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ROOS Philippe Charles, dit Karl

Homme politique, journaliste, linguiste, (C) (★ Surbourg 7.9.1878 † Champigneulles, Meurthe-et-Moselle, 7.2.1940). Fils de Nicolas Roos, instituteur, originaire de Jetterswiller, et de Marie-Anne Buchert, fille du maire de Durrenbach. ∞ I à Strasbourg 4.8.1921 Marguerite Émilie Hoff. ? II à Strasbourg 3.8.1938 Marthe Kuhn. Sans enfants. Études secondaires à l’école moyenne de Sélestat et au collège épiscopal de Strasbourg. Études de germanistique et de français à Fribourg-en-Brisgau et à Strasbourg. Il soutint en 1903 une thèse sur les vocables étrangers dans les dialectes alsaciens, où il s’élevait contre l’abâtardissement de l’âme alsacienne par l’infiltration des mots français, mais se réjouissait du recul de cette influence dans les jeunes générations. Disciple d’Ernst Martin ©, il fut l’un des auteurs de l’index du Wörterbuch der elsässischen Mundarten de Martin et Lienhart. Il enseigna à Barr et à Sainte-Marie-aux-Mines, puis à partir de 1907 en Prusse rhénane à Bochum, puis à Cologne. À la suite d’une affaire disciplinaire, il aurait été contraint de donner sa démission quelques mois avant la guerre. Mobilisé en 1914 comme sous-officier, il combattit en Belgique et fut décoré de la croix de Fer. Il termina la guerre avec le grade de lieutenant. En 1919, il acheta au séquestre une école de commerce privée à Strasbourg-Neudorf, qui périclita au bout de quelques années. Il fut nommé, en 1924, inspecteur des écoles de l’administration française des mines domaniales de la Sarre. Démissionnaire en 1926, il signa le manifeste du Heimatbund et collabora au journal autonomiste Die Zukunft, où il écrivit des articles sur la question linguistique. Il succéda à Jean Keppi © en février 1927 au secrétariat général du Heimatbund, mais il critiqua rapidement le caractère trop pluraliste de cette organisation. Le 25 septembre 1927, il fonda, avec Paul Schall © et René Hauss © l’Elsass-Lothringische Autonomistische Partei, qui réclamait le droit à l’autodétermination pour la « minorité nationale opprimée d’Alsace-Lorraine ». Ce parti qu’il présidait, prit à l’occasion de sa fusion avec l’Elsass-Lothringer Oppositionsblock de Claus Zorn de Bulach, le 19. Novembre 1927 le nom d’Unabhängige Landespartei. En décembre 1927, pour échapper à la vague d’arrestations décidée par le gouvernement Poincaré ©, il se réfugia à Bâle. Avec des fonds allemands, il publia en mars 1928 une brochure contre l’impérialisme français. La cour d’assises de Colmar le condamna par contumace le 12 juin 1928 pour complot contre la sûreté de l’État à 15 ans de détention. Rentré clandestinement en France avec l’aide de Hauss, il apparut en public à Strasbourg le 9 novembre 1928 au cours d’un meeting commun des communistes et des autonomistes et il se présenta le lendemain au juge d’instruction pour purger sa contumace. Son procès eut lieu du 10 au 22 juin 1929 à Besançon, où, défendu par les avocats communistes Berthon © et Fourrier ©, ainsi que par Fritz Klein © et Charles Thomas, il fut acquitté par le jury du Doubs. Le 12 mai 1929, il avait été élu au conseil municipal de Strasbourg. La nouvelle majorité autonomiste, communiste et UPR décida de manifester sa sympathie en proposant son élection comme maire, mais il avait d’avance décliné cette fonction. Il fonda le 1er janvier 1930 avec Hauss et Schall le quotidien ELZ (Elsass-Lothringische Zeitung) tout en continuant à diriger la Landespartei. En 1931, il fut élu conseiller général à Strasbourg-Est avec le soutien de l’UPR : il fut désigné comme vice-président du conseil général mais ne fut pas réélu à ce poste en 1933. La sympathie qu’il manifestait ouvertement pour le national-socialisme et son hostilité déclarée envers Michel Walter © entraîna la rupture de son alliance avec ce parti catholique. À l’automne de 1933, il entreprit un voyage en Allemagne, au Tyrol du Sud et chez les Sudètes. En 1935, il fut réélu au conseil municipal, mais fut désormais dans la minorité. Candidat en 1936 aux élections législatives à Strasbourg-Campagne remportées par le communiste Daul ©, il fut battu au second tour à la suite d’une quadrangulaire. Son parti fut affaibli quand Bickler © transforma en 1936 son organisation de jeunesse, la Jungmannschaft, en parti politique indépendant, l’Elsass-Lothringer Partei. En 1937, Roos fut battu aux élections cantonales par le socialiste Naegelen ©. Peu après, il fonda une association culturelle, l‘Elsässer Volksbildungsverein. Ses voyages fréquents en Allemagne et en Suisse inquiétaient le commissaire Becker ©, qui l’arrêta pour espionnage le 4 février 1939 : on aurait trouvé dans son carnet des numéros de téléphone d’un relais en Suisse des services de renseignements allemands. Son chauffeur et secrétaire Julien Marco et l’épouse de celui-ci l’accusèrent d’avoir transmis des informations sur les dispositifs militaires français à la Gestapo de Kehl, ainsi qu’à Bongartz ©. Les apologistes de Roos ont toujours insisté sur l’invraisemblance de l’emploi pour de banales opérations de renseignements d’un leader politique aussi exposé, celui que certains qualifiaient de « Henlein alsacien ». Il est difficile de trancher au moins aussi longtemps que les archives de la justice militaire resteront fermées aux historiens. Son Volksbildungsverein fut dissous par un décret du gouvernement Daladier le 21 avril 1939. Roos, incarcéré à Nancy et défendu à nouveau par Berthon, fut jugé par le tribunal militaire de la XXe Région du 23 au 26 octobre 1939 et condamné à mort pour espionnage, complicité d’espionnage, provocation à l’espionnage et relations non déclarées avec des agents d’un service de renseignements étrangers. Dans la cellule des condamnés à mort, il revint à la foi de son enfance avec l’aide d’un aumônier pénitentiaire, le père jésuite Brandicourt. Après le rejet du pourvoi en cassation et de son recours en grâce, et malgré les démarches du sénateur Eugène Muller ©, il fut fusillé le 7 février 1940 au champ de tir de la Petite Malpierre par un peloton de soldats alsaciens. Le 10 février 1940, le gouvernement allemand fit savoir que Roos n’avait jamais été en relation avec des services allemands. Sa secrétaire, Mme Woerner avait été emprisonnée à Nancy ; sa femme et deux de ses sœurs furent internées par la suite au camp d’Arches (Vosges). Dès l’annexion de fait, ce « témoin de sang de l’Alsace allemande » fit l’objet d’un véritable culte officiel. Son cercueil, exhumé à Champigneulles, fit un retour voulu triomphal par les autorités allemandes le 19 juin 1941. Il fut déposé à la Hunebourg, dans la chapelle du monument élevé en 1937 par Fritz Spieser © aux soldats alsaciens morts sous l’uniforme allemand de 1914 à 1918. Un transfert ultérieur était prévu à Strasbourg sur la place Kléber, devenue Karl-Roos Platz. La Gestapo vengea Roos en assassinant dans des camps de concentration ceux qui l’avaient fait condamner : Marco, puis Becker.

