Spielmann. ∞ 7.9.1920 à Colmar Françoise Joséphine Sonntag. Né dans une famille de 13 enfants, Rossé fréquenta l’école primaire jusqu’à l’âge de 14 ans, avant d’apprendre le métier de boulanger. À la suite de l’intervention de l’instituteur et du curé de Montreux-Vieux, il entra à l’École préparatoire pour l’École normale d’instituteurs à Colmar. Sorti premier de l’École normale en 1913, il fut nommé assistant instituteur à Montreux-Vieux. Il adhéra à l’Association des instituteurs catholiques d’Alsace. Mobilisé en août 1914, il fut réformé dès octobre et nommé à l’École préparatoire de Colmar. De nouveau incorporé en novembre 1916, il fut envoyé sur le front russe. Il devint sous-officier en 1917, puis officier en juillet 1918, et fut décoré de la Croix de fer de 2e classe en 1918. Après l’armistice, il reprit son poste à l’École préparatoire de Colmar. Il fut muté à Lauterbourg en juin 1919 à la suite d’une circulaire syndicale jugée « anti-française ». Syndicaliste très actif, il devint, le 24 juin 1920, président du Groupement professionnel des instituteurs du Bas-Rhin et, peu après, secrétaire de la Fédération des fonctionnaires d’État et des instituteurs d’Alsace et de Lorraine. Il devint président de la fédération la même année, et le resta jusqu’en 1927. Il se consacra à la défense du statut des fonctionnaires et employés du cadre local et à la défense des droits acquis. Le 1er octobre 1920, il fut nommé professeur à l’école primaire supérieure de Colmar. Membre de l’Union populaire républicaine (UPR) dès 1919, Rossé fut élu, en mars 1921, délégué suppléant au Comité directeur du parti. Après la déclaration ministérielle de Herriot de juin 1924, il participa activement à la lutte scolaire. Il rejoignit très tôt les milieux de la Zukunft, fondée en mai 1925, pour défendre une politique alsacienne-lorraine plus énergique. Signataire du Manifeste de I’Elsass-Lothringischer Heimatbund de juin 1926, il fut destitué de ses fonctions d’enseignant le 4 août 1926. Le 1er octobre 1926, il entra à l’Elsässer Kurier, le grand quotidien catholique du Haut-Rhin, dirigé par l’abbé Haegy ©, auquel il collaborait depuis 1919. Il en fut nommé rédacteur en chef le 16 décembre 1926. Il défendit dans le journal l’idée d’un front des partis alsaciens pour revendiquer une plus large autonomie. Arrêté le 1er décembre 1927 sous l’inculpation d’atteinte au crédit de l’État, il bénéficia d’un non-lieu huit mois plus tard. Entre-temps, il fut accusé de complot contre la sûreté de l’État et condamné, lors du procès de Colmar de mai 1928, à un an de prison, cinq années d’interdiction de séjour et à la perte des droits civiques. Élu député de Colmar en avril 1928, il fut invalidé le 16 juin et la déchéance votée par la Chambre des députés le 8 novembre 1928. Rossé fut gracié en juillet 1928 et élu conseiller général de Colmar en octobre 1928. Cette élection ayant été invalidée le 22 mars 1929, il fut réélu le 2 juin 1929. À la suite de la scission de l’UPR en novembre 1928, Rossé devint un des membres les plus influents du parti dans le Haut-Rhin. Il défendit une politique de Volksfront, c’est-à-dire d’alliance avec les partis autonomistes et les communistes dissidents. Élu député de Colmar en mai 1932, il créa avec plusieurs collègues alsaciens et lorrains le Groupe des républicains du Centre à la Chambre des députés. Réélu en 1936, il s’inscrivit au Groupe indépendant d’action populaire, constitué par les députés UPR et plusieurs collègues alsaciens et lorrains. En août 1935, il fut élu conseiller général du canton de Wintzenheim avec le soutien des communistes orthodoxes. En mai 1932, Rossé succéda à l’abbé Haegy à la direction politique de l’Elsässer Kurier et du groupe de presse catholique Alsatia. Grâce à ses bonnes relations avec Georges Mandel, chargé des affaires d’Alsace et de Lorraine, il prit, en 1936, le contrôle du groupe de presse catholique concurrent, les Éditions d’Alsace. Il s’appuya sur le groupe de presse Alsatia et sur les Jeunesses-UPR, qu’il présida de 1931 à 1940, pour s’efforcer d’imposer à l’UPR une politique alsacienne plus énergique. Après le succès du Front Populaire, il préconisa la reprise d’une politique de Volksfront. En politique extérieure, Rossé fut, dès 1919, partisan d’un rapprochement avec l’Allemagne et pacifiste convaincu. En 1923, il participa au 3e Congrès de l’Internationale démocratique de Marc Sangnier à Fribourg, Suisse. En 1929, au Congrès des catholiques allemands de Fribourg-en-Brisgau, il se prononça pour un rapprochement franco-allemand. Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il accentua sa campagne en faveur de la paix et d’un rapprochement franco-allemand dans la presse de l’Alsatia. Il participa au Congrès des catholiques allemands de 1937. Il soutint le gouvernement Daladier en politique extérieure et approuva les accords de Munich. Son souci primordial était d’éviter une nouvelle guerre à l’Alsace. Très préoccupé par la situation économique de l’Alsace, il lança, en mai 1938, le Groupement alsacien de vigilance et d’action économique. Il en fut d’abord président, puis secrétaire général. Son pacifisme, ses fréquents voyages en Allemagne, ses procès lui valurent, à partir de 1938, des attaques de plus en plus fréquentes de la presse parisienne et alsacienne. Arrêté en octobre 1939 sous l’inculpation d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, il fut emprisonné à Nancy. Il était accusé d’avoir accepté des fonds de propagande allemands ; ce qu’il démentit. Depuis août 1926, Rossé était en contact avec l’abbé E. C. Scherer © qui était un des intermédiaires pour le versement des fonds de propagande allemands en Alsace sous couvert de l’Association des catholiques allemands à l’étranger dont il était secrétaire général. Libéré le 14 juillet 1940, sur injonction de l’Allemagne, il souscrivit, le 18 juillet, au Manifeste des Trois-Épis qui demandait l’intégration de l’Alsace au Troisième Reich. De juin 1940 à avril 1941, Rossé fut chargé des affaires culturelles et de la propagande dans le cadre de l’Elsässischer Hilfsdienst du Haut-Rhin. En automne 1940, il fut nommé à la tête du Service des indemnisations des pionniers du Deutschtum en Alsace. Le 4 septembre 1940, il devint directeur du Bureau central pour les assurances étrangères. Il entra également au conseil d’administration de la Société générale alsacienne de banque. En août 1941, il fut nommé conseiller municipal de Colmar. Directeur général des Éditions Alsatia depuis août 1940, il dut céder l’Elsässer Kurier au Phönix-Verlag, la maison d’édition de la NSDAP, mais reprit les Éditions de Basse-Alsace qui avaient publié l’Elsässer. Alsatia édita de nombreux ouvrages religieux pendant l’occupation allemande. La situation de l’Alsace-Lorraine n’étant pas réglée par la convention d’armistice, Rossé défendit à
Vichy et à Paris, en juin-juillet 1941, l’idée d’une Alsace-Lorraine autonome. En juin 1942, lors d’une entrevue — dont la réalité est très contestée — avec l’ambassadeur américain à Vichy, il aurait développé l’idée d’un état tampon englobant l’Alsace-Lorraine. Rossé fut un des animateurs du « groupe de Colmar » qui entra en contact avec la résistance allemande. Informé du complot Gordeler-Stauffenberg, le groupe négocia en 1943 un accord qui prévoyait l’administration de l’Alsace-Lorraine par les délégués des Conseils généraux en attendant le rattachement à la France. Le 2 décembre 1944, Rossé échappa à une perquisition de la Gestapo. Le 3 février 1945, il sortit de sa cachette et se livra aux autorités militaires. Il fut arrêté, jugé à Nancy du 29 mai au 12 juin 1947, et condamné à 15 ans de travaux forcés, à 20 ans d’interdiction de séjour, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens. Rossé mourut dans la maison centrale d’Eysses à Villeneuve-sur-Lot.

Straßburger Neueste Nachrichten du 24.8.1941 ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932; Jolly, dir., Dictionnaire des Parlementaires français 1889-1940 ; Institut Hoover, La vie de la France sous l’Occupation, Paris, 1957, III, p. 1371 et 1567 ; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace, 1919-1936, Paris, 1969 ; Akten zur Deutschen Auswärtigen Politik 1918-1945, série B, Göttingen, 1972-1980, volumes V, VII, IX, X, XIII, XIV ; L. Kettenacker, National-sozialistische Volkstumspolitik im Elsali, Stuttgart, 1973 ; K.H. Rothenberger, Die elsass-lothringische Heimat- und Autonomiebewegung zwischen den beiden Weltkriegen, Berne-Francfort, 1975 ; P.J. Schaeffer, L’Alsace et l’Allemagne de 1945 à 1949, Metz, 1976 ; P. C. F. Bankwitz, Alsatian Autonomist Leaders 1919-1947, Regents Press of Kansas, 1978 ; P. Zind, Elsass-Lothringen. Alsace-Lorraine, une nation interdite 1870-1940, Paris, 1979 ; M. Sturmel, « Das Elsaß und die deutsche Widerstandsbewegung in der Sicht eines ehemaligen Abgeordneten der Elsässischen Volkspartei », Landesgeschichte und Zeitgeschichte, 1980 ; F. Heller, Un Allemand à Paris 1940-1944, Paris, 1981, p. 186 ; J.-J. Ritter, L. Sittler, « Ein Elsässer Verleger im Widerstand gegen den Nationalsozialismus », Buchhandelsgeschichte, 1982, 2 ; Chr. Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939. Du Reichsland à la République jacobine, Strasbourg, 1982 (portrait) ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, p. 6521 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 364-366 ; Chr. Baechler, « L’Alsace-Lorraine dans les relations franco-allemandes de 1918 à 1933 », in J. Bariéty, A. Guth, J.-M. Valentin, La France et l’Allemagne entre les deux guerres mondiales, Nancy, 1987, p. 69-109 ; L. Strauss, « Les délateurs de Rossé. Un document inédit », Saisons d’Alsace, n° 12, 1992, p. 237-248, 263-271 ; Chr. Baechler, « L’autonomisme alsacien dans l’entre-deux-guerres », Historiens et géographes, février 1995, n° 347, p. 249-255.

Christian Baechler (1998)