Die Fremdwörter in den elsässischen Mundarten, Stuttgart, 1903 ; édition scolaire de George Sand, La Mare au diable ; un dictionnaire alsacien-français, 1919. Articles dans die Zukunft, 1925-1927 ; Politik und Gewaltpolitik in Elsass-Lothringen, EineSchrift zur Lehr und Wehr, Zurich, 1928 ; nombreux articles dans : Elsass-Lothringer Zeitung ELZ, 1930-1939 ; Elsässisches Trutz- und Kampflied, 1933 (reproduit par P. Zind, Elsass- Lothringen (…), p. 443-444) ; Unser Elsässerditsch. Sprachgeschichtliche und volkskundliche Ptaudereien, Strasbourg, 1938 ; Unser Elsass in Haushumor und Sprachweisheit, 1943. Des extraits des œuvres de Karl Roos dans P. Schall, Kart Roos, Colmar, 1941, p. 95-181 et dans Karl Roos. Ein Gedenkbuch, Strasbourg, 1941.

Le procès du complot de Colmar, Colmar, 1928 ; Le procès du complot du Dr. Roos à Besançon, Colmar, 1929 ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, Alsatia (index) ; H. Baron, Mit Karl Roos, dem Blutzeuge des deutschen Elsass, die letzten Tage in der Todeszelle, Strasbourg, 1940 (réédité dans Karl Roos, ein Gedenkbuch, Strasbourg, 1941, p. 23-70) ; P. Schall, Karl Roos und der Kampf des heimattreuen Elsass, Colmar, 1941 (préface de R. Ernst) ; Karl Roos. Ein Gedenkbuch, Strasbourg, 1941 (textes de R. Wagner, F. Spieser, H. Baron, R. Ernst, K. Roos et P. C. Ettighoffer) ; P. C. Ettighoffer, Erschossenzu Nanzig. Das Leben eines tapferen und aufrechten deutschen Mannes, Strasbourg, 1942 ; Käàmpfer, Künder, Tatzeugen, München, 1942 ; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919- 1936, Paris, 1969 ; L. Kettenacker, Nationalsozialistische Volkstumspolitik im Elsass, Stuttgart, 1973 ; P. Paillole, Services spéciaux, Paris, 1975 ; K.-H. Rothenberger, Die elsass-lothringische Heimat- und Autonomiebewegung (…), Berne, 1975 ; L. Kettenacker, La politique de nazification en Alsace, Strasbourg, 1978 (Saisons d’Alsace, n° 65, 68) ; P. Zind, « Karl Roos », Nouvelle voix d’Alsace-Lorraine, 1978 ; P. C. F. Bankwitz, Alsatian Autonomist Leaders 1919-1947, Lawrence, 1978 ; P. Zind, Elsass-Lothringen, Alsace-Lorraine, 1870-1940, Paris, 1979 ; Ph. Bankwitz, Les chefs autonomistes alsaciens, Strasbourg, 1980 (Saisons d’Alsace, n° 71) ; C. Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939, Paris, 1982 ; D. Wolfanger, Nazification de la Lorraine mosellane, Sarreguemines, 1982 ; C. Béné, L’Alsace dans les griffes nazies, V, Raon-l’Étape, 1984 ; K. Hochstuhl, Zwischen Krieg und Frieden ; Das Elsass in den Jahren 1938-1940, Berne, 1984 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1985, p. 6502-6504 (photos) ; F. Raphaël, G. Herberich-Marx, « La mise en scène du nazisme », Saisons d’Alsace, 114, 1991, p. 35-50.

Léon Strauss (1998